CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 14/11/2019, 19BX01327, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 14/11/2019, 19BX01327, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX - 7ème chambre (formation à 3)
- Non publié au bulletin
Audience publique du jeudi 14 novembre 2019
- Président
- M. REY-BETHBEDER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 23 février 2018 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1802805 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires en production de pièces, enregistrés les 3 et 18 avril et le 30 juillet 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 23 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ";
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son avocat de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- il n'est pas justifié que les signataires de l'avis du collège des médecins de l'OFII soient médecins ou exercent dans des conditions légales, l'un d'entre eux n'étant pas inscrit à l'ordre national des médecins ; l'avis se trouve ainsi entaché d'irrégularité tout comme la décision contestée ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été précédé d'une délibération en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le préfet se contente de se reporter à l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII et s'est donc cru à tort lié par cet avis ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les soins nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles dans son pays et qu'elle ne peut avoir accès aux soins en raison de son indigence ;
- la décision en litige méconnaît son droit à une vie privée et familiale au sens du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle vit en France depuis 2007 où elle a reconstitué sa vie privée et familiale ; sa fille est née en 2015 et est scolarisée à Bordeaux ; elle bénéficie d'un titre de séjour depuis six ans et justifie d'une activité professionnelle et de bulletins de salaires depuis 2012 ; elle fournit des preuves de son intégration ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'octroi d'un titre correspondait à des considérations humanitaires et se justifiait au regard des motifs exceptionnels : elle a fui en effet son pays alors en guerre et vit en France depuis plus de douze ans et est très malade ;
- le préfet n'a pas soumis son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que sa fille n'a jamais vécu en Sierra Leone, pays dont le taux de mortalité infantile est de 110 pour 1 000 naissances et où la pratique de l'excision existe toujours dans certaines régions ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est atteinte de troubles psychiques qui ne pourraient être pris en charge en Sierra Leone ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en cas de retour en Sierra Leone qu'elle a fui en pleine guerre civile et dont la situation nécessite encore aujourd'hui la présence de casques bleus et d'une mission des Nations Unis, elle ne pourrait bénéficier d'une protection des autorités de son pays.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 19 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019 à 12 heures.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante sierra-léonaise, née le 6 novembre 1984, est entrée en France irrégulièrement le 17 décembre 2007, selon ses déclarations, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 avril 2008. Mme C... a également sollicité, en décembre 2009, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et a bénéficié de titres de séjour en cette qualité jusqu'au 4 janvier 2017. Par arrêté en date du 23 février 2018, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Mme C... soutient que l'un des trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas inscrit à l'Ordre national des médecins. Au soutien de cette allégation, la requérante n'invoque la méconnaissance d'aucun texte ni d'aucun principe et n'assortit donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, il résulte de l'article L. 4112-6 du code de la santé publique que l'obligation d'inscription au tableau de l'Ordre national des médecins n'est pas générale et que, notamment, elle ne s'impose pas aux médecins ayant la qualité de fonctionnaire de l'État.
4. S'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées. En l'espèce, il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé que l'avis est émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Mme C... soutient que l'avis en cause n'a pas été émis collégialement. Cependant, d'une part, l'avis du collège de médecins, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, fait état d'une délibération. D'autre part, en se bornant à produire des captures d'écran anonymisées de l'application " Themis ", la requérante n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de son allégation dont le bien-fondé ne ressort pas davantage des pièces versées au dossier. Ce moyen doit donc être écarté.
5. Le moyen tiré de que les médecins du collège " n'exercent pas dans le même secteur géographique " est dépourvu des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, il n'apparaît pas que cet avis ait été émis dans des conditions irrégulières.
6. Enfin, il ressort de l'avis émis le 2 août 2017 que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'appelante nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme C... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. En tout état de cause, dès lors que le préfet a, au vu de cet avis et des autres pièces du dossier, estimé que le défaut de prise en charge médicale n'entraînerait pas pour l'appelante des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la circonstance qu'il n'ait pas été éclairé sur la condition relative à l'accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine n'a pas privé Mme C... d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision de refus de délivrance de titre de séjour.
