Cour de Cassation, Chambre sociale, du 16 mars 1994, 91-43.349 91-43.350, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 91-43.349 et 91-43.350 ;

Sur les deux moyens communs aux pourvois :

Attendu que la SNCF a effectué, en avril, mai et juin 1989, des retenues d'un montant variable sur la rémunération de certains contrôleurs de route, auxquels elle reprochait de s'être abstenus d'effectuer leur tâche de contrôle des titres de voyage tout en effectuant le reste de leur mission ; que les intéressés ont saisi la juridiction prud'homale pour avoir paiement des sommes retenues ;

Attendu que la SNCF fait grief aux arrêts attaqués (Dijon, 23 avril 1991) d'avoir décidé que les retenues opérées sur le salaire de ses agents en raison d'une exécution incomplète des obligations contractuelles résultant de leur contrat de travail constituaient des sanctions pécuniaires interdites par l'article L. 122-42 du Code du travail, d'avoir prononcé en conséquence l'annulation desdites sanctions et ordonné le remboursement des sommes retenues, alors que, selon le premier moyen, aux termes de l'article L. 521-6 du Code du travail l'absence de service fait, par suite d'une cessation concertée du travail, entraîne pour le personnel des entreprises chargées de la gestion d'un service public une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments, autres que les suppléments pour charge de famille ; que ces dispositions sont applicables non seulement aux fonctionnaires, mais aussi aux agents des services publics en vertu de la loi du 31 juillet 1963 ; que, si elles avaient été abrogées par les articles 5 et 6 de la loi du 19 octobre 1982 relative aux retenues pour absence de service fait par le personnel de l'Etat, des collectivités locales et des services publics, elles ont été rétablies expressément par l'article 89 de la loi du 30 juillet 1987 qui dispose dans son paragraphe II : " Sont rétablis l'article 4 de la loi de finances rectificative pour 1961, ainsi que la loi du 22 juillet 1977 que les articles 5 et 6 de la loi du 19 octobre 1982 avaient abrogés " ; qu'ainsi une loi spéciale, remise en vigueur par une loi postérieure à la loi du 4 août 1982 qui prohibe les retenues pécuniaires, permet d'effectuer de telles retenues en cas de grève d'agents des services publics, lorsque ces derniers exécutent incomplètement leurs prestations de travail ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a relevé que les agents de service des trains avaient, à l'occasion d'un mouvement revendicatif, déposé leur pince permettant le contrôle des voyageurs et constaté ainsi l'inexécution partielle des obligations de travail, ne pouvait affirmer que les retenues opérées à cette occasion étaient constitutives de sanctions pécuniaires interdites par l'article L. 122-42 du Code du travail, sans violer, par refus d'application, les articles L. 521-6 du Code du travail et 89 II de la loi du 30 juillet 1987 ; alors que, selon le second moyen, l'employeur n'est tenu de verser la rémunération convenue que pour une prestation de travail fournie de manière complète au regard des obligations contractuelles ; que, dès lors, le fait pour un employeur d'opérer sur le salaire de l'un de ses agents une retenue motivée par l'exécution incomplète par ce dernier des obligations découlant de son contrat de travail ne constitue pas une sanction relevant de la procédure disciplinaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 122-42 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'article L. 521-6 du Code du travail ne concerne que les retenues à effectuer sur la rémunération des salariés des entreprises chargées de la gestion d'un service public qui exercent le droit de grève en cessant collectivement leur travail pour appuyer des revendications professionnelles ; que ce texte n'est pas applicable à des agents de la SNCF qui, n'ayant pas cessé leur travail, même si, à titre individuel, ils l'ont exécuté de manière défectueuse, n'ont, dès lors, pas exercé le droit de grève ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, ayant relevé qu'il était reproché aux contrôleurs de route de ne pas avoir vérifié les titres de transport des voyageurs et que la retenue sur leur salaire avait été décidée en raison de cette carence considérée comme fautive par la SNCF, a décidé à bon droit que la retenue litigieuse constituait une sanction pécuniaire illicite ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

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