Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 5 octobre 1993, 91-14.361, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 février 1991), que la société Cartonnerie Norembal (la société Norembal), conformément à des commandes qui lui avaient été passées par la société Douzies Cérame et que celle-ci avait confirmées après sa mise en redressement judiciaire, lui a livré des marchandises ; qu'après le prononcé de la liquidation judiciaire et à défaut de paiement, la société Norembal a assigné l'administrateur pour qu'il soit condamné à lui payer le prix de ses fournitures ;

Attendu que l'administrateur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 40-3° de la loi du 25 janvier 1985 autorise l'administrateur judiciaire à poursuivre les contrats en cours lorsque le cocontractant accepte de courir le risque d'un paiement différé, sous réserve de l'autorisation du juge-commissaire ; qu'une telle autorisation implique que les contrats ont été, au moment de leur signature, conclus dans des conditions indiscutables de régularité et d'opportunité ; que dès lors la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle a fait, sans rechercher si une telle autorisation avait été obtenue ; qu'à défaut d'avoir procédé à cette recherche, qui seule aurait permis de déterminer si l'administrateur avait agi avec précipitation et commis une faute, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 40 de la loi du 25 janvier 1985 et 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel qui a constaté, d'un côté, que la poursuite de l'activité naît de plein droit du jugement déclaratif et, d'un autre côté, que la fourniture de cartons d'emballage était indispensable à la réalisation de la poursuite de l'activité n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé les articles 35 et 140 de la loi du 25 janvier 1985 et 1382 du Code civil ; alors, au surplus, que la cour d'appel ne pouvait considérer que l'administrateur avait commis une faute en ne différant pas la commande de quelques jours ou en ne l'annulant pas purement et simplement, sans rechercher s'il n'aurait pas, en agissant ainsi, entravé l'exécution de la décision ordonnant la poursuite de l'activité ; qu'à défaut d'avoir procédé à une telle recherche la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 35 et 140 de la loi du 25 janvier 1985 et 1382 du Code civil ; alors, en tout état de cause, qu'il appartenait à la société Norembal de rapporter la preuve de la faute commise par l'administrateur ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a expressément constaté que cette dernière ne rapportait pas la preuve de ses allégations, a violé les articles 1382 et 1315 du Code civil ; et alors, enfin, qu'il ne ressort d'aucune des énonciations de l'arrêt un quelconque lien de causalité entre la prétendue faute commise par l'administrateur et le défaut de paiement du fournisseur ; qu'à défaut d'avoir constaté un tel lien la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que l'administrateur ait soutenu devant la cour d'appel l'argumentation dont fait état la première branche ;

Attendu, en second lieu, qu'en vertu des articles 32, 35 et 36 de la loi du 25 janvier 1985 le débiteur en redressement judiciaire poursuit son activité pendant la période d'observation, sous réserve de la faculté qui appartient au Tribunal, notamment à la demande de l'administrateur, d'en ordonner à tout moment la cessation et que les actes de gestion courante qu'il accomplit seul sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi ; qu'il s'ensuit que si l'administrateur intervient à des opérations de cette nature, telle la passation de commandes de fournitures pour l'entreprise, il ne peut le faire sans s'être personnellement assuré que le cocontractant pourra être payé ; qu'ayant constaté qu'en l'espèce, l'administrateur avait contresigné deux lettres confirmant des commandes d'emballages de carton destinés à l'entreprise, sans avoir pu effectuer de vérifications utiles quant à la situation financière de la débitrice, la cour d'appel a pu, abstraction faite de tous autres motifs, estimer que l'administrateur avait commis une faute dont les conséquences avaient été de priver la société Norembal du paiement de ses factures ;

D'où il suit qu'irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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