CAA de PARIS, 5ème chambre, 04/10/2018, 17PA01514, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Pavage Import Export a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts de retard et des pénalités se rapportant aux droits de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012 et de la période correspondante.

Par un jugement n° 1607631 du 14 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a substitué à la majoration de 80 % prévue par les dispositions du c de l'article 1729 du code général des impôts appliquée par l'administration, les pénalités pour manquement délibéré prévues au a de ce même article, prononcé la décharge correspondante et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Pavage Import Export.



Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2017, et un mémoire enregistré le 9 juillet 2018, la société Pavage Import Export, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607631 du 14 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts de retard et des pénalités se rapportant aux droits de taxe sur la valeur ajoutée demeurant... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les opérations de contrôle ont excédé le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- le service a procédé à une nouvelle vérification de comptabilité des opérations réalisées au titre de l'exercice clos en 2012 en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- elle était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures d'achat de téléphones portables dès lors qu'elle établit avoir revendu ces téléphones à la société de droit bulgare Pinot Treyding OOD et à l'entreprise de droit portugais Marcelino Marco Saraiva Da Cunha, dont le service n'établit pas qu'elles seraient fictives ; elle a acheté ces téléphones aux sociétés Neklan, GSM et Cartes et It Media Pulsat, dont l'administration n'établit pas qu'elles seraient défaillantes au regard de leurs obligations fiscales et soupçonnées d'être impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée de type carrousel ou sans aucune activité déclarée ;

- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée s'oppose à ce que la taxe grevant les acquisitions faites auprès de la société Neklan soit rejetée ;

- le service n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère fictif ou de complaisance des factures établies par la société sous-traitante Le Lion ;

- le service n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les prestations délivrées par les sociétés IKEA et Privat Logitrans n'auraient pas été engagées dans l'intérêt de son exploitation ;

- le solde créditeur du compte TVA déductible ne peut générer un rappel de taxe mais doit être régularisé dans le cadre d'une variation d'actif net, dès lors qu'il s'agit d'un passif injustifié.

- les impositions en litige ne pouvaient être majorées de la pénalité pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 septembre 2017 et le 10 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Pavage Import Export ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. La société Pavage Import Export, qui exerce une activité de commerce de granit, de pierres naturelles et d'éléments de béton préfabriqués, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue par les dispositions du c) de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement en date du 14 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de la société Pavage Import Export, a substitué la pénalité pour manquement délibéré prévue au a) du même article, à celle pour manoeuvres frauduleuses initialement infligée à la société, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.


Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Toutefois, il est fait exception à cette règle : 1° Lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées ; 2° Dans les cas prévus à l'article L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ; (...) ".

3. Si la société requérante fait valoir que les opérations réalisées au titre de l'exercice clos en 2012 ont été soumises à une double vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée, il résulte de l'instruction, notamment des mentions des deux propositions de rectification en date du 17 mars 2014 adressées à la société Pavage Import Export, que celle-ci a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, puis d'une seconde vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos en 2012 et la période correspondante en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, et contrairement à ce qui est mentionné sur l'avis de vérification du 7 janvier 2013, les deux vérifications de comptabilité engagées à l'encontre de la société Pavage Import Export ont concerné des périodes différentes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) ; / II.-Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. ". Aux termes de l'article 302 septies A du code général des impôts : " I. Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 777 000 €, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 234 000 €, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées (...) ".

5. Les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, qui ont notamment pour objet d'alléger les contraintes que fait peser le contrôle fiscal sur la gestion des petites et moyennes entreprises, définissent, au bénéfice des contribuables qu'elles mentionnent, une garantie qui s'oppose à ce que le vérificateur poursuive, au-delà de trois mois à compter du début du contrôle, la vérification des livres ou documents comptables au sein de l'entreprise vérifiée ou, lorsqu'ils ont été apportés par le contribuable ou ont été emportés par le vérificateur avec l'accord du contribuable, dans les locaux de l'administration.

6. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la société Pavage Import Export portant sur les déclarations de résultats et de chiffre d'affaires souscrites au titre de l'exercice clos en 2012 et de la période correspondante, a commencé le 20 septembre 2013, date du premier entretien avec le vérificateur dans les locaux du cabinet comptable à la demande du gérant de la société, et s'est achevée le 14 mars 2014, date de la réunion de synthèse qui s'est déroulée après l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Toutefois, il résulte des mentions de la proposition de rectification du 17 mars 2014 que le service a écarté la comptabilité présentée par la société Pavage Import Export comme entachée de graves irrégularités de nature à la priver de valeur probante pour des motifs dont le bien-fondé n'est pas contesté par la société. Ainsi, et en tout état de cause, c'est sans méconnaître les dispositions précitées des articles L. 52 du livre des procédures fiscales et 302 septies A du code général des impôts, que le service a prolongé la vérification de comptabilité de la société Pavage Import Export au-delà du délai normal de trois mois, sans que l'administration ne fut tenue, par un texte législatif ou réglementaire, d'en avertir préalablement la contribuable par écrit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de ces articles ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant du solde créditeur de taxe sur la valeur ajoutée :

7. Au cours de la vérification de comptabilité de la société Pavage Import Export, le service a constaté que le compte 445664 " TVA déductible " présentait, à la date de clôture de l'exercice 2012, un solde créditeur d'un montant de 31 598,72 euros. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la seule constatation par le vérificateur d'un solde créditeur sur ce compte, qui doit en principe être débiteur ou nul, était de nature à justifier un rappel de taxe à concurrence du montant du solde créditeur. En l'absence de justification, tant devant le service que devant le juge de l'impôt, de la comptabilisation de cette créance de taxe sur la valeur ajoutée, la société Pavage Import Export n'est pas fondée à demander la décharge du rappel de taxe correspondant au solde anormalement créditeur du compte 445664 " TVA déductible ".

S'agissant de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures émises par la société Ikea et la société Privat :

8. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. (...) ".

9. Il est constant que la comptabilité présentée par la société Pavage Import Export est entachée de graves irrégularités et a été écartée comme dépourvue de valeur probante. Il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies sur des bases conformes à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il s'ensuit que la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée incombe à la société en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

10. Au cours des opérations de contrôle, le service a relevé que la société Pavage Import Export avait enregistré en charges deux factures portant respectivement sur l'acquisition d'une cuisine équipée et la mise à disposition d'un manutentionnaire par la société Privat. En l'absence de justification apportée par la société de ce que les dépenses ainsi réalisées avaient été engagées pour les besoins de son exploitation et se rattachaient à une opération imposable, le service a remis en cause la déduction de la taxe mentionnée sur ces factures et procédé aux rappels de taxe correspondant.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il incombe à la société Pavage Import Export, qui supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration, de démontrer que les biens et services acquis au cours de la période vérifiée étaient nécessaires à son exploitation et qu'ils ont été utilisés pour les besoins de ses opérations imposables. Alors que le service a relevé au cours de la vérification de comptabilité que l'achat de la cuisine équipée n'avait pas été refacturé par la redevable et que cette dernière ne faisait pas partie des clients ou des fournisseurs de la société Privat, la société requérante n'apporte pas cette preuve en se bornant à soutenir que la charge de la preuve repose sur le service.


S'agissant de charges correspondant à des factures fictives et de complaisance :

12. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 272 de ce code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture (...) ". Aux termes de l'article 283 du même code : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".

13. Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ou qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

14. Il résulte de l'instruction que la société Pavage Import Export a comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2012 des factures établies par la société " Le Lion ", spécialisée dans le nettoyage, et a imputé sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période correspondante le montant de la taxe grevant ces factures. A l'issue de la vérification de comptabilité de la société, le service a constaté que les règlements correspondant à ces factures avaient été effectués au bénéfice soit du gérant de la société Pavage Import Export, soit de personnes physiques ou de personnes morales étrangères à la société " Le Lion ". En l'absence de justifications de la redevable, il a considéré que les versements effectués au gérant de la société ne correspondait à l'accomplissement d'aucune prestation et que les factures présentaient ainsi un caractère fictif. En revanche, s'agissant des versements réalisés auprès de tiers, il a estimé, sans remettre en cause la réalité des prestations facturées, que les factures en litige avaient pour seul objet de dissimuler l'identité réelle des personnes ayant exécuté les prestations, afin de pouvoir déduire la taxe correspondante et qu'elles revêtaient ainsi le caractère de factures de complaisance. Il a, sur le fondement des dispositions précitées du 2 de l'article 272 et du 4 de l'article 283 du code général des impôts, remis en cause le droit à déduction de la société Pavage Import Export de la taxe mentionnée sur les factures émises par la société " Le Lion ", regardées, selon le cas, comme fictives ou de complaisance, et procédé au rappel de taxe correspondant.

