Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 1 décembre 1995, 91-19.653, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 1134 et 1135 du Code civil ;

Attendu que la clause d'un contrat de franchisage faisant référence au tarif en vigueur au jour des commandes d'approvisionnement à intervenir n'affecte pas la validité du contrat, l'abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu'à résiliation ou indemnisation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a conclu un contrat par lequel il devenait, pendant une durée de 5 années, le franchisé de M. Y... et s'engageait à utiliser exclusivement les produits vendus par celui-ci ;

Attendu que pour annuler ce contrat, l'arrêt retient que l'article 5 de la convention prévoit " que les produits seront vendus au tarif en vigueur au jour de l'enregistrement de la commande, ce tarif étant celui du prix catalogue appliqué à l'ensemble des franchisés ", qu'il s'agit en fait d'un barème et qu'il en résulte que la détermination des prix est à la discrétion du franchiseur ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.MOYEN ANNEXE

Moyen produit par la SCP Defrénois et Levis, avocat aux Conseils, pour M. Y....

MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le contrat de franchise conclu le 28 février 1983 entre M. Y..., franchiseur, et M. X..., franchisé, d'avoir condamné en conséquence M. Y... à restituer à M. X... la somme de 187 760 francs qui avait été versée en exécution partielle du contrat, et à payer à M. X... la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de franchise stipule que les produits d'approvisionnement seront vendus au franchisé au tarif en vigueur au jour de l'enregistrement de la commande et que le tarif sera celui du prix catalogue appliqué par le concédant à l'ensemble des autres franchisés et concessionnaires exclusifs ; mais qu'en fait aucun catalogue de prix n'a jamais existé, le concédant adressant en début d'année à ses franchisés un barème de prix établi par lui et valable pour la durée de l'année à venir ; que la détermination du prix des produits dont l'achat était imposé au franchisé était laissée à la seule discrétion du franchiseur ; que le contrat est ainsi nul pour indétermination du prix ; que les sommes versées et le matériel reçu doivent, respectivement, être restitués ; qu'il convient d'allouer au franchisé la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts pour compenser la perte de jouissance pendant plusieurs années de la somme de 187 760 francs qu'il avait versée au franchiseur ;

ALORS QUE, d'une part, le contrat de franchise est distinct des contrats de vente successifs conclus ultérieurement entre le franchiseur et le franchisé ; que dès lors, quand bien même ces contrats de vente seraient nuls pour indétermination du prix, le contrat de franchise ne serait pas pour autant annulé de plein droit ; qu'en ne recherchant pas en l'espèce si le contrat de franchise n'avait pas essentiellement pour objet des obligations de faire, de sorte que l'article 1129 du Code civil n'était pas applicable, et si ses dispositions relatives au prix des contrats de vente ultérieurs ne se rattachaient pas exclusivement à ces contrats, en sorte que ces dispositions ne devaient être examinées que pour apprécier la légalité de ces seuls contrats de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1129, 1134 et 1165 du Code civil ;

ET ALORS QUE, d'autre part, l'annulation d'un contrat oblige seulement chaque partie à restituer la chose qu'elle avait reçue de son cocontractant ; qu'une partie ne peut, en sus, être condamnée à payer des dommages-intérêts que si elle a commis une faute causant un préjudice à son cocontractant ; qu'en l'espèce, le franchiseur était en droit de recevoir la somme de 187 760 francs puis de la conserver tant que le contrat de franchise n'était pas annulé, ce qui n'était de surcroît que la contrepartie de la jouissance du matériel par le franchisé ; qu'en condamnant néanmoins M. Y... à payer la somme de 60 000 francs à M. X... à titre de dommages-intérêts, sans caractériser une faute du franchiseur ni un lien de causalité avec le préjudice allégué par le franchisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

Retourner en haut de la page