Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 31 janvier 1989, 87-13.580, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon le jugement déféré, que, par acte du 21 février 1977, Mme X... a vendu des biens immobiliers à M. Y... , que l'administration des Impôts a considéré que cette vente dissimulait une donation et, le 10 janvier 1984, a notifié à M. Y... un redressement puis a émis un avis de mise en recouvrement pour obtenir paiement des droits de mutation à titre gratuit et de pénalités estimés dus ; que M. Y... a contesté cette imposition devant le tribunal de grande instance en faisant valoir que le droit de reprise de l'Administration était prescrit ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le Directeur général des Impôts fait grief au jugement d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité du moyen fondé sur la prescription, en ce que ce moyen n'avait pas été présenté à l'Administration dans la réclamation préalable à l'action judiciaire, alors, selon le pourvoi, qu'en vertu de l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales, le litige porté devant le tribunal de grande instance est délimité par la réclamation contentieuse adressée au directeur des Impôts ; que le tribunal ne peut donc accueillir au cours de l'instance un moyen non soumis préalablement à l'Administration ; qu'ainsi le tribunal, en statuant comme il l'a fait, a violé ce texte ;

Mais attendu que l'article 93 de la loi du 30 décembre 1987 dispose que l'Administration, ainsi que le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau devant le tribunal de grande instance jusqu'à la clôture de l'instruction, et précise que ces dispositions sont applicables aux instances en cours ;

Attendu qu'au cas où la censure proposée serait prononcée, l'instruction du litige serait reprise devant la juridiction de renvoi, d'où il suit que M. Y... pourrait présenter les moyens nouveaux autorisés par l'article 93 précité ;

Attendu, en conséquence, qu'au jour où la cour statue, le moyen est devenu inopérant et ne peut être accueilli ;

Mais, sur le second moyen :

Vu l'article L. 180 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que le délai de prescription du droit de reprise prévu par ce texte n'est opposable à l'administration des Impôts que si l'exigibilité des droits ou taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ;

Attendu que, pour déclarer prescrit à l'égard de M. Y... le droit de reprise de l'administration des Impôts et annuler l'avis de mise en recouvrement, le jugement retient que l'Administration ne peut pour écarter la prescription de quatre ans se borner à alléguer le caractère fictif de la qualification donnée à l'acte, qu'en effet le seul fait que la nature véritable de celui-ci ne soit pas en cas de dissimulation immédiatement révélée par sa lecture est insuffisant pour permettre d'écarter la prescription abrégée, qu'il appartient à l'Administration, sauf à lui reconnaître le droit d'écarter à sa guise le délai de quatre ans, de justifier que la sincérité de l'acte a été suspectée dans ce délai et que des recherches ont aussitôt été entreprises, et qu'en l'espèce les premières recherches ont consisté dans l'envoi d'une demande de renseignements à M. Y... à la fin de l'année 1983 soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription de quatre ans ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le texte susvisé n'enferme pas dans le délai qu'il prévoit les recherches extérieures nécessaires à l'administration des Impôts pour établir que dissimule sa portée un acte enregistré qui ne révèle pas à lui seul l'exigibilité des droits d'enregistrement résultant de son véritable caractère, le tribunal a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 janvier 1987, entre les parties, par le tribunal de grande instance d'Annecy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Chambéry

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