15. Il n'est pas contesté que la société " Le Lion " est régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés et qu'elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. La société Pavage Import Export a remis au service des factures de la société " Le Lion " dont la régularité n'est pas critiquée. Il résulte de l'instruction que les règlements effectués pour le paiement de ces factures n'ont pas été encaissés par la société " Le Lion ", mais par le gérant de la société Pavage Import Export et des tiers, qui n'ont pas restitué les sommes en litige à la société " Le Lion ". Par ailleurs, le service a relevé dans la proposition de rectification du 17 mars 2014, dont les mentions ne sont pas contredites par la requérante, que les factures en cause ne comportaient aucune précision sur le nombre d'heures facturées et la nature des prestations rendues et que les adresses d'intervention du prestataire mentionnées sur les factures étaient sans lien avec l'entreprise. La société requérante, qui se borne à faire valoir que le service n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère fictif ou de complaisance des factures établies par la société " Le Lion ", ne remet pas utilement en cause les constats effectués par l'administration et n'avance aucun élément de nature à établir l'existence de prestations effectivement exécutées par la société " Le Lion " au profit de la société Pavage Import Export. Il résulte de l'instruction que le gérant et unique associé de la société Pavage Import Export ne pouvait ignorer que les sommes facturées par la société " Le Lion ", dont il a directement bénéficié, ne correspondait à aucune prestation réelle et que, s'agissant des règlements effectués au profit de tiers, la société " Le Lion " n'était pas le fournisseur réel des prestations facturées. Dans ces conditions, l'administration, qui établit que les factures en litige avaient pour seul objet de permettre à la société Pavage Import Export de bénéficier de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures émises par la société " Le Lion ", était fondée à remettre en cause le droit à déduction de la société Pavage Import Export de la taxe litigieuse.


S'agissant des achats de téléphones portables :

16. En premier lieu, il ressort des mentions de la proposition de rectification du 17 mars 2014, adressée à la société Pavage Import export, que celle-ci a, en marge de son activité principale, exercé une activité d'achat et de revente de téléphones portables à des clients étrangers. Au terme des opérations de contrôle, le service a, sur le fondement des dispositions précitées du 2 de l'article 272 et du 4 de l'article 283 du code général des impôts, remis en cause la déduction par la société Pavage Import Export de la taxe grevant les achats de téléphones portables qu'elle avait ensuite revendus d'une part, à la société Pinot Treyding OOD, établie en Bulgarie et d'autre part, à la société Marcelino Marco Saraiv A Da Cunha, domiciliée..., au motif que la réalité de la livraison de ces téléphones et donc de leur vente n'était pas établie et que l'activité d'achat et de revente de téléphones portables de la société Pavage Import export n'avait pas de réalité économique.

17. Pour considérer que les ventes de téléphones portables aux sociétés Pinot Treyding OOD et Marcelino Marco Saraiv A Da Cunha présentaient un caractère fictif, le service s'est fondé notamment sur des éléments relatifs au fonctionnement de la société Pavage Import export. Il a ainsi relevé que l'activité d'achat et de revente de téléphones portables développée récemment par la société Pavage Import Export, qui, aux termes de l'article 2 de ses statuts modifiés, exerce une activité de vente de granit, de pierres naturelles et d'éléments en béton préfabriqués et de pose d'éléments préfabriqués en pierre naturelle et en béton, était sans rapport avec son objet statutaire. Il résulte également de l'instruction qu'en dépit des demandes réitérées du vérificateur, la société n'a produit aucun document permettant d'établir qu'elle disposerait de locaux pour entreposer les téléphones destinés à la revente. A cet égard, l'administration soutient, sans être sérieusement contredite, que les adresses de réception des marchandises mentionnées sur les documents remis par la contribuable correspondaient au siège d'entreprises présentant un lien avec son dirigeant ou au domicile de ce dernier. Par ailleurs, la société n'a pas été en mesure de communiquer au service les pièces justificatives du transport et de la livraison des téléphones aux sociétés Pinot Treyding OOD et Marcelino Marco Saraiv A Da Cunha tels des factures des transporteurs, les contrats d'assurance relatifs au transport international de biens, les bons d'enlèvement émargés des clients et les bordereaux de colisage indiquant le nombre de colis et leur poids brut. Elle n'a également effectué aucune déclaration de livraisons intracommunautaires sur ses déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée. Enfin, les prix facturés révèlent que la marge réalisée par la société Pavage Import export sur la vente des téléphones portables était très faible.

