Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 7 mai 1993, 91-12.611 91-12.704, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi n° 91-12.611 :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le Syndicat de la nouveauté, syndicat professionnel régi par les dispositions de la loi du 21 mars 1884, invoquant l'inobservation par la Société Nice chaussures-vêtements et Cie de la règle du repos dominical, édictée par l'article L. 221-5 du Code du travail, et se prévalant du préjudice ainsi porté à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, a saisi la juridiction des référés sur le fondement de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile afin qu'il soit fait défense à cette société, aux droits de laquelle se trouve la société SNC CUUF et Cie, d'ouvrir son magasin le dimanche, et ce, sous astreinte ; que l'arrêt attaqué (Angers, 16 janvier 1991), statuant sur renvoi après cassation, a accueilli cette demande ;

Attendu que la société SNC CUUF et Cie, reproche à la cour d'appel de s'être ainsi prononcée, alors, selon le moyen, d'une part, que les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; mais qu'à la différence des infractions à l'un des arrêtés prévus par l'article L. 221-17 du Code du travail, la violation par un employeur des dispositions de l'article L. 221-5 du même Code n'est pas de nature à faire naître un préjudice direct ou indirect porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par un syndicat d'employeurs ; que la cour d'appel, en déclarant recevable la demande du Syndicat de la nouveauté a donc violé l'article L. 411-11 du Code du travail ; et alors, d'autre part, que le président du tribunal de commerce ne peut prescrire en référé que les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la violation de l'article L. 221-5 du Code du travail, édicté dans le seul intérêt des salariés, n'est pas de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs de la profession représentée par le Syndicat de la nouveauté et à constituer, à l'égard dudit syndicat, un trouble manifestement illicite ; que la cour d'appel a donc violé l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article L. 221-5 du Code du travail, aux termes duquel le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche, était méconnu par certains commerçants qui, en employant irrégulièrement des salariés, rompaient l'égalité au préjudice de ceux qui, exerçant la même activité, respectaient la règle légale, la cour d'appel, qui a ainsi retenu l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, était fondée à reconnaître à celui-ci qualité pour agir devant la juridiction des référés ; que, par ces seuls motifs, la décision est légalement justifiée ;

Et sur le pourvoi n° 91-12.704 : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi n° 91-12.611 ;

Déclare IRRECEVABLE le pourvoi n° 91-12.704.MOYEN ANNEXE

Moyen produit par MM. Le Prado, Foussard, avocats aux Conseils, pour la société SNC CUUF et Cie ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR à la requête d'un syndicat professionnel d'employeurs fait défense, à la société SNC CUUF et Cie, d'ouvrir son magasin le dimanche sous astreinte,

AU MOTIF QUE " si l'article L. 221-5 du Code du travail a été édicté dans l'intérêt des salariés, il n'en demeure pas moins qu'il participe à un ordre économique et social de telle sorte que le législateur a pris soins de régler minutieusement les exceptions qui peuvent y être apportées ; que sa violation commise par des concurrents relevant de la même activité rompt l'égalité et constitue une concurrence illicite par rapport aux autres commerçants respectant la légalité ; qu'il y a là une atteinte à l'intérêt collectif desdits membres et que le syndicat est tout à fait recevable à faire juger une question de principe dont la solution est susceptible d'être étendue à toutes les entreprises y adhérant et à remédier à un préjudice au moins indirect à l'intérêt collectif de la profession... ; que, de par la violation de la loi, il y a constitution d'un trouble manifestement illicite " ;

ALORS QUE les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; mais qu'à la différence des infractions à l'un des arrêtés prévus par l'article L. 221-17 du Code du travail, la violation par un employeur des dispositions de l'article L. 221-5 du même Code n'est pas de nature à faire naître un préjudice direct ou indirect porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par un syndicat d'employeurs ; que la cour d'appel, en déclarant recevable la demande du Syndicat de la nouveauté a donc violé l'article L. 411-11 du Code du travail ;

ET ALORS QUE le président du tribunal de commerce ne peut prescrire en référé que les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la violation de l'article L. 221-5 du Code du travail édicté dans le seul intérêt des salariés n'est pas de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs de la profession représentée par le Syndicat de la nouveauté et à constituer à l'égard dudit syndicat un trouble manifestement illicite ; que la cour d'appel a donc violé l'article 873 du nouveau Code de procédure civile.

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