Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 22 mai 1991, 89-11.390, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

.

Attendu que, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 20 octobre 1988), la société La Commande électronique (LCE), distributrice exclusive en France des logiciels conçus par la société américaine Ashton Tate Corporation, en particulier ceux dénommés " d. base 3 " et " framework ", y a ajouté, pour faire échec à la reproduction illicite de ces programmes, des dispositifs techniques ou " plombages " et qu'elle a remis à tout acquéreur, en plus du premier exemplaire destiné à l'emploi, un autre à titre de sauvegarde ; que, de leur côté, les sociétés Artware et PC Mart ont mis en vente des programmes informatiques dits de " déplombage " car leur fonction est de permettre la reproduction de logiciels munis d'un système de protection contre la duplication ; que, s'estimant victime de concurrence déloyale, la société LCE a demandé la condamnation de ces deux sociétés ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :

Attendu que les sociétés Artware et PC Mart font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors que, selon le pourvoi, d'une part, l'article 47 de la loi du 3 juillet 1985, qui dispose que " .. toute reproduction autre que l'établissement d'une copie de sauvegarde par l'utilisateur.. est passible des sanctions prévues par ladite loi (L. ll mars 1957) confère à l'utilisateur le droit d'établir lui-même une copie de sauvegarde ; que ce droit constitue une garantie essentielle à la maintenance du logiciel, et ne peut être suppléé par un quelconque moyen laissé à la convenance du vendeur ; qu'il s'ensuit qu'en déclarant illicite la vente de procédés permettant à l'utilisateur d'établir lui-même une copie de sauvegarde, et licite l'installation par ce vendeur, d'un système ajouté au logiciel et empêchant toute copie, l'arrêt a violé le texte susvisé ; alors que, d'autre part, la concurrence déloyale suppose la constatation d'agissements contraires aux usages du commerce imputables au défendeur, ayant eu pour effet un détournement de la clientèle du demandeur ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, qui se borne à relever comme constitutifs de concurrence déloyale les agissements, hypothétiques et aucunement certains, auxquels pourraient se livrer les acquéreurs des programmes vendus par les sociétés Artware et PC Mart, n'a pas établi l'existence d'actes de concurrence déloyale imputables aux sociétés Artware et PC Mart, et a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, en outre, que ne constitue pas un acte de dénigrement le renseignement exact donné à un consommateur sur les avantages ou les désavantages d'un produit ou matériel, ni une publicité comparative de prix, de produits identiques, vendus dans les mêmes conditions par des commerçants différents ; qu'en qualifiant d'actes de dénigrement l'information de l'utilisateur de logiciels sur la possibilité d'obtenir une copie de sauvegarde, qui lui est reconnue par la loi et sur les prix concernant les mêmes articles, l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que la concurrence parasitaire se définit comme le rattachement indiscret à l'entreprise d'un tiers pour profiter de sa notoriété ; que la seule référence aux produits d'un concurrent sur lesquels s'adaptent les produits vendus ne constitue pas un acte de

parasitisme ; qu'ainsi, en qualifiant d'acte de parasitisme la référence faite par les sociétés Artware et PC Mart aux produits LCE, sans aucunement établir que le client ne pouvait faire la différence entre les entreprises, l'arrêt a encore violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que, dès lors qu'il a reçu du vendeur une copie de sauvegarde, fût-elle unique et protégée contre les reproductions, l'acheteur est rempli de ses droits au regard de l'article 47 de la loi du 3 juillet 1985, d'où il suit qu'est illicite la vente à cet acquéreur de procédés lui permettant d'établir lui-même, en plus grand nombre, des copies du logiciel original, lesquelles ne comporteraient pas le système de protection dont celui-ci est doté ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt a constaté la mise en vente et la vente par les sociétés Artware et PC Mart de programmes informatiques dits de déplombage aux fins de " dupliquer " facilement les logiciels " d. base 3 " et " framework " et notamment un programme " fox-base " présenté comme étant le clone parfait de " d. base 3 " mais six fois plus rapide et en outre " non protégé contre la copie " ; qu'elle a également relevé l'offre de vente et la vente par ces sociétés aux acheteurs de logiciels Ashton-Tate de programmes rendant inefficace le dispositif anti-piratage, leur procurant ainsi le moyen d'obtenir des copies en nombre illimité ; qu'elle a, en outre, retenu qu'était indiqué à cette clientèle le caractère inutilement coûteux et illicite de la protection, que le dénigrement des produits de la société LCE n'avait pas empêché les sociétés Artware et PC Mart d'utiliser la réputation de cette société pour vendre leurs programmes de déprotection et que les ventes ainsi réalisées constituaient une source de perte de chiffre d'affaires pour le distributeur exclusif LCE ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans se prononcer par des motifs hypothétiques, a pu décider que les sociétés Artware et PC Mart avaient commis des fautes constitutives de concurrence déloyale ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Retourner en haut de la page