Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 19 janvier 1988, 86-11.829, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que les époux Y... ont, par l'intermédiaire de M. Z..., exerçant la profession de négociant en fonds de commerce sous l'enseigne Inter Brasseries, cédé, suivant acte des 9 et 14 août 1980, aux époux X..., leur fonds de commerce de café-restaurant moyennant le prix principal de 420 000 francs, payable comptant à concurrence de 47 500 francs, pour 176 500 francs par M. Z... " pour le compte de l'Union financière foncière et commerciale " et, pour le surplus, en " billets de fonds " avec intérêts au taux de 8 % l'an ; qu'au moment de la vente, les époux X... ont remis un chèque de 128 896 francs, à l'ordre de la société Inter Brasseries, qui s'est révélé sans provision ; qu'ils n'ont finalement rien payé tandis que le fonds de commerce a périclité, que le matériel et les marchandises ont été saisis et vendus et que le bail a été judiciairement résolu, faute de paiement du loyer ; que les époux Y... ont assigné M. Z..., négociateur et rédacteur de l'acte de cession, en responsabilité professionnelle, pour obtenir la réparation du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, en lui reprochant de ne pas s'être assuré au préalable de la solvabilité des acquéreurs ; que l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 1985) a condamné M. Z... à payer aux demandeurs les sommes de 150 000 francs pour le préjudice résultant du défaut de règlement du prix du fonds de commerce, et de 40 000 francs en réparation du préjudice complémentaire ; .

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Z... fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, d'une part, que le mandataire rédacteur d'acte n'est tenu qu'à une obligation de prudence et de diligence ; qu'il ne peut, en l'espèce, être responsable de l'insolvabilité des acquéreurs puisque d'importants concours bancaires avaient été obtenus pour l'opération litigieuse, et qu'en retenant la faute de M. Z..., lequel pouvait se fier à l'attitude des organismes de crédit, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, que la faute du mandataire doit être appréciée au moment de la conclusion de l'acte ; que, pour retenir celle de M. Z..., les juges du fond se sont, selon le moyen, exclusivement fondés sur le fait que le chèque remis par les acquéreurs s'est révélé sans provision postérieurement à la vente, de sorte qu'en statuant comme ils ont fait, ils ont de nouveau violé l'article 1147 précité ;

Mais attendu que le négociateur d'une cession de fonds de commerce doit, en principe, s'assurer de la solvabilité des acquéreurs ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui ont relevé, que l'insolvabilité des époux X... existait de manière certaine au moment de la vente en raison de la remise d'un chèque sans provision et de l'absence de tout règlement ultérieur, ont pu retenir à la charge de M. Z..., négociateur de l'acte, un manquement à son obligation essentielle de s'assurer de la solvabilité des acquéreurs, sans pouvoir s'en dégager au prétexte que ceux-ci, ayant eu recours à des organismes de crédit, leur solvabilité devait être présumée ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur les deuxième et troisième moyens : (sans intérêt),

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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