Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 27 mars 1990, 88-13.967, Publié au bulletin
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 27 mars 1990, 88-13.967, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 88-13.967
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle.
Audience publique du mardi 27 mars 1990
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1988-01-14, du 14 janvier 1988- Président
- Président :M. Hatoux, conseiller doyen faisant fonction
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et la société Le Français ont conclu une promesse de vente relative à un fonds de commerce disposant d'un emplacement sur le trottoir pour les étalages ; que l'acte comportait une clause intitulée " dédit " et stipulant " sans préjudicier au caractère ferme et définitif de la présente vente, il est convenu entre les parties qu'en cas de défaillance de l'une ou l'autre, elles seraient redevables savoir, l'acquéreur d'une somme de 350 000 francs montant de l'acompte versé, le vendeur du double de l'acompte, à moins que l'acquéreur ne préfère l'exécution du présent contrat " ; qu'en raison de dispositions administratives supprimant la jouissance de l'emplacement sur le domaine public, la société Le Français a renoncé à acquérir le fonds ; que M. X... l'a assignée en paiement de la somme de 350 000 francs et que les premiers juges ont accueilli sa demande ; Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir réduit à la somme de 250 000 francs l'indemnité prévue au contrat alors que, selon le pourvoi, de première part, les conventions légalement formées s'imposent aux parties comme aux juges ; qu'il résulte de la stipulation litigieuse, intitulée " dédit ", que la défaillance éventuelle de chacune des parties est sanctionnée différemment et que seul l'acquéreur peut révoquer unilatéralement le contrat moyennant le paiement de la somme de 350 000 francs ; que, pour qualifier cette stipulation, la cour d'appel devait en examiner les termes et rechercher notamment s'ils n'impliquaient pas une faculté de dédit au profit de l'acquéreur ; que, dès lors, faute de le faire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, de deuxième part, que la clause pénale a une fonction à la fois coercitive et indemnitaire ; qu'en qualifiant la stipulation litigieuse de clause pénale tout en lui reconnaissant une fonction exclusivement coercitive, la cour d'appel a violé les articles 1126 et 1129 du Code civil ; alors, de troisième part, au surplus, que le fait que la stipulation litigieuse sanctionne la défaillance éventuelle de chacune des parties n'est pas à lui seul de nature à exclure son caractère indemnitaire, les parties ayant pu entendre concomitamment fixer les dommages-intérêts consécutifs à une telle défaillance ; qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher dans les éléments de la cause quelle avait été la commune intention des parties ; que, faute de le faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, de quatrième part, que lorsque les juges du fond modifient un contrat en modérant la peine qui y est stipulée, ils doivent préciser en quoi le montant de celle-ci est manifestement excessif ; que pour déclarer manifestement excessive l'indemnité stipulée et tandis qu'elle déclarait par ailleurs la permission de voirie étrangère à la convention des parties, la cour d'appel s'est bornée à viser l'incidence de la suppression de cette permission sur l'exploitation du fonds vendu ; qu'en se référant ainsi à un élément étranger aux engagements des parties contractantes, la cour d'appel n'a pas précisé en quoi l'indemnité destinée à sanctionner leur inexécution était excessive ; que, dès lors, l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1152 du
Code civil ; alors enfin, que tout jugement doit être motivé ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... invoquait la mauvaise foi de la société Le Français ; que, faute de répondre à ce chef de conclusions de nature à exclure la modération de l'indemnité stipulée, l'arrêt n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que si la peine stipulée peut se concevoir aussi bien comme un moyen de contraindre les parties à l'exécution que comme une évaluation conventionnelle anticipée d'un préjudice futur, elle n'en peut pas moins, dans l'un et l'autre cas, être réduite par le juge ; Attendu qu'en l'espèce, en premier lieu, l'arrêt relève que la clause litigieuse, commençant par les termes " sans préjudicier au caractère ferme et définitif de la vente ", avait pour but d'assurer l'exécution des obligations contractées et soumettait la partie défaillante au paiement d'une pénalité, puis retient que cette clause avait été stipulée exclusivement pour contraindre les parties à exécuter le contrat ; qu'ayant ainsi effectué les recherches prétendument omises, la cour d'appel a pu décider que les parties avaient stipulé une peine et non un dédit ; Attendu, en second lieu, que l'arrêt, rejetant par là même les conclusions invoquées, considère que la peine était, au moment où il était statué, manifestement excessive en raison de la modification des conditions d'exploitation du fonds due à une décision administrative supprimant l'autorisation de voirie ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision de réduire la somme réclamée par M. X... ; Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ; Mais sur le second moyen : Vu les articles 1152 et 1153 du Code civil ; Attendu que la modération par le juge d'une peine convenue entre les parties ne fait pas perdre à cette peine son caractère d'indemnité forfaitaire contractuellement prévue pour le cas d'inexécution, par une partie, de ses obligations, de sorte que les intérêts au taux légal de la somme retenue par le juge sont dus à compter du jour de la sommation de payer ; Attendu que la cour d'appel a décidé que le montant, par elle limité, de l'indemnité due par la société Le Français produirait des intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le point de départ des intérêts légaux, l'arrêt rendu le 14 janvier 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes