Cour de Cassation, Chambre sociale, du 25 mai 1976, 75-40.337, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

SUR LE SECOND MOYEN, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1134 ET 1315 DU CODE CIVIL, 24 O DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ALORS EN VIGUEUR (DEVENU L'ARTICLE L 122-14 3 DU CODE DU TRAVAIL), 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 ET 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 (DEVENU L'ARTICLE 455 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE), DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, RENVERSEMENT DU FARDEAU DE LA PREUVE : ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR CONDAMNE LA SOCIETE GODART FRERES A INDEMNISER DUBUS, QU'ELLE EMPLOYAIT COMME TECHNICIEN DEPUIS 1955 ET QU'ELLE AVAIT CONGEDIE LE 9 AVRIL 1974,DU PREJUDICE RESULTANT POUR LUI DE CE LICENCIEMENT, DECLARE FAIT SANS CAUSE REELLE ET SERIEUSE, AUX MOTIFS, NOTAMMENT, QU'ON NE SAURAIT SE CONTENTER DES CAUSES ALLEGUEES PAR L'EMPLOYEUR, C'EST-A-DIRE D'UN AVEU PRETENDU DE DUBUS EN 1968 OU D'UNE LETTRE DU 13 FEVRIER 1973 SE PLAIGNANT DE RESULTATS INSUFFISANTS DANS L'ORGANISATION DU SERVICE "ORDONNANCEMENT",POUR EN DEDUIRE QUE LE SALARIE N'AURAIT PAS REPONDU AUX ESPOIRS MIS EN LUI FAUTE D'INITIATIVES ET D'UNE ASSIDUITE SUFFISANTE, ALORS QUE, SI LA LOI DU 13 JUILLET 1973 DISPOSE, DANS L'ARTICLE 24 O QU'ELLE A AJOUTE AU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ALORS EN VIGUEUR, QU'IL APPARTIENT AU JUGE D'APPRECIER LA OU LES CAUSES REELLES ET SERIEUSES DU LICENCIEMENT, LES JUGES NE SAURAIENT LE FAIRE EN DEROGEANT AUX REGLES DE LA CHARGE DE LA PREUVE, COMME L'A FAIT L'ARRET ATTAQUE, LEQUEL N'A RELEVE, EN OUTRE, AUCUN FAIT FAISANT DEGENERER EN ABUS LE DROIT DE L'EMPLOYEUR DE SE SEPARER D'UN EMPLOYE QU'IL JUGE D'UNE UTILITE MEDIOCRE ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET RELEVE QUE, DES DOCUMENTS DATES D'AVRIL 1968, DE FEVRIER 1970, DE SEPTEMBRE 1972 ET DE FEVRIER 1973, SUR LESQUELS SE FONDAIT LA SOCIETE GODART FRERES POUR JUSTIFIER LE RENVOI DE DUBUS EN AVRIL 1974, NE RESULTAIT AUCUN FAIT SUSCEPTIBLE DE CONSTITUER UNE CAUSE REELLE ET SERIEUSE DE LICENCIEMENT, QU'EN L'ETAT DE CETTE CONSTATATION ET DES LORS QUE LA LOI LAISSE AU JUGE LE SOIN D'APPRECIER, POUR SE DETERMINER, LES ELEMENTS PRODUITS PAR LES PARTIES, LA COUR D'APPEL, QUI A ESTIME NON ETABLIE L'EXISTENCE D'UNE CAUSE REELLE ET SERIEUSE, A DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ;

QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE SECOND MOYEN ;

MAIS SUR LE PREMIER MOYEN : VU L'ARTICLE 24 P DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ALORS EN VIGUEUR (DEVENU L'ARTICLE L 122-14 4 DU CODE DU TRAVAIL) ;

ATTENDU QUE DANS LA PREMIERE PARTIE DE SON ALINEA 1ER CE TEXTE DISPOSE : "SI LE LICENCIEMENT D'UN SALARIE SURVIENT SANS OBSERVATION DE LA PROCEDURE REQUISE MAIS POUR UNE CAUSE REPONDANT AUX EXIGENCES DE L'ARTICLE 24 N (ARTICLE L 122-14 2), LE TRIBUNAL SAISI DOIT IMPOSER A L'EMPLOYEUR D'ACCOMPLIR LA PROCEDURE PREVUE ET ACCORDER AU SALARIE, A LA CHARGE DE L'EMPLOYEUR, UNE INDEMNITE QUI NE PEUT ETRE SUPERIEURE A UN MOIS DE SALAIRE..." ;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A CONDAMNE LA SOCIETE GODART FRERES A PAYER A DUBUS CETTE INDEMNITE AU MOTIF QUE, EN ADRESSANT A CE DERNIER LA LETTRE RECOMMANDEE LUI NOTIFIANT SON LICENCIEMENT SANS RESPECTER LE DELAI D'UN JOUR FRANC QUI, SELON L'ARTICLE 24 M (ART L 122-14 1), DOIT SEPARER L'ENTRETIEN PREALABLE DE L'ENVOI DE LADITE LETTRE, ELLE N'AVAIT PAS OBSERVE LA PROCEDURE LEGALE ;

QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QU'ELLE ESTIMAIT PAR AILLEURS QUE LE LICENCIEMENT DE DUBUS NE REPOSAIT PAS SUR UNE CAUSE REPONDANT AUX EXIGENCES DE L'ARTICLE 24 N (ART L 122-14 2), C'EST-A-DIRE SUR UNE CAUSE REELLE ET SERIEUSE, ET ALORS QUE LA LOI NE PREVOIT PAS EN PAREIL CAS L'ALLOCATION AU SALARIE D'UNE INDEMNITE DISTINCTE POUR L'IRREGULARITE EN LA FORME DE LA PROCEDURE, LA COUR D'APPEL A FAUSSEMENT APPLIQUE ET PAR CONSEQUENT VIOLE LE TEXTE SUSVISE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT EN CE QUI CONCERNE, L'INDEMNITE DE 3 000 FRANCS POUR INOBSERVATION DE LA PROCEDURE LEGALE DE LICENCIEMENT, L'ARRET RENDU ENTRE LES LE 12 MARS 1975 PAR LA COUR D'APPEL DE REIMS ;

REMET, EN CONSEQUENCE, QUAND A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE NANCY.

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 24 p du livre Ier du Code du travail alors en vigueur (devenu l'article L. 122-14-4 du Code du travail) ;

Attendu que dans la première partie de son alinéa 1er ce texte dispose : "si le licenciement d'un salarié survient sans observation de la procédure requise mais pour une cause répondant aux exigences de l'article 24 n (article L. 122-14.2), le Tribunal saisi doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ..." ;

Attendu que l'arrêt attaqué a condamné la société Godart frères à payer à Dubus cette indemnité au motif que, en adressant à ce dernier la lettre recommandée lui notifiant son licenciement sans respecter le délai d'un jour franc qui, selon l'article 24 m (art. L. 122-14.1), doit séparer l'entretien préalable de l'envoi de ladite lettre, elle n'avait pas observé la procédure légale ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle estimait par ailleurs que le licenciement de Dubus ne reposait pas sur une cause répondant aux exigences de l'article 24 n (art. L. 122-14.2), c'est-à-dire sur une cause réelle et sérieuse, et alors que la loi ne prévoit pas en pareil cas l'allocation au salarié d'une indemnité distincte pour l'irrégularité en la forme de la procédure, la Cour d'appel a faussement appliqué et par conséquent violé le texte susvisé ;

Par ces motifs :

Casse et annule, mais seulement en ce qui concerne, l'indemnité de 3000 francs pour inobservation de la procédure légale de licenciement, l'arrêt rendu entre les parties le 12 mars 1975 par la Cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy.

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