18. La société requérante ne conteste pas les constatations effectuées par l'administration. Si elle fait valoir que le service s'est également fondé sur les renseignements qu'il a obtenus auprès des autorités bulgares et portugaises dans le cadre de demandes d'assistance administrative internationale effectuées auprès de ces autorités respectivement les 21 août 2013 et 14 août 2013 afin de connaître l'activité réelle des deux sociétés acquéreuses et leurs moyens d'exploitation, l'administration doit être regardée comme établissant par les seuls éléments ci-dessus rappelés au point 17 portant sur l'activité et le fonctionnement de la société Pavage Import Export, que les ventes de téléphones portables aux sociétés Pinot Treyding OOD et Marcelino Marco Saraiv ne correspondaient à aucune opération réelle et revêtaient ainsi un caractère fictif. Par suite, la circonstance alléguée que les éléments d'information transmis par les autorités bulgares et portugaises, ne pouvaient, faute d'avoir été communiqués à la société Pavage Import Export et en l'absence de débat oral et contradictoire sur ces informations, y compris devant le tribunal administratif, être pris en compte pour apprécier la réalité des opérations de vente de téléphones en litige, est, dès lors que l'administration s'est fondée sur d'autres constatations réalisées dans des conditions régulières, et en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé des impositions critiquées.

19. En se bornant à soutenir que le service n'établit pas que les sociétés Pinot Treyding OOD et Marcelino Marco Saraiv A Da Cunha seraient fictives, la société Pavage Import Export ne justifie pas, ainsi qu'elle doit pourtant le faire, de la réalité de son activité d'achat et de revente de téléphones portables. Il résulte des éléments énumérés au point 17, et alors que l'administration relève sans être contredite que les ventes de téléphones comptabilisées et facturées représentaient près de la moitié du chiffre d'affaires de la société, réalisé sur une très courte période, que la société Pavage Import Export, qui est dirigée par son unique associé, savait que les opérations d'achats-reventes de téléphones, d'apparence réelles, étaient fictives, et qu'elle était impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration a considéré qu'elle ne pouvait bénéficier d'aucun droit à déduction de la taxe grevant les opérations d'acquisition de ces téléphones.

20. En second lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, le principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas obstacle à la récupération, conformément aux dispositions du 2° de l'article 272 et du 4° de l'article 283 du code général des impôts, d'une taxe indûment déduite car facturée à tort.


En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :

S'agissant des charges non exposées dans l'intérêt de l'entreprise :

21. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " I. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1º Les frais généraux de toute nature (en litige, auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012 et de la période correspondante) ". Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. (...) ".

22. Ainsi qu'il a été dit au point 11, la société Pavage Import Export n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les dépenses engagées pour l'acquisition d'une cuisine équipée et la mise à disposition d'un manutentionnaire par la société Privat auraient été exposées pour les besoins de son exploitation. Par suite, c'est à bon droit que le service a remis en cause la déductibilité des charges comptabilisées par la société Pavage Import Export et réintégré au résultat de l'exercice clos en 2012 le montant des dépenses correspondantes.


S'agissant de charges correspondant à des factures fictives :

23. Dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée.

24. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 que c'est à bon droit que le service a considéré que les factures émises par la société " Le Lion ", dont le paiement avait été effectué au bénéfice du gérant de la société Pavage Import Export, ne correspondaient à l'exécution d'aucune prestation et que la société Pavage Import Export n'était, en conséquence, pas en droit de déduire la charge correspondante du résultat de son exercice clos en 2012.


S'agissant des achats de téléphones portables :

25. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 19 que l'administration, qui établit que l'activité d'achat et de revente de téléphones portables de la société Pavage Import Export revêtait un caractère fictif, était fondée à remettre en cause la déduction par la contribuable du résultat de son exercice clos en 2012 de la charge correspondant aux dépenses engagées par la contribuable pour l'acquisition de ces marchandises.


Sur les pénalités :

26. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

27. Il résulte de l'instruction que le service a majoré les droits procédant de la remise en cause de la déduction par la société Pavage Import Export d'une part, de la taxe ayant grevé les achats de téléphones portables et les prestations facturées par la société " Le Lion ", et d'autre part, des charges correspondant aux dépenses exposées pour l'acquisition de ces biens et services, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues au c) de l'article 1729 du code général des impôts. Par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de la société, a substitué la majoration pour manquement délibéré prévue au a) du même article, aux pénalités ainsi infligées par l'administration.

28. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société Pavage Import Export ne pouvait ignorer que les factures émises par la société " Le Lion " ne correspondaient pas à la réalisation de prestations effectivement exécutées par cette entreprise au profit de la société Pavage Import Export et que les opérations d'achat et de revente de téléphones portables présentaient un caractère fictif. Eu égard à ces éléments, l'administration établit suffisamment l'intention délibérée de la société Pavage Import Export d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de l'application, aux droits rappelés en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, de la majoration pour manquement délibéré.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pavage Import Export n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.




DÉCIDE :



Article 1er : La requête de l'EURL Pavage Import Export est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Pavage Import Export et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique Ouest).

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.

Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01514



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