Cour de Cassation, Chambre sociale, du 7 février 1968, 65-40.622, Publié au bulletin
Cour de Cassation, Chambre sociale, du 7 février 1968, 65-40.622, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 65-40.622
- Publié au bulletin
- Solution : REJET
Audience publique du mercredi 07 février 1968
Décision attaquée : Cour d'appel Amiens 1965-07-01, du 01 juillet 1965- Président
- Pdt M. Vigneron
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique, pris de la violation de l'article 1134 du Code civil, de l'article 23 du Livre 1er du Code du travail, de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale ;
Attendu que la Fédération de la mutualité agricole de l'Aube fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer diverses indemnités à dame X... pour avoir rompu son contrat de travail d'assistante sociale rurale lors de son mariage, au motif que la clause de célibat insérée dans le contrat liant les parties était nulle comme contraire à l'ordre public et attentatoire à la morale et aux bonnes moeurs, - alors qu'il n'est nullement établi que d'une façon générale cette clause soit contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, et que dans le cas particulier la condition ainsi insérée au contrat se justifiait non seulement par l'intérêt de l'entreprise, dont le but est précisément de veiller au maintien de l'ordre et de la morale, mais encore par l'intérêt de l'assistante rurale elle-même ;
Mais attendu que les juges du fond ont constaté que demoiselle Y... avait été engagée par la Fédération de la mutualité agricole de l'Aube selon contrat du 17 décembre 1953 spécifiant que ses fonctions d'assistante sociale rurale étaient incompatibles avec la situation de femme mariée et que son mariage entraînerait le départ du Service sans indemnité ; que demoiselle Y..., ayant avisé le 2 mars 1960 la Fédération de son mariage fixé au 23 avril 1960, fut licenciée à compter du 22 avril 1960 ; que, bien qu'absorbant, et nécessitant de fréquents déplacements, son emploi n'exigeait pas "une disponibilité constante" à toute heure du jour et de la nuit, et n'était pas en soi inconciliable avec les obligations de la vie familiale ; que le mariage ne la mettait pas nécessairement dans l'impossibilité d'exécuter de manière normale les stipulations de son contrat de travail ;
D'où il suit qu'il n'avait pas été justifié en l'espèce par la Fédération de la mutualité agricole de l'Aube de nécessités impérieuses, tirées de la nature des fonctions ou de leurs conditions d'exercice, d'appliquer la clause litigieuse qui, restrictive du droit au mariage et de la liberté du travail, était d'une portée exceptionnelle ; que dès lors, la décision des juges du fond de la condamner au payement des indemnités de rupture est légalement justifiée ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 1er juillet 1965 par la Cour d'appel d'Amiens.