Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 1 décembre 1995, 91-15.999, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT N° 2

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1709 et 1710 ensemble les articles 1134 et 1135 du Code civil ;

Attendu que lorsqu'une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l'abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu'à résiliation ou indemnisation ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que, le 15 novembre 1982, la société Bechtel France (société Bechtel) a souscrit avec la société Compagnie française de téléphone (société Cofratel), pour une durée de 15 années, une convention dite de " location-entretien ", relative à l'installation téléphonique de ses bureaux ; que, le 28 juin 1984, la société Bechtel a informé la société Cofratel de la fermeture de partie de ses locaux et, par suite, de la fin du contrat ; que la société Cofratel a assigné la société Bechtel en paiement du montant de la clause pénale prévue en cas de rupture anticipée de la convention et que la société Bechtel a résisté en invoquant la nullité du contrat pour indétermination du prix ;

Attendu que, pour prononcer cette nullité, l'arrêt retient que si " l'obligation de recourir à la société Cofratel ne concerne que les modifications intrinsèques de l'installation et n'empêche pas la société Bechtel de s'adresser à d'autres fournisseurs pour l'achat et l'utilisation d'appareil semblable ou complémentaire, il n'en demeure pas moins que toutes modifications de l'installation ne peuvent être exécutées que par la société Cofratel qui bénéficie à cet égard d'une clause d'exclusivité " ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

MOYEN ANNEXE

Moyen produit par la SCP Defrénois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Compagnie française de téléphone.

MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du contrat souscrit le 15 novembre 1982 par la société Bechtel France auprès de la société Cofratel et d'avoir débouté cette dernière de l'ensemble de ses prétentions ;

AUX MOTIFS QUE si l'obligation de recourir à la société Cofratel ne concerne que les modifications intrinsèques de l'installation et n'empêche pas la société Bechtel de s'adresser à d'autres fournisseurs pour l'achat et l'utilisation d'appareil semblable ou complémentaire, il n'en demeure pas moins que toutes modifications de l'installation ne peuvent être exécutées par la société Cofratel qui bénéficie à cet égard d'une clause d'exclusivité ; (...) ; qu'ainsi, en l'absence de tout élément figurant au contrat permettant de faire échapper la fixation du prix de ces modifications à la seule valeur discrétionnaire de la société Cofratel, seule habilitée à les effectuer, il convient d'annuler l'ensemble de la convention pour indétermination du prix des prestations et fournitures prévues à l'article 8, conformément aux dispositions de l'article 1129 du Code civil, et ce, dans la mesure où les parties étaient liées par un contrat de longue durée ;

1) ALORS QUE les contrats qui ont seulement pour objet une obligation de faire ne sont pas soumis aux exigences de la détermination du prix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la clause d'exclusivité stipulée au profit de la société Cofratel concernait les modifications intrinsèques de l'installation à l'exclusion de l'achat et l'utilisation d'appareil semblable ou complémentaire ; que la clause litigieuse faisait ainsi naître une obligation de faire non soumise à l'exigence d'un prix déterminé, que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1129 du Code civil ; en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

2) ALORS QUE la société Cofratel faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que si la société Bechtel décidait d'avoir recours aux services de la société Cofratel, elle avait la faculté de discuter le devis chiffré qui lui était soumis et restait parfaitement libre de ne pas contracter et de s'adresser à la concurrence ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

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