Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 9 mai 1995, 93-10.549, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 novembre 1992), que la SCI La Falaise a conclu avec la société Assurbail Sicomi un contrat de bail à construction ; que l'immeuble édifié a fait l'objet d'un contrat de crédit-bail immobilier au profit de la SARL La Falaise, et que cette dernière a pour occupants la société Prince X... qui exploite un fonds de commerce d'hôtel et M. Y... qui exploite un restaurant ; que la SARL La Falaise a été mise en redressement judiciaire le 31 juillet 1991, et que, par un jugement du 12 mai 1992, cette procédure a été étendue à la société Prince X..., la SCI La Falaise et à M. Y... ; que le crédit-bailleur, excipant d'une sommation de payer diverses sommes, délivrée le 14 juin 1991 avec rappel de la clause résolutoire du contrat mais demeurée infructueuse, a assigné en référé, le 10 janvier 1992, le crédit-preneur et les occupants aux fins de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et d'expulsion ; que cette demande a été déclarée irrecevable par ordonnance du 16 janvier 1992 ; que la cour d'appel a constaté qu'au 16 juin 1991, la clause résolutoire était acquise, et que les sociétés La Falaise et Prince X..., ainsi que M. Y..., étaient occupants sans droit ni titre ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit et jugé que la SARL La Falaise, en redressement judiciaire, occupait sans droit ni titre les locaux de l'hôtel Prince X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 que le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire suspend ou interdit toute action exercée par un créancier dont la créance est antérieure à ce jugement et qui tend à la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce la cour d'appel a déclaré recevable l'action intentée en juillet 1991 par la société Assurbail et tendant à la résolution du contrat de crédit-bail conclu entre celle-ci et la société La Falaise, tandis que cette dernière faisait l'objet, le 31 juillet, d'une procédure de redressement judiciaire ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article susvisé ; alors, d'autre part, que l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 suspend toute action tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent sans distinguer selon que le contrat, dont la résolution est demandée, comporte ou non une clause résolutoire ; que l'article 47 susvisé ne distingue pas entre l'action, aux termes de laquelle le juge constate l'acquisition d'une clause résolutoire, ou celle aux termes de laquelle il apprécie l'inexécution du contrat ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable l'action formée par la société Assurbail pendant la procédure de redressement judiciaire de la SARL La Falaise, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que l'action intentée par Assurbail tendait seulement à faire prononcer l'acquisition d'une clause résolutoire et donc à faire reconnaître un droit préexistant à la procédure de redressement ; qu'en distinguant ainsi entre la résolution prononcée sur le fondement d'une clause résolutoire ou pas, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 47 susvisé ; et alors, enfin, que tant qu'une décision passée en force de chose jugée n'a pas constaté l'acquisition de la clause résolutoire, l'action tendant au prononcé de l'acquisition de cette clause est suspendue dès que survient une procédure de redressement judiciaire ; qu'en l'espèce il est constant qu'au jour du redressement judiciaire, aucune décision passée en force de chose jugée n'avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail litigieux ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action formée par Assurbail et tendant à la constatation de l'acquisition de cette clause résolutoire, la cour d'appel a violé l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ne font pas obstacle à la constatation de la résiliation, par application d'une clause résolutoire de plein droit, qui a produit ses effets antérieurement au jugement d'ouverture d'un contrat de crédit-bail immobilier ;

Attendu qu'ayant relevé que la SARL La Falaise ne réglait pas régulièrement ses loyers depuis 1989, qu'une mise en demeure lui a été délivrée le 7 mai 1991 conformément à l'article 21 du contrat, que plus d'un mois s'étant écoulé depuis cet envoi, le crédit-bailleur a fait délivrer le 14 juin 1991 une sommation de payer sous 48 heures, qu'aucun règlement n'est intervenu le 16 juin, ni plus tard, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 en décidant que la société Assurbail était en droit de faire constater que la clause résolutoire était acquise dès cette dernière date ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le même grief est encore fait à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 38 de la loi du 25 janvier 1985 que le bailleur ne peut poursuivre une action en résiliation du bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise pour défaut de paiement des loyers que s'il s'agit des loyers échus depuis plus de 3 mois après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ; que la loi ne distingue pas selon que la résiliation est demandée sur le fondement d'une clause résolutoire ou pas ; qu'en l'espèce il est constant que la société Assurbail a demandé la résiliation du contrat de crédit-bail au cours de la procédure de redressement judiciaire pour le paiement de loyers dus avant le redressement judiciaire ; qu'en déclarant une telle action en résiliation recevable la cour d'appel a violé l'article 38 susvisé par fausse interprétation ; et alors, d'autre part, que tant qu'une décision passée en force de chose jugée n'a pas prononcé l'acquisition de la clause résolutoire, l'action tendant au prononcé de l'acquisition de cette clause est suspendue dès qu'est ouverte une procédure de redressement judiciaire ; qu'en l'espèce il est constant qu'au jour du redressement judiciaire, aucune décision passée en force de chose jugée n'avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail litigieux ; que la société Assurbail n'avait intenté son action que le 19 juillet 1991, soit quelques jours avant l'ouverture du redressement judiciaire et qu'aucune décision n'avait été rendue de ce chef ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action formée par la société Assurbail, tendant à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé l'article 38 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que, dès lors que le contrat en cause n'était pas le bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise de la SARL La Falaise, c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé que l'article 38 de la loi du 25 janvier 1985 n'avait pas son application en l'espèce ; d'où il suit que le moyen est, en ses deux branches, sans aucun fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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