CAA de NANTES, 5ème chambre, 21/05/2019, 18NT01297, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1702155 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 25 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'article L. 313- 11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de 15 jours, ou à défaut de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.


Elle soutient que :
- le tribunal administratif a procédé à une substitution de motifs en l'absence d'une demande en ce sens de l'administration, commettant ainsi une irrégularité ;
- le préfet aurait dû solliciter l'avis de la commission du titre de séjour ;
- le préfet a communiqué au conseiller santé de la Direction Générale des Etrangers en France, sans soin consentement préalable, méconnaissant ainsi le secret médical ;
- la pathologie ayant fondé sa demande est étrangère à celle des yeux évoquée par le préfet ; le préfet aurait donc dû saisir à nouveau le médecin de l'ARS ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- elle souffre de céphalées invalidantes, sans lien avec une pathologie de l'oeil sec ; il n'est pas établi que cette pathologie puisse être traitée en Mongolie ;
- le préfet ne pouvait se borner à se prévaloir de l'avis du médecin de l'ARS sur la poursuite des soins durant trois mois ; les soins qui lui sont nécessaires ne sont pas limités à une durée de trois mois ; elle continue d'en bénéficier ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour emporte l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ainsi que de la décision fixant le pays de renvoi.


Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à son mémoire produit en première instance et au jugement attaqué.


Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2018.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.


Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.



Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 22 février 2018 du tribunal administratif de Caen qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des termes de l'arrêté préfectoral attaqué que, pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi, le préfet du Calvados a relevé que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé (ARS) n'est que consultatif et qu'en l'espèce, au vu des ordonnances fournies par MmeA..., les médicaments dont elle a besoin étaient disponibles en Mongolie. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont estimé, après avoir relevé l'existence de traitements disponibles en Mongolie pour traiter la pathologie de l'oeil sec, que Mme A...n'apportait aucun élément de nature à remettre en cause l'existence d'un traitement de sa pathologie en Mongolie. S'ils ont également considéré que Mme A...n'établissait pas que le défaut de prise en charge de sa pathologie nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, c'est en réponse à l'argumentation de Mme A...qui faisait valoir l'existence d'une autre pathologie, à savoir des céphalées. Dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas, contrairement à ce qui est soutenu, procédé à une substitution de motifs. Mme A...n'est dès lors pas fondée à invoquer l'irrégularité du jugement attaqué.


Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2017 :

3. En premier lieu, l'arrêté du 25 octobre 2017 du préfet du Calvados mentionne les textes dont il fait application, rappelle le parcours en France de Mme A...et indique avec précision les raisons pour lesquelles elle ne peut bénéficier d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-11, 11° du CESEDA, relevant que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé (ARS) n'est que consultatif et qu'en l'espèce, au vu des ordonnances fournies par MmeA..., les médicaments dont elle a besoin sont disponibles en Mongolie, pays dans lequel l'intéressée pourra bénéficier d'un suivi. Le préfet a, ce faisant, suffisamment motivé sa décision.

4. En deuxième lieu, il est constant que le préfet a transmis au conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France, afin de recueillir son avis sur l'état de santé de MmeA..., des ordonnances médicales communiquées par cette dernière. Le conseiller santé, qui est lui-même un médecin soumis au respect du secret médical et qui intervient en tant que membre de l'administration, ne saurait être considéré comme un tiers vis-à-vis des agents préfectoraux. Dès lors, il n'est pas établi que le préfet aurait méconnu le principe du respect du secret médical.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;

6. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. L'avis du médecin de l'ARS du 8 novembre 2016 a estimé que l'état de santé de Madame A...nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge médicale pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, et que les soins devaient être poursuivis pendant une durée de trois mois. Il ressort des pièces du dossier, notamment des ordonnances communiquées par Mme A...à l'administration, que le traitement suivi par Mme A...consiste en la prise de différents collyres hydratants utilisés pour le traitement de l'oeil sec. Le préfet a produit en défense un courriel du docteur C...indiquant la disponibilité, en Mongolie, de collyres hydratants, permettant de traiter " l'oeil sec " ; le préfet a produit également une fiche de la base de données " MedCOI " dont il ressort que la Mongolie est dotée de centres médicaux et d'hôpitaux et que le gouvernement a adopté une liste de médicaments essentiels, élaborée sur la base des recommandations de l'organisation mondiale de la santé. Mme A...n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'existence d'un traitement de sa pathologie en Mongolie. Si la requérante fait valoir que son traitement se poursuit au-delà de la période de trois mois, indiquée par le médecin de l'ARS dans son avis, le préfet du Calvados, au vu des éléments précités, n'a pas fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer le titre de séjour demandé par MmeA.... Par voie de conséquence, la requérante n'est pas fondée à soutenir que, dès lors qu'elle devait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, la commission du titre de séjour aurait dû être saisie.

8. En quatrième lieu, Mme A...a fait valoir, dans son mémoire en réplique devant les premiers juges, qu'elle " souffre de céphalées invalidantes se déplaçant au niveau des yeux ". Toutefois, cette circonstance, tout comme les documents qu'elle a produits pour en établir la réalité, sont postérieurs à la décision contestée et sans incidence sur sa légalité. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir que cette affection, distincte de celle mentionnée par le préfet, justifiait une nouvelle saisine du médecin de l'agence régionale de santé.

9. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme A...ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision fixant le pays de destination.


10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées, de même que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :


Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados

Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mai 2019.

Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01297



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