7. Le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté en toutes ses branches.
8. En deuxième lieu, Mme C... n'établit ni même n'allègue avoir adressé au préfet de la Gironde, préalablement à l'arrêté litigieux, des documents lui permettant d'apprécier son état de santé. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde ne pouvait que se fonder sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, la reprise des termes de l'avis dans l'arrêté en litige, ne permet pas à elle seule d'établir que le préfet se serait estimé lié par celui-ci et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.
9. En troisième lieu, Mme C... fait valoir qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique, dont le défaut de prise en charge entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour laquelle le traitement dont elle bénéficie ne lui est pas effectivement accessible dans son pays d'origine. Toutefois, les certificats du 14 février 2017, ainsi que celui, postérieur à la date de l'arrêté attaqué, du 13 septembre 2018, versés au dossier, eu égard à leur nature et à leur contenu, ne suffisent pas à remettre en cause l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 2 août 2017 selon lequel si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, et quand bien même Mme C... a bénéficié par le passé de titres de séjour en qualité d'étranger malade, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Gironde aurait, par la décision en litige, méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. Mme C... soutient qu'elle vit en France depuis 2007, que ses parents et son frère sont décédés, qu'elle a une enfant née le 30 août 2015 et qu'elle est parfaitement intégrée en France, où elle travaille. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans attaches familiales autres que sa fille sur le territoire national. Elle n'établit pas y résider de manière habituelle depuis plus de dix ans, les pièces produites pour la période allant du mois d'avril 2008 au mois de décembre 2009 étant à cet égard insuffisantes. Son état de santé ne justifie plus son maintien en France. Elle ne fait pas état d'une intégration professionnelle significative. Enfin, elle n'établit pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, et alors même qu'elle ne menace pas l'ordre public, qu'elle a appris le français, qu'elle travaille et que sa fille est née en France, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations et dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'appelante.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". Pour établir que le préfet aurait dû prononcer son admission exceptionnelle au séjour, Mme C... se prévaut des mêmes éléments que précédemment, à savoir son état de santé, l'ancienneté de son séjour en France et ses efforts d'intégration, lesquels ne constituent pas un motif humanitaire ou une circonstance exceptionnelle d'admission au séjour au regard des dispositions précitées. Par suite, elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait méconnu ces dispositions.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
14. Mme C... soutient, en se bornant à faire état de considérations générales sur les risques sanitaires et sécuritaires élevés au Sierra Léone et qu'en cas de retour dans ce pays, sa fille risquerait de subir une excision. Toutefois, et dès lors que le refus de délivrance d'un titre de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de contraindre Mme C... et sa fille à retourner au Sierra Léone, le moyen tiré de ce qu'une telle décision méconnaît ces stipulations doit être écarté comme inopérant.
15. En dernier lieu, Mme C... reprend en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans contester les réponses apportées par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour et ne pouvait de ce fait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux figurant au point 9 du présent arrêt.
18. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés concernant la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
19. En quatrième lieu, si Mme C... fait valoir qu'en cas de retour en Sierra Léone, sa fille risquerait de subir une excision, la requérante se borne à faire état de considérations générales sans apporter de précisions relatives aux risques auxquels son enfant serait personnellement exposée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
20. En dernier lieu, Mme C... n'établit pas entrer dans l'une des catégories d'étrangers lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour et à l'encontre desquelles l'autorité administrative ne peut édicter d'obligation de quitter le territoire.
Sur la décision fixant le pays de destination :
21. En premier lieu, la décision en litige est suffisamment motivée en droit par le visa des articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a été fait application, et en fait, par l'indication que Mme C... est de nationalité sierra-léonaise et qu'elle pourra être reconduite à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. De même, cette motivation révèle que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
22. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
23. Mme C..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, ne fait état d'aucun élément suffisamment probant de nature à établir qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle ferait l'objet de menaces réelles, actuelles et personnelles en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées.
24. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,
Mme D... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
Le rapporteur,
Florence E...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
5
N° 19BX01327
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 23 février 2018 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1802805 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires en production de pièces, enregistrés les 3 et 18 avril et le 30 juillet 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 23 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ";
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son avocat de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- il n'est pas justifié que les signataires de l'avis du collège des médecins de l'OFII soient médecins ou exercent dans des conditions légales, l'un d'entre eux n'étant pas inscrit à l'ordre national des médecins ; l'avis se trouve ainsi entaché d'irrégularité tout comme la décision contestée ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été précédé d'une délibération en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le préfet se contente de se reporter à l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII et s'est donc cru à tort lié par cet avis ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les soins nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles dans son pays et qu'elle ne peut avoir accès aux soins en raison de son indigence ;
- la décision en litige méconnaît son droit à une vie privée et familiale au sens du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle vit en France depuis 2007 où elle a reconstitué sa vie privée et familiale ; sa fille est née en 2015 et est scolarisée à Bordeaux ; elle bénéficie d'un titre de séjour depuis six ans et justifie d'une activité professionnelle et de bulletins de salaires depuis 2012 ; elle fournit des preuves de son intégration ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'octroi d'un titre correspondait à des considérations humanitaires et se justifiait au regard des motifs exceptionnels : elle a fui en effet son pays alors en guerre et vit en France depuis plus de douze ans et est très malade ;
- le préfet n'a pas soumis son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que sa fille n'a jamais vécu en Sierra Leone, pays dont le taux de mortalité infantile est de 110 pour 1 000 naissances et où la pratique de l'excision existe toujours dans certaines régions ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est atteinte de troubles psychiques qui ne pourraient être pris en charge en Sierra Leone ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en cas de retour en Sierra Leone qu'elle a fui en pleine guerre civile et dont la situation nécessite encore aujourd'hui la présence de casques bleus et d'une mission des Nations Unis, elle ne pourrait bénéficier d'une protection des autorités de son pays.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 19 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019 à 12 heures.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante sierra-léonaise, née le 6 novembre 1984, est entrée en France irrégulièrement le 17 décembre 2007, selon ses déclarations, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 avril 2008. Mme C... a également sollicité, en décembre 2009, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et a bénéficié de titres de séjour en cette qualité jusqu'au 4 janvier 2017. Par arrêté en date du 23 février 2018, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Mme C... soutient que l'un des trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas inscrit à l'Ordre national des médecins. Au soutien de cette allégation, la requérante n'invoque la méconnaissance d'aucun texte ni d'aucun principe et n'assortit donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, il résulte de l'article L. 4112-6 du code de la santé publique que l'obligation d'inscription au tableau de l'Ordre national des médecins n'est pas générale et que, notamment, elle ne s'impose pas aux médecins ayant la qualité de fonctionnaire de l'État.
4. S'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées. En l'espèce, il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé que l'avis est émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Mme C... soutient que l'avis en cause n'a pas été émis collégialement. Cependant, d'une part, l'avis du collège de médecins, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, fait état d'une délibération. D'autre part, en se bornant à produire des captures d'écran anonymisées de l'application " Themis ", la requérante n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de son allégation dont le bien-fondé ne ressort pas davantage des pièces versées au dossier. Ce moyen doit donc être écarté.
5. Le moyen tiré de que les médecins du collège " n'exercent pas dans le même secteur géographique " est dépourvu des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, il n'apparaît pas que cet avis ait été émis dans des conditions irrégulières.
6. Enfin, il ressort de l'avis émis le 2 août 2017 que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'appelante nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme C... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. En tout état de cause, dès lors que le préfet a, au vu de cet avis et des autres pièces du dossier, estimé que le défaut de prise en charge médicale n'entraînerait pas pour l'appelante des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la circonstance qu'il n'ait pas été éclairé sur la condition relative à l'accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine n'a pas privé Mme C... d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision de refus de délivrance de titre de séjour.
