Cour de Cassation, Chambre sociale, du 25 février 1997, 94-44.788, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à compter de l'année 1988 M. X... a travaillé en qualité de formateur au Centre information et vulgarisation agricole et ménager de l'Aude (CIVAM) ; que cette société, qui ne le considérait pas comme un salarié, n'avait pas fait, à son sujet, de déclarations à l'URSSAF ; qu'à la suite d'un redressement elle a cependant dû verser à cet organisme un arriéré de cotisations patronales et salariales pour la période de 1988 à 1991 ; que, M. X... ayant saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en rappel de salaires pour l'année 1990-1991, l'employeur a sollicité la compensation de la somme qu'il reconnaissait devoir à ce titre, avec la créance dont il s'estimait titulaire, en remboursement des cotisations salariales réglées par lui à l'URSSAF pour la période de 1988 à 1991 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à la cour d'appel d'avoir considéré qu'il était débiteur des cotisations salariales payées par le CIVAM alors, selon le moyen, que la faute du créancier exonère partiellement ou totalement le débiteur de l'exécution de l'obligation ; qu'en l'espèce le CIVAM a commis une erreur en considérant comme honoraires ce que l'URSSAF a estimé être des salaires ; que cette faute est le fait générateur de l'obligation au paiement des cotisations salariales ; qu'ainsi, en ne tenant pas compte de ces circonstances, la cour d'appel a violé par fausse application, ensemble, les articles 1147 et 1148 du Code civil ;

Mais attendu que l'obligation au paiement de cotisations salariales ne trouve pas sa source dans la faute commise par l'employeur, laquelle ne peut que justifier, le cas échéant, des dommages-intérêts, mais dans la loi qui met à la charge de tout salarié cette obligation ; que dès lors, ayant constaté que l'employeur avait réglé, pour la période de 1988 à 1991, la part ouvrière des cotisations sociales, c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé qu'il était titulaire à l'encontre du salarié d'une créance en remboursement de la somme versée à ce titre ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux premières branches du second moyen :

Attendu que le salarié reproche encore à la cour d'appel d'avoir admis la compensation des créances salariales dont il disposait avec la part salariale des cotisations payées à l'URSSAF par l'employeur, alors, selon le moyen, de première part, qu'une compensation ne peut se réaliser que si les créances sont exigibles, liquides et certaines, c'est-à-dire si les deux personnes en présence sont simultanément et personnellement créancières et débitrices l'une de l'autre, si les créances sont déterminées dans leur montant et non contestées et si l'existence de la créance est certaine ; qu'en l'espèce la créance est née d'un rapport triangulaire entre l'URSSAF, le CIVAM et M. X... ; qu'il existe une contestation quant au montant et à l'existence même de cette créance ; qu'ainsi, en ne tenant pas compte de ces circonstances, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1289, 1290 et 1291 du Code civil ; alors, de deuxième part, qu'une compensation sur une créance salariale est prohibée en son principe, les exceptions légales étant d'interprétation stricte, admises seulement si elles sont favorables au salarié ; qu'en l'espèce la prétendue dette, née du non-versement des cotisations salariales par l'employeur, n'entre pas dans les exceptions à la prohibition des compensations de créances salariales et qu'admettre une telle compensation était défavorable à M. X..., qui ne peut plus en contester les modalités de calcul par l'URSSAF ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, rejetant les contestations soulevées par le salarié, a constaté que le CIVAM était titulaire à l'encontre de celui-ci d'une créance d'un montant de 23 161,41 francs ; que, le premier moyen dirigé contre cette disposition de l'arrêt étant rejeté, le caractère liquide, certain et exigible de cette créance se trouve consacré ;

Attendu, ensuite, que l'article L. 144-1 du Code du travail ne prohibe la compensation qu'entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l'employeur " pour fournitures diverses " ; que, s'agissant de compenser les salaires avec le montant des cotisations salariales payées par l'employeur pour le compte du salarié, cet article est sans application en l'espèce ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur la troisième branche du second moyen :

Vu les articles L. 144-2 et L. 145-2 du Code du travail ;

Attendu que, pour autoriser le CIVAM à pratiquer une compensation entre sa créance et celle dont il disposait à l'encontre du salarié, la cour d'appel, faisant application de l'article L. 144-2 du Code du travail, a énoncé que cette compensation ne pourrait jouer que par retenues ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 144-2 du Code du travail, exclusivement relatif aux avances en espèces consenties au salarié, ne pouvait trouver application en la cause, et que, dès lors, la compensation ne pouvait s'appliquer que sur la fraction saisissable du salaire en application de l'article L. 145-2 du Code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation n'impliquant pas qu'il soit statué à nouveau sur le fond, il y a lieu, en application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition précisant que la compensation ne pourrait s'exercer que par retenues n'excédant pas le dixième des salaires exigibles, l'arrêt rendu le 13 janvier 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT que la compensation entre les créances de l'employeur et du salarié ne pourra intervenir que dans la limite de la fraction saisissable du salaire ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

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