CAA de DOUAI, 2ème chambre - formation à 3 (ter), 25/04/2017, 16DA00274, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Selarl d'Almeida a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1202386 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2016, la Selarl d'Almeida, représentée par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une contrariété de motifs ;
- l'administration fiscale a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'inscription en comptabilité des frais de déplacement ne répondait pas aux exigences de l'article 54 bis du code général des impôts ;
- la société pouvait prendre en charge les frais de déplacements de M. D...en tant qu'avantage en nature.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- la Selarl d'Almeida n'a pas comptabilisé, en application de l'article 54 bis du code général des impôts, de manière explicite l'avantage en nature accordé à M.D... ;
- les dispositions de l'article 111-c du code général des impôts permettent l'imposition des sommes litigieuses entre les mains du bénéficiaire comme étant des avantages occultes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble de ses déclarations fiscales pour la période du 25 juillet 2007 au 31 décembre 2009, la Selarl d'Almeida dont M. A...D..., médecin, est le gérant et l'unique associé a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à raison de la réintégration dans ses bénéfices imposables des exercices clos les 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009 de sommes qu'elle avait entendu déduire en charges, versées à son gérant et associé unique, M.D..., à hauteur de 17 036 euros en 2008 et de 21 809 euros en 2009 ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'après avoir écarté, au point 3 du jugement, le moyen tiré de la comptabilisation explicite des frais remboursés à M. D...en retenant que ceux-ci n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise et qu'ils devaient dès lors être comptabilisés en tant qu'avantage en nature, les premiers juges ont retenu, en l'absence d'une telle comptabilisation que l'obligation de l'article 54 bis du code général des impôts n'a pas été respectée ; qu'au point 4 du jugement litigieux, ils ont toutefois rejeté la demande en décharge en relevant " qu'il n'y avait pas lieu de rechercher si les sommes en cause correspondaient à des dépenses engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise " ; qu'une telle formulation, pour regrettable qu'elle soit, ne constitue pas une contradiction de motifs dès lors qu'elle est sans influence sur la solution du litige ;

Sur le bien fondé de l'imposition :
3. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. (... ) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société a inscrit en comptabilité et remboursé les frais de déplacement exposés par son gérant, M.D..., entre la clinique Ambroise Paré située à Beuvry, où la société a son siège, et les centres hospitaliers de Péronne et d'Arras ainsi que, en 2009, la clinique de Bruay-la-Buissière, dans lesquels M. D...exerce la médecine en qualité de salarié ; qu'ainsi, ces dépenses n'étaient pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise mais dans le cadre des activités salariées de M.D... ; que, par suite, le remboursement de ces frais de transport au titre des années 2008 et 2009 doit être regardé comme un avantage en nature consenti au profit de M.D... ;
5. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes " ; qu'il résulte du c de l'article 111 du code général des impôts qu'une société qui comptabilise indistinctement, dans un compte de frais généraux, des avantages en nature accordés à des membres de son personnel et qui, revêtant de ce fait un caractère occulte, sont constitutifs pour ceux-ci de revenus distribués, ne peut, elle-même, les soustraire de son bénéfice imposable ;
6. Considérant que si la société requérante soutient que l'inscription du remboursement des frais de déplacement de son gérant à un compte intitulé " 625100 Indemnités kilométriques " répond aux exigences de l'article 54 bis du code précité, cette seule inscription ne permet toutefois pas d'établir explicitement que ces frais constituent un avantage en nature concédé à M. D... en complément de sa rémunération ; qu'au demeurant, contrairement à ce que soutient la société, le compte " 62 " ne correspond pas dans le plan comptable général aux charges du personnel mais à un compte de charges " autres services extérieurs " ; qu'ainsi, l'administration fiscale a pu considérer que les sommes en litige constituaient un avantage occulte et réintégrer le montant de ces frais dans les bénéfices imposables ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Selarl d'Almeida n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :


Article 1er : La requête de la Selarl d'Almeida est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl d'Almeida et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Etienne Quencez, président de la Cour,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller..
Lu en audience publique le 25 avril 2017.


Le rapporteur,
Signé : M. E...Le président de la Cour,
Signé : E. QUENCEZ
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA00274



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