CAA de PARIS, 8ème chambre, 15/02/2018, 16PA03323, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


La société Adrien a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 9 juin 2015 par laquelle ce dernier a mis à sa charge une somme de 7 020 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un salarié dépourvu d'autorisation de travail, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 31 juillet 2015 et, à titre subsidiaire, de faire application du titre III de l'article R. 8253-2 du code du travail et de ramener à la somme de 3 510 euros le montant de la contribution spéciale.
Par un jugement n°1507769 du 21 septembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :


Par une requête enregistrée le 16 novembre 2016, la société Adrien, représentée par Me B...A..., demande la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 9 juin 2015 par laquelle il a mis à sa charge une somme de 7 020 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi d'un salarié dépourvu d'autorisation de travail, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 31 juillet 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, de faire application du titre III de l'article R. 8253-2 du code du travail et de ramener à la somme de 3 510 euros le montant de la contribution spéciale qu'elle doit acquitter.

Elle soutient que :

- la procédure est entachée d'un défaut du respect des droits de la défense et du contradictoire dès lors que l'OFII ne lui a pas communiqué le procès-verbal du 5 mai 2014 ;
- dès lors que c'est en toute bonne foi qu'elle a embauché M. C...qui a fait l'objet d'une déclaration unique d'embauche, de versements de salaires et s'est vu délivrer des bulletins de salaires, elle est en droit de bénéficier de l'application de l'article R. 8253-2 du code du travail.


Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2017, l'OFII, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société Adrien à lui verser la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :

- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeF...,
- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :


1. La société Adrien exploite un restaurant nommé " Le Sultan " situé à Villeparisis. Le 5 mai 2014, les services de police ont procédé au contrôle de ce restaurant et ont constaté l'emploi d'un salarié de nationalité turque dépourvu d'autorisation de travail. Par décision du 9 juin 2015, l'OFII a mis à la charge de la société Adrien la somme de 7 020 euros au titre de la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et par décision du 31 juillet 2015, l'Office a rejeté le recours gracieux formé par la société Adrien contre la décision du 9 juin 2015. Cette dernière relève appel du jugement du 21 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 9 juin 2015 et 31 juillet 2015 de l'OFII.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :


2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction applicable à la date des décisions litigieuses : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. ". Enfin, aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

4. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. Si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.

5. En premier lieu, si la société Adrien soutient pour la première fois devant le juge d'appel, qu'elle n'a jamais été destinataire du procès-verbal du 5 mai 2014, elle n'établit ni même n'allègue avoir demandé communication de ce procès-verbal, alors que ni sa lettre d'observations datée du 6 mars 2015 de réponse au courrier de l'OFII, ni son recours gracieux daté du 7 juillet 2015 contre la décision du 9 juin 2015, ne comportent une telle demande. Par suite elle n'est pas fondée à soutenir que les décisions litigieuses seraient entachées d'un défaut de respect des droits de la défense et du principe du contradictoire et ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

6. En deuxième lieu, la circonstance que la société Adrien aurait été de bonne foi en embauchant M. C...et qu'aucune infraction n'a été relevée à l'encontre des autres salariés de l'entreprise, est sans incidence sur le bien-fondé de l'application des dispositions précitées relatives à la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / (...)". Aux termes de l'article R. 8252-6 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales. ".

8. La société Adrien demande que, compte tenu du fait que M. C...a fait l'objet d'une déclaration unique d'embauche, de versements de salaires et s'est vu délivrer des bulletins de salaires, il lui soit fait application du III précité de l'article R. 8253-2 du code du travail en ramenant à la somme de 3 510 euros le montant de la contribution spéciale pour l'emploi d'un travailleur étranger, soit 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti en vigueur à la date de la constatation de l'infraction. Toutefois, s'il est constant que le procès-verbal du 5 mai 2014 ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en se bornant à produire des bulletins de salaires correspondant aux mois de janvier à juin 2014, l'appelante n'établit pas plus en appel qu'en première instance qu'elle se serait notamment acquittée de l'ensemble des indemnités dues au salarié en vertu de l'article L. 8252-2 du code du travail, ni qu'elle aurait fourni à ce dernier le certificat de travail et le solde de tout compte prévus par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 de ce code. Par suite, elle n'est pas fondée à solliciter l'application du taux prévu au III de l'article R. 8253-2 du code du travail et la réduction du montant de la contribution spéciale mise à sa charge par les décisions contestées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Adrien n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Adrien une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement des dispositions susvisées.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la société Adrien est rejetée.
Article 2 : La société Adrien versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Adrien et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.


Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,
- MmeF..., première conseillère,
- MmeD..., première conseillère.


Lu en audience publique, le 15 février 2018.

La rapporteure,
M. F...Le président,
J. LAPOUZADE Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA03323



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