Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 28 juin 1988, 86-17.359, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 15 mai 1986 n° 12/578), que la société SNC Passy X... (la société) dont la société Manera est gérante, était propriétaire d'un terrain sis à Paris pour lequel elle était assujettie à la taxe foncière ; que le trésorier principal du 16e arrondissement de Paris-3e division (le trésorier) a fait notifier un commandement de payer la taxe due au titre de l'année 1976 au moyen d'un acte d'huissier de justice signifié à parquet le 23 février 1981 après une vaine tentative effectuée le 28 octobre 1980 à l'adresse du terrain, non construit à ce moment, et ayant donné lieu à un procès-verbal de perquisition ; que le trésorier a adressé le 9 juin 1983 une lettre de rappel à la société, qui a fait valoir, par lettre du 28 juin 1983, adressée au receveur général des finances de Paris, trésorier payeur général de l'Ile-de-France (le receveur général) que l'action en recouvrement était prescrite ; que le 3 août 1983, le receveur général a informé la société que le délai de prescription avait été interrompu par la signification du commandement ; que la société a présenté le 22 septembre 1983 une " réclamation " faisant valoir que la signification du commandement était irrégulière, à laquelle le receveur général n'a pas répondu dans le délai qui lui était imparti ; que la société a assigné le trésorier devant le tribunal de grande instance, le 13 décembre 1984, pour faire déclarer nul le commandement ;

Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :

Attendu que le trésorier soutient que le moyen est irrecevable faute d'intérêt ;

Attendu que si l'autorité de chose jugée s'attache seulement au dispositif des arrêts et non à leurs motifs, elle s'étend à ce qui est implicitement compris dans le dispositif ; qu'il en est ainsi en l'espèce, la fin de non-recevoir tirée du caractère tardif d'une action étant différente de celle fondée sur un caractère prématuré, même si dans les deux cas, l'action est irrecevable ; que la société a donc intérêt à critiquer l'arrêt qui a déclaré l'action irrecevable comme ayant été engagée après l'expiration des délais qui lui étaient impartis à l'article R. 281-4 du Livre des procédures fiscales, tandis que ce texte envisage aussi le cas où l'action est engagée avant les dates qu'il détermine ; que le moyen est donc recevable ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 281 et R. 281-1 à R. 281-4 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que les réclamations prévues au premier de ces textes, préalables à l'action judiciaire, ne peuvent viser qu'un acte de poursuite ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de la société, l'arrêt a retenu que celle-ci avait introduit sa demande après l'expiration du délai qui lui était imparti par l'article R. 281-4 du Livre des procédures fiscales, et que la société faisait à tort un rapprochement avec une décision rendue par le tribunal administratif rejetant la requête invoquant la prescription, faute d'un acte de poursuite le permettant, la saisine de la juridiction judiciaire ayant un objet différent, c'est-à-dire la nullité en la forme d'un commandement, et le délai de deux mois prévu à l'article R. 281-2 courant non à partir d'un acte de poursuite mais à compter de la notification de l'acte ou de l'expiration du délai accordé au trésorier-payeur général pour statuer ;

Attendu qu'une lettre de rappel n'est pas un acte de poursuite, et qu'une lettre du contribuable y répondant ne constitue pas une réclamation au sens de l'article L. 281 du Livre des procédures fiscales, d'où il suit qu'elle ne fait pas courir les délais impartis au contribuable par les articles R. 281-2 et R. 281-4 du même livre pour présenter une réclamation et saisir la juridiction compétente, et que la procédure ne peut être engagée, à peine d'irrecevabilité, sur le fondement de tels documents ;

Attendu, dès lors, qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la société n'avait reçu, le 9 juin 1983, qu'une lettre de rappel et que ses lettres des 28 juin et 22 septembre 1983 faisant valoir ses observations, comme la réponse faite par le receveur général le 3 août 1983, ou le silence gardé par lui ultérieurement, n'avaient trait qu'à la discussion de la teneur de cette lettre de rappel, et alors qu'il en résultait que le délai imparti à la société pour agir en justice n'avait pas couru, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en vertu de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile, la Cour peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu'ils ont été constatés par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE sans renvoi ;

DIT que l'action engagée le 13 décembre 1984 par la société contre le trésorier pour faire déclarer nul le commandement signifié au parquet le 23 février 1981, en se fondant sur la lettre de rappel du trésorier du 9 juin 1983 et sur des correspondances ultérieures, se référant à cette lettre, ne visait pas un acte de poursuite et que, par conséquent, cette action est irrecevable pour avoir été engagée avant les dates déterminées à l'article R. 281-4 du Livre des procédures fiscales puisque les délais fixés par ce texte n'avaient pas couru

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