Cour de Cassation, Chambre sociale, du 28 avril 1988, 87-41.804, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 2 mars 1987) que M. X..., au service de la société Dunlop France depuis décembre 1976 en qualité d'ouvrier caoutchoutier, a été licencié le 23 avril 1986 avec dispense d'exécution du préavis à la suite de la publication dans un quotidien d'un article rapportant des déclarations qu'il avait faites à un journaliste sur ses conditions de travail ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à poursuivre, sous astreinte, l'exécution du contrat de travail liant les parties, en raison de la nullité du licenciement, et à payer au salarié une indemnité compensatrice de la perte de salaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, en premier lieu, l'article 461-1 du Code du travail organise un droit d'expression qui s'exerce dans des conditions extrêmement précises, déterminées par voie légale ou conventionnelle et ne peut avoir pour objet de régir la liberté d'expression à l'intérieur ou hors de l'entreprise ; qu'ainsi, l'arrêt a violé ce texte ; qu'en second lieu, lorsqu'un salarié s'exprime publiquement en termes critiques à l'égard de son entreprise, il est susceptible de ruiner la confiance de son employeur, ce qui peut justifier son congédiement ; d'où il suit que c'est par une erreur de motivation caractérisée que la cour d'appel a considéré que les griefs formulés par l'employeur - la diffusion d'informations sur la fabrication de pneus pour des avions militaires, l'utilisation de procédés de fabrication non prévus par l'employeur, l'incompétence des contrôleurs, la cessation anticipée du travail, la rémunération de l'intéressé comparée au prix de revient et de vente des produits fabriqués - ne pouvaient, en droit, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'elle a ainsi violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; et alors, d'autre part, qu'aucun texte ne sanctionnant par la nullité les mesures prises par l'employeur au mépris de l'article L. 461-1 du Code du travail, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de ce texte, prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié ;

Mais attendu, d'une part, que les critiques formulées par la deuxième branche du moyen et tirées de l'article L. 122-14-3 du Code du travail sont étrangères à la disposition attaquée ;

Attendu, d'autre part, que la société Dunlop, qui avait expressément mentionné dans ses conclusions d'appel l'article L. 461-1 du même code au nombre des dispositions légales prévoyant la nullité du licenciement, ne saurait être admise à soutenir une position contraire en cassation ;

Attendu, enfin, que loin de faire application de ce dernier texte à une situation qu'il ne prévoit pas, la cour d'appel n'en a fait état que pour en déduire que l'exercice du droit d'expression dans l'entreprise étant, en principe, dépourvu de sanction, il ne pouvait en être autrement hors de l'entreprise où il s'exerce, sauf abus, dans toute sa plénitude ; d'où il suit que les griefs du pourvoi ne sauraient être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Retourner en haut de la page