Cour de Cassation, Chambre sociale, du 7 mars 1989, 84-44.378, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Attendu que M. X..., délégué syndical et délégué du personnel à l'établissement de Noisy-le-Sec de la société Vallourec, s'étant absenté le 17 novembre 1983 pour se rendre dans les locaux voisins de la Société des colorants et produits chimiques de Pantin et y défendre les revendications des salariés de cette société auprès de leur employeur, la société Vallourec fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Bobigny, 17 mai 1984) de l'avoir débouté de sa demande en remboursement des heures de délégation qui avaient été consacrées par M. X... à ces activités, alors, d'une part, que, conformément à l'article L. 412-11 du Code du travail, pour être régulière, l'activité syndicale de délégation doit intéresser l'entreprise, c'est-à-dire avoir un rapport direct avec la vie interne de l'entreprise, qu'en reconnaissant force obligatoire à un prétendu usage, aux termes duquel les délégués syndicaux pourraient librement consacrer leur crédit horaire à des activités n'intéressant pas du tout le personnel de l'entreprise dont ils sont en principe les représentants auprès de l'employeur, le conseil de prud'hommes a admis l'existence d'un usage illicite, dans la mesure où il porte atteinte à la représentation du personnel, et a ainsi violé le texte précité ; alors, d'autre part, que la renonciation à un droit ne se présume pas, qu'en opposant à l'employeur un prétendu usage, en vertu duquel il aurait volontairement renoncé pour l'avenir à la faculté, prévue par l'article L. 412-20 du Code du travail, de contester l'utilisation des heures de délégation consacrées par un délégué syndical à des activités manifestement sans rapport avec l'exercice d'un mandat syndical, en se fondant sur la seule abstention antérieure de l'employeur à contester l'utilisation des crédits horaires, le conseil de prud'hommes a violé l'article 2221 du Code civil et privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 412-20 du Code du travail ; alors, de surcroît, que l'employeur peut toujours revenir sur un usage et que, dans ces conditions, le consentement de l'autre partie n'est pas requis, contrairement aux affirmations du conseil de prud'hommes, qui a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que le juge prud'homale n'a aucune compétence pour constater d'éventuelles infractions, qu'en déclarant que la direction de l'établissement Vallourec aurait commis le délit d'entrave, le conseil de prud'hommes a outrepassé sa compétence en violation de l'article L. 511-1 du Code du travail ;

Mais attendu que, dès lors qu'il a constaté l'existence d'un usage d'entreprise que ne prohibe aucune disposition légale ou réglementaire, et en vertu duquel la société Vallourec rémunérait comme heures de délégation le temps passé par un délégué du personnel, délégué syndical, à la défense des intérêts des travailleurs étrangers à l'entreprise, le conseil de prud'hommes a, nonobstant tous autres motifs surabondants, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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