Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 4 juillet 1984, 83-10.899, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, pour illustrer un article intitulé "Les Condamnés de la cigarette", l'hebdomadaire Le Point a publié, avec la légende "un fumeur de pipe", suivie de la mention "480 substances cancérigènes", la photographie de M. Y... ; que celui-ci, président d'une association de fumeurs de pipe, estimant qu'il avait été fait un usage abusif de son image, a réclamé la réparation de son préjudice à la société SEBDO, éditrice de l'hebdomadaire, laquelle a appelé en garantie la société Agence de la presse photographique Rapho (la société Rapho) qui lui avait cédé le cliché ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande de M. X... alors que, s'il est vrai que le fait de publier un portrait photographique d'autrui sans autorisation ou hors des termes de l'autorisation, constitue une faute, il en irait autrement s'agissant de photographies prises à l'occasion de l'activité militante du sujet, activité qui exposerait nécessairement celui-ci à la publication de son image dans la presse et aux commentaires qu'appelle une telle activité ; que l'arrêt relève successivement que M. Y... avait donné la permission à la société Rapho de reproduire le cliché et qu'il avait été photographié dans le cadre de son activité de fumeur de pipe renommé et, en quelque sorte, militant ; que, dès lors, la publication du cliché pour illustrer un article de presse consacré au tabac, fût-ce pour en dénoncer les méfaits, n'aurait été que la conséquence de l'activité militante de M. Y... et la suite normale des positions prises par celui-ci en faveur de l'usage de la pipe et du tabac ; qu'en déclarant abusive la publication de la photographie prise dans ces conditions, la Cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences de ses propres constatations ;

Mais attendu que l'arrêt relève que si M. Y... avait donné à la société Rapho l'autorisation de reproduire sa photographie prise à l'occasion de son activité de fumeur de pipe renommé et, en quelque sorte, militant, la publication de ce cliché, pour illustrer un article dénonçant les méfaits du tabac, n'en avait pas moins été abusive ; qu'il ajoute que l'hebdomadaire Le Point avait procédé à cette publication sans s'assurer du consentement de M. Y... ;

Que, de ces constatations et énonciations dont elle n'a pas méconnu les conséquences, la Cour a pu déduire l'existence d'une faute à la charge de la société SEBDO ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné la société Rapho à garantir la société SEBDO des condamnations mises à la charge de celle-ci, alors, d'une part, que l'arrêt relève que la société SEBDO a commis une faute génératrice d'un préjudice en utilisant, dans des conditions abusives, le cliché pour illustrer, assorti lui-même d'un commentaire en ce sens, un article de presse dénonçant les méfaits du tabac ; qu'il n'aurait pu, dès lors, sans méconnaître ses propres constatations et la convention des parties dont les dispositions, rappelées dans des conclusions qui seraient restées sans réponse, obligeaient l'utilisateur à publier les photographies avec des légendes objectives, ne portant aucun préjudice aux personnes photographiées et en dehors de tout article tendancieux, décider que la société SEBDO avait utilisé la photographie dans des conditions conformes aux obligations prévues entre les parties et alors, d'autre part, que compte tenu du fait, constaté par l'arrêt, que M. Y..., photographié fumant la pipe, avait donné la permission à la société Rapho d'utiliser le cliché, et des dispositions précitées de la convention des parties, lesquelles permettaient à la société SEBDO d'utiliser le cliché assorti d'une légende objective, sans porter préjudice à la personne photographiée et pour l'illustration d'un article qui ne soit pas tendancieux, la Cour d'appel n'aurait pu décider que la société Rapho n'avait pas fourni une photographie conforme aux conditions du contrat et aux obligations mises à sa charge ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société SEBDO avait utilisé la photographie dam les conditions d'objectivité prévues par la convention la liant à la société Rapho, l'arrêt retient que pour illustrer un article sur le tabac, celle-ci, tenue de fournir à son client une photographie propre à l'usage auquel elle était destinée, lui avait cédé, sans autre précision que la mention "fumeur de pipe", le cliché d'un fumeur de pipe réputé et militant ;

Qu'en l'état de ces énonciations, la Cour d'appel, qui,

répondant aux conclusions, n'a méconnu ni les clauses de la convention ni les conséquences de ses propres constatations, a pu estimer que la société Rapho avait commis une faute l'obligeant à garantir la société SEBDO des condamnations mises à sa charge ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 11 janvier 1983 par la Cour d'appel de Paris.

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