Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 10 janvier 1989, 87-15.740, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte du jugement attaqué (tribunal de grande instance de Dijon, 31 mars 1987) que Mme de X... a vendu par acte sous seing privé du 11 mars 1976 à la société Socabat un terrain à lotir dont la superficie exacte devait être déterminée par arrêté préfectoral qui devait établir les superficies constructibles ; que l'acte était soumis à la double condition suspensive de l'intervention de l'arrêté préfectoral et de la non- exigence d'équipements supplémentaires ; que Mme de X... assigna la Socabat le 3 mai 1978 en caducité de l'acte, les conditions suspensives n'ayant pas été réalisées au bout de deux années ; que le tribunal l'a déboutée de cette demande par jugement du 6 juin 1978 ; qu'elle a fait appel de cette décision mais que l'arrêté préfectoral intervint le 18 juin 1979 autorisant le lotissement sans aucune exigence d'équipements supplémentaires ; que les parties, par un accord du 30 juin 1979, renoncèrent à la vente ; que l'administration des Impôts, estimant que la vente était devenue parfaite à la suite de la réalisation des conditions suspensives, réclama à la Socabat les droits de mutation sur le terrain et émit le 23 octobre 1984 un avis de mise en recouvrement des droits de mutation sur la vente ;

Attendu qu'il est fait grief au jugement déféré d'avoir validé l'avis de mise en recouvrement alors, selon le pourvoi, que, d'une part, on ne peut dire que la vente était devenue parfaite en raison de la signature de l'arrêté préfectoral du 18 juin 1979 puisqu'à cette date la cour d'appel était saisie d'un litige dont l'objet était précisément de voir déclaré caduc l'acte du 11 mars 1976, qu'à cause de l'accord intervenu le 30 juillet 1979 entre les parties en cours de procédure, accord révélant une commune intention de renoncer à la convention du 11 mars 1976 devenue ainsi sans effet, c'est à tort que le tribunal a estimé qu'était applicable à la cause l'article 676 du Code général des impôts ainsi violé ; alors que, d'autre part, lorsque l'acte litigieux a été annulé judiciairement ou à l'occasion d'un litige par un rapprochement des plaideurs comme en l'espèce, et ce avant la mise en place de la procédure de redressement, cette annulation d'une manière absolue - sous réserve bien entendu d'une fraude aux droits du fisc - s'oppose à ce que les droits auxquels l'acte pouvait donner ouverture puissent être réclamés ; qu'ainsi a été derechef violé par fausse application l'article 676 du Code général des impôts et par refus d'application l'article 2053 du Code civil, et alors, enfin, qu'en l'absence du paiement du prix et en l'absence d'entrée en possession, on ne peut dire que la vente ait été parfaite et ait produit les effets naturels qui devaient s'y rattacher ; qu'en décidant le contraire, le tribunal a violé l'article 676 du Code général des impôts, ensemble les articles 1583 et 1584 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que les droits d'enregistrement sont acquis au bénéficiaire tels qu'ils résultent des stipulations de l'acte sans pouvoir être subordonnés à des faits extérieurs ou à des dispositions étrangères au contrat ; que le tribunal a énoncé à bon droit en retenant la réalisation de la condition suspensive que la seule intervention de l'arrêté préfectoral avait opéré transfert de propriété au profit de la société Socabat et fait naître l'obligation au paiement des droits de mutation ;

Attendu, d'autre part, que si l'annulation judiciaire peut avoir un effet rétroactif, celle-ci n'a pas été prononcée en l'espèce ; que l'accord entre les parties du 30 juillet 1979 ne pouvant avoir d'effet rétroactif au regard des tiers et devant s'analyser en une rétrocession, c'est à juste titre que le jugement a énoncé que la vente était devenue définitive en raison de la réalisation de la condition suspensive ;

Attendu, enfin, que la vente étant parfaite dès l'accord des parties sur la chose vendue et sur le prix, le tribunal a retenu exactement qu'il n'était dès lors pas nécessaire de rechercher si, à la date de la réalisation de la condition suspensive, la société Socabat était entrée en possession du terrain et en avait payé le prix ;

Que le moyen en ses trois branches n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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