7. Le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté en toutes ses branches.
8. En deuxième lieu, Mme C... n'établit ni même n'allègue avoir adressé au préfet de la Gironde, préalablement à l'arrêté litigieux, des documents lui permettant d'apprécier son état de santé. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde ne pouvait que se fonder sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, la reprise des termes de l'avis dans l'arrêté en litige, ne permet pas à elle seule d'établir que le préfet se serait estimé lié par celui-ci et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.
9. En troisième lieu, Mme C... fait valoir qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique, dont le défaut de prise en charge entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour laquelle le traitement dont elle bénéficie ne lui est pas effectivement accessible dans son pays d'origine. Toutefois, les certificats du 14 février 2017, ainsi que celui, postérieur à la date de l'arrêté attaqué, du 13 septembre 2018, versés au dossier, eu égard à leur nature et à leur contenu, ne suffisent pas à remettre en cause l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 2 août 2017 selon lequel si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, et quand bien même Mme C... a bénéficié par le passé de titres de séjour en qualité d'étranger malade, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Gironde aurait, par la décision en litige, méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. Mme C... soutient qu'elle vit en France depuis 2007, que ses parents et son frère sont décédés, qu'elle a une enfant née le 30 août 2015 et qu'elle est parfaitement intégrée en France, où elle travaille. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans attaches familiales autres que sa fille sur le territoire national. Elle n'établit pas y résider de manière habituelle depuis plus de dix ans, les pièces produites pour la période allant du mois d'avril 2008 au mois de décembre 2009 étant à cet égard insuffisantes. Son état de santé ne justifie plus son maintien en France. Elle ne fait pas état d'une intégration professionnelle significative. Enfin, elle n'établit pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, et alors même qu'elle ne menace pas l'ordre public, qu'elle a appris le français, qu'elle travaille et que sa fille est née en France, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations et dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'appelante.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". Pour établir que le préfet aurait dû prononcer son admission exceptionnelle au séjour, Mme C... se prévaut des mêmes éléments que précédemment, à savoir son état de santé, l'ancienneté de son séjour en France et ses efforts d'intégration, lesquels ne constituent pas un motif humanitaire ou une circonstance exceptionnelle d'admission au séjour au regard des dispositions précitées. Par suite, elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait méconnu ces dispositions.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
14. Mme C... soutient, en se bornant à faire état de considérations générales sur les risques sanitaires et sécuritaires élevés au Sierra Léone et qu'en cas de retour dans ce pays, sa fille risquerait de subir une excision. Toutefois, et dès lors que le refus de délivrance d'un titre de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de contraindre Mme C... et sa fille à retourner au Sierra Léone, le moyen tiré de ce qu'une telle décision méconnaît ces stipulations doit être écarté comme inopérant.
15. En dernier lieu, Mme C... reprend en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans contester les réponses apportées par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour et ne pouvait de ce fait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux figurant au point 9 du présent arrêt.
18. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés concernant la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
19. En quatrième lieu, si Mme C... fait valoir qu'en cas de retour en Sierra Léone, sa fille risquerait de subir une excision, la requérante se borne à faire état de considérations générales sans apporter de précisions relatives aux risques auxquels son enfant serait personnellement exposée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
20. En dernier lieu, Mme C... n'établit pas entrer dans l'une des catégories d'étrangers lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour et à l'encontre desquelles l'autorité administrative ne peut édicter d'obligation de quitter le territoire.
Sur la décision fixant le pays de destination :
21. En premier lieu, la décision en litige est suffisamment motivée en droit par le visa des articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a été fait application, et en fait, par l'indication que Mme C... est de nationalité sierra-léonaise et qu'elle pourra être reconduite à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. De même, cette motivation révèle que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
22. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
23. Mme C..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, ne fait état d'aucun élément suffisamment probant de nature à établir qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle ferait l'objet de menaces réelles, actuelles et personnelles en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées.
24. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,
Mme D... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
Le rapporteur,
Florence E...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01327