Cour de Cassation, Chambre sociale, du 7 décembre 1993, 88-41.422, Publié au bulletin
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 7 décembre 1993, 88-41.422, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 88-41.422
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet.
Audience publique du mardi 07 décembre 1993
Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 1988-02-17, du 17 février 1988Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu que la compagnie Air France a, le 16 mars 1978, mis fin aux fonctions de sa salariée, Mme X..., en application de l'article 75 de son règlement intérieur fixant à 50 ans l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial féminin ; que l'intéressée a alors sollicité une prolongation d'activité de 3 années, en invoquant les pourparlers en cours, au sujet d'une application éventuelle au personnel féminin des dispositions de l'article 75-1 du règlement intérieur permettant de proroger jusqu'à 55 ans les services du personnel masculin ; que la compagnie Air France lui a, par lettre du 17 avril 1978, proposé à titre conservatoire, une prolongation exceptionnelle d'activité jusqu'au 31 décembre 1978, en lui précisant que, dans l'hypothèse où le règlement serait modifié dans le sens souhaité par le personnel féminin, sa demande serait réexaminée en fonction des nouvelles modalités, mais que, dans le cas contraire, son activité cesserait définitivement le 31 décembre 1978 ; que, le 10 octobre 1978, la compagnie, exposant qu'aucune modification du règlement n'était intervenue, lui a confirmé qu'elle cesserait ses fonctions le 31 décembre 1978 ; que, néanmoins, par lettre du 16 juillet 1981, à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat du 6 février 1981 ayant déclaré illégale, sur le recours d'un autre membre du personnel navigant féminin, la discrimination créée par l'article 75-1 du règlement intérieur entre ce personnel et le personnel masculin, la compagnie Air France a proposé à Mme X... de reprendre ses fonctions en vertu d'un contrat à durée déterminée ; que Mme X... a repoussé cette offre ; Sur le premier moyen : Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Orléans, 17 février 1988), rendu après cassation, d'avoir dit que la mise à la retraite de Mme X... à l'âge de 50 ans constitue une rupture abusive du contrat de travail imputable à l'employeur, alors, selon le moyen, d'une part, qu'à la différence de l'annulation, la déclaration d'illégalité par le juge administratif d'un acte administratif, réglementaire ou non, n'ayant que l'autorité relative de la chose jugée et ne faisant pas disparaître rétroactivement l'acte en cause de l'ordonnancement juridique, la cour d'appel, en se fondant sur une déclaration d'illégalité de certaines dispositions de l'article 75 du règlement intérieur d'Air France applicable au personnel navigant commercial, prononcée dans le cadre d'une autre instance, a violé l'article 1351 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en affirmant l'illégalité du règlement intérieur d'Air France applicable au personnel navigant commercial, sans surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se prononce sur sa légalité dans le cadre de la présente instance, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 ; Mais attendu que toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ; Et attendu que la cour d'appel relève exactement que l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 février 1981 a déclaré illégales, parce qu'entachées de discrimination illicite, celles des dispositions de l'article 75 qui réservent au seul personnel masculin la possibilité de poursuivre sa carrière à Air France jusqu'à l'âge de 55 ans ; qu'ainsi la cour d'appel a, à bon droit, décidé que la compagnie Air France ne pouvait opposer à Mme X... la disposition discriminatoire figurant à l'article 75 ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième et troisième moyens, réunis : Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon les moyens, d'une part, qu'à supposer qu'il puisse être pris en considération dans le présent litige, quoique rendu à l'occasion d'une autre instance, l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 6 février 1981, qui n'a déclaré illégales que celles des dispositions de l'article 75 du règlement en cause qui réservent aux agents masculins la possibilité de prolonger leur activité en vol au-delà de 50 ans et jusqu'à 55 ans, n'a eu aucune incidence sur la légalité des dispositions de ce texte fixant l'âge normal de départ à la retraite de l'ensemble du personnel navigant commercial de la compagnie nationale à 50 ans ; que, dès lors, en se fondant sur cette décision du Conseil d'Etat pour décider que constituait une rupture abusive la mise à la retraite à l'âge fixé par les dispositions de l'article 75 précité qui n'ont pas été déclarées illégales par la juridiction administrative, la cour d'appel a méconnu les limites de l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat et violé l'article 1351 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'ayant affirmé que celles des dispositions de l'article 75 du règlement en cause déclarées illégales étaient réputées n'avoir jamais existé, la cour d'appel devait d'autant plus apprécier la régularité de la mise à la retraite litigieuse, au regard des seules dispositions légales de ce texte qui fixent précisément l'âge normal de départ à la retraite à 50 ans ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a donc pas tiré de ses propres énonciations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement, tant au regard de l'article 1351 du Code civil, que de la loi des 16-24 août 1790, qu'elle a ainsi violés ; alors, qu'enfin, en définitive, en déclarant que constituait une rupture abusive la mise à la retraite à l'âge normal fixé par les dispositions incontestablement légales du règlement intérieur d'Air France applicable au personnel navigant commercial, la cour d'appel a violé tant ces dispositions réglementaires que les articles 1134 du Code civil, L. 122-4, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ; Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que la disposition discriminatoire contenue dans l'article 75 du règlement intérieur ne pouvait, du fait de la déclaration d'illégalité prononcée par la juridiction administrative, s'appliquer, la cour d'appel a, à bon droit, décidé, d'une part, que la possibilité de poursuivre sa carrière au delà de l'âge normal de la retraite est ouverte à tout membre de cette catégorie de personnel navigant commercial, sans distinction de sexe, dans les limites et conditions prévues par les statuts, d'autre part, que la décision par laquelle Air France a rejeté, au seul motif de son sexe, la demande de Mme X... de poursuivre sa carrière jusqu'à 55 ans, s'analysait en un licenciement illicite ; D'où il suit qu'aucun des moyens n'est fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.