Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 2 novembre 1990, 90-12.698, Publié au bulletin
Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 2 novembre 1990, 90-12.698, Publié au bulletin
Cour de cassation - Assemblée plénière
- N° de pourvoi : 90-12.698
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation.
Audience publique du vendredi 02 novembre 1990
Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 1990-03-09, du 09 mars 1990- Président
- Premier président : M. Drai
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur la recevabilité du pourvoi contesté par la défense : Attendu que l'ordonnance du premier président de la cour d'appel qui statue en référé, en vertu des pouvoirs propres que lui confèrent les articles 524 à 526 du nouveau Code de procédure civile, sur une demande tendant à voir ordonner ou arrêter l'execution provisoire du jugement frappé d'appel, met fin à l'instance autonome introduite devant ce magistrat et peut être frappée d'un pourvoi en cassation indépendamment de la décision sur le fond ; Sur le moyen unique de cassation : Vu l'article 524 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que l'exécution provisoire ordonnée ne peut être arrêtée, en cas d'appel, par le premier président statuant en référé que si elle risque d'entraîner pour le débiteur des conséquences manifestement excessives ; Attendu que, pour arrêter l'exécution provisoire du jugement ayant condamné la Société chalonnaise des peroxydes organiques (SCPO) et son assureur l'Union des assurances de Paris (UAP) à payer des dommages-intérêts à la société Chantiers Beneteau, l'ordonnance attaquée retient que le préjudice commercial et financier allégué ne peut faire l'objet que d'une appréciation subjective ou fondée sur des probabilités, que la société Chantiers Beneteau a déjà perçu des provisions qui couvrent, et au-delà, la partie " matérielle " de son dommage, qu'elle ne justifie pas de l'urgence à recevoir les indemnités allouées ni des " conséquences excessives qui pourraient résulter de l'arrêt de l'exécution provisoire en ce qui la concerne ", enfin, que " seuls les juges du fond seront à même de déterminer le préjudice commercial et financier et que, dès lors, il risquerait d'y avoir, compte tenu du montant peu ordinaire de la demande et de la privation de ressources très importante qui s'ensuivrait, des conséquences excessives à faire régler par la société SCPO et l'UAP des sommes dont on ignore l'ordre de grandeur qui pourrait être retenu " ; Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs d'où il ne résulte pas que l'exécution provisoire de la condamnation prononcée, quel que fût le montant de celle-ci, risquait d'entraîner pour la SCPO et pour l'UAP, compte tenu de leurs facultés ou des facultés de remboursement de la société créancière, des conséquences manifestement excessives, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 mars 1990, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel d'Angers ; Moyen produit par Me X..., avocat aux conseils pour la société Chantiers Beneteau. MOYEN ANNEXE Moyen produit par M. X..., avocat aux conseils pour la société Chantier Beneteau. MOYEN DE CASSATION : Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir arrêté l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon en date du 5 février 1990 qui avait condamné solidairement la société SCPO et l'UAP à payer à la société Chantiers Beneteau une somme de 53 817 656,67 F en réparation de ses préjudices matériel, commercial et financier consécutifs aux dommages survenus aux bateaux construits par elle et atteints d'osmose par la faute de la SCPO ; AU PREMIER MOTIF QUE " sans avoir à apprécier les moyens de fond qui relèvent que la formation de la Cour qui sera saisie de l'appel, il convient de constater que si le préjudice matériel actuellement réparé peut, dans l'essentiel de ses détails être apprécié dans des conditions objectives, puisqu'il résulte de remises en état (8 543 081,57 F), de traitement préventif d'ailleurs inopérant (1 138 794 F) et de coûts dits connexes (75 000 F) soit au total 9 756 875,57 F, dont les trois-quarts, 7 317 656,62 F sont à la charge de la SCPO, compte tenu du partage de responsabilité, par contre le préjudice commercial et financier dont l'existence n'est certainement pas contestable résulte d'une part d'une appréciation subjective en partie puisque dépendant du choix de la clientèle qui peut être influencée de manière très différente et d'autre part de probabilités qui, même si elles font appel à des notions mathématiques, ne présentent pas les caractères de précision, de rigueur et d'exactitude de nature à lever tout obstacle ". ALORS QUE le premier président de la cour d'appel statuant en référé ne peut arrêter l'exécution provisoire d'un jugement frappé d'appel que si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, sans disposer d'aucun pouvoir de réformation de ce jugement, et qu'en retenant, pour faire droit en l'espèce à la demande de suspension, que le préjudice commercial et financier déterminé par les premiers juges résultait d'une " appréciation subjective " et de " probabilités qui ne présentent pas les caractères de précision, de rigueur et d'exactitude de nature à lever tout obstacle ", le premier président qui s'est ainsi livré à un examen de fond du jugement, a excédé ses pouvoirs et violé l'article 524-2° du nouveau Code de procédure civile ; AU DEUXIEME MOTIF QU'" en l'état, il convient de constater que la société Beneteau qui n'argue nullement être en difficulté financière, a perçu une provision de 18 millions de francs versée en 1988, qui couvre plus de deux fois le préjudice matériel imputable à la société SCPO ; qu'elle ne justifie nullement de conséquences excessives qui pourraient résulter de l'arrêt de l'exécution provisoire en ce qui la concerne, et de l'urgence à recevoir les sommes qui lui ont été allouées ". ALORS QUE, D'UNE PART, le premier président ne pouvait sans dénaturer les conclusions de la société Chantiers Beneteau affirmer que celle-ci " n'argue nullement être en difficulté financière " ; qu'il a donc violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, c'est au regard du débiteur condamné que le premier président doit rechercher si l'exécution provisoire d'un jugement risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; qu'en retenant que la société Chantiers Beneteau, bénéficiaire de l'exécution provisoire, ne justifiait nullement des conséquences excessives qui pourraient résulter de l'arrêt de l'exécution provisoire, le premier président a violé les articles 524 du nouveau Code de procédure civile et 1315 du Code civil ; ET AU TROISIEME MOTIF QUE, " seuls les juges du fond seront à même de déterminer le préjudice commercial et financier et que, dès lors, il risquerait d'y avoir, compte tenu du montant peu ordinaire de la demande et de la privation de ressources très importante qui s'ensuivrait, des conséquences excessives à faire régler par la société SCPO et l'UAP des sommes dont on ignore l'ordre de grandeur qui pourrait être retenu ". ALORS QUE, D'UNE PART, le premier président, qui s'est borné à relever qu'il risquerait d'y avoir des conséquences excessives à faire régler par la SCPO et l'UAP les sommes litigieuses sans préciser en quoi ces conséquences étaient " manifestement excessives ", a violé l'article 524-2° du nouveau Code de procédure civile ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, le premier président doit procéder à un examen objectif des conséquences qui pourraient résulter de l'exécution provisoire du jugement et caractériser en fait leur aspect " manifestement excessif " en établissant que la situation du débiteur, par suite de l'exécution, serait irrémédiablement compromise ; qu'en se bornant à faire état du risque qu'il y aurait à faire régler des sommes dont le montant est susceptible d'être modifié en appel, le premier président qui a ainsi excédé ses pouvoirs, a violé par fausse application, les dispositions de l'article 524-2° du nouveau Code de procédure civile ; ALORS QUE, ENFIN, en laissant sans réponse le chef des conclusions de la société Chantiers Beneteau qui faisait valoir que la SCPO disposait de garanties d'assurances suffisantes pour ne pas se trouver en situation financière irrémédiablement compromise par suite de l'exécution du jugement, le premier président a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile