CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 24/05/2016, 15VE02307, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, intérêts de retard et majorations mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1309798 du 18 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés le 18 juillet 2015,
le 25 mars 2016 et le 14 avril 2016, MmeA..., représentée par Me Obadia, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.


Mme A...soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu, ou a répondu de façon insuffisante, au moyen tiré de ce que le contrôle inopiné, qui n'a donné lieu à aucune constatation matérielle, a été réalisé irrégulièrement au regard des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, et au moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution était viciée dans son principe ;
- les impositions contestées ont été mises à sa charge à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, le contrôle inopiné réalisé le 18 mars 2011 dans les locaux de la pharmacie a donné lieu à des investigations et à des analyses ou traitements de fichiers informatiques, et non à de simples constatations matérielles, qui n'ont d'ailleurs pas été faites sur les stocks, ce qui caractérise l'engagement d'une vérification de comptabilité sans octroi des garanties associées à cette procédure ;
- de même, la demande de traitements informatiques faite en application de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales entache la procédure d'irrégularité, dès lors que le délai de vingt-deux jours accordé pour ce faire, inférieur au délai de trente jours de droit commun prescrit par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, était insuffisant pour réaliser tous les traitements demandés, la prolongation accordée étant sans effet à cet égard ;
- de même, les traitements demandés étaient irréalisables en l'absence de communication par l'administration des outils d'extraction de données qu'elle détenait à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'éditeur du logiciel de gestion, ce qui caractérise un défaut de loyauté et une rupture de l'égalité des armes ;
- la vérification de comptabilité, faite au vu d'éléments obtenus dans ces conditions, et notamment au vu des traitements informatiques rendus, nécessairement très partiels, et sans confrontation des résultats du contrôle avec les déclarations du contribuable, a elle-même été irrégulière au regard des dispositions des articles L. 13 et R. 13-1 du livre des procédures fiscales ;
- la comptabilité a été écartée à tort, au seul vu de ce que les traitements informatiques faisaient apparaître des anomalies, qui pouvaient pourtant s'expliquer autrement que par une dissimulation de recettes ;
- la méthode de reconstitution de recettes mise en oeuvre par le vérificateur est excessivement sommaire et radicalement viciée, et elle aboutit à une exagération manifeste ; elle n'est pas pertinente, en assimilant toutes les ruptures de chronologie du logiciel de gestion à des dissimulations de factures, alors même que l'administration, dans la décision d'admission partielle de la réclamation, reconnaît que cette assimilation n'est pas justifiée en totalité, certains de ces " trous " correspondant à l'activité normale de l'entreprise ; elle procède à une extrapolation hasardeuse, sur trente-six mois, du montant moyen des factures manquantes, estimé au moyen d'un calcul contestable, et portant sur une période limitée au dernier trimestre 2007, période hivernale où les ventes des médicaments concernés par les suppressions de factures incriminées sont supérieures au reste de l'année ; le logiciel de gestion utilisé pour cette reconstitution, à l'exclusion de tout examen approfondi des stocks, est, au surplus, moins fiable qu'un logiciel de comptabilité, et les conditions d'exploitation ont été modifiées à compter du mois d'octobre 2008 ; en réalité, le chiffre d'affaires déclaré et celui résultant de la reconstitution réalisée au moyen des données issues de ce logiciel de gestion sont similaires ;
- dans ces circonstances, qui n'établissent ni l'élément matériel ni l'élément intentionnel conditionnant l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses du c) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de ces pénalités, dont l'application, au surplus, n'a pas été motivée.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bergeret,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me Obadia, pour MmeA....


1. Considérant que la SNC PharmacieA..., qui exploite une officine de pharmacie à Drancy, dont Mme A...est la gérante et détient 50 % des parts, a fait l'objet d'un contrôle inopiné le 18 mars 2011 suivi d'une vérification de comptabilité au titre de la période du
1er octobre 2007 au 31 décembre 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a écarté la comptabilité de la société, regardée comme non probante en raison de graves irrégularités, a procédé à la reconstitution des recettes, et, après avis favorable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auprès de la société et d'impôt sur le revenu auprès de Mme A...à raison de sa quote-part dans les bénéfices de la société ; que Mme A...relève régulièrement appel du jugement du 18 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt sur le revenu, intérêts de retard et majorations, mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si Mme A...soutient que le Tribunal n'aurait pas répondu, ou aurait répondu de façon insuffisante, au moyen tiré de ce que le contrôle inopiné n'a donné lieu à aucune constatation matérielle et a été réalisé irrégulièrement au regard des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, et au moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution était viciée dans son principe, il résulte des termes du jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre explicitement à tous les arguments avancés à l'appui de ces moyens, y ont suffisamment répondu au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ; que, de même, s'il est soutenu que les premiers juges n'auraient pas suffisamment motivé leur jugement du fait d'un examen insuffisant des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise informatique établi sur la demande de la contribuable, il résulte des termes mêmes du jugement que ce moyen doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de " l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées dans le cadre de la procédure de contrôle inopiné ", qui a été signé le 18 mars 2011 à 15 heures 15, à l'issue de ce contrôle inopiné, par les vérificateurs, par
Mme A...et par une salariée de celle-ci, mandatée pour représenter la gérante au début des opérations de contrôle avant l'arrivée de celle-ci en début d'après-midi, que les vérificateurs se sont bornés à demander à cette salariée de procéder à la création de dossiers en vue de la sauvegarde de certains fichiers informatiques relevant du logiciel " Alliance + " utilisé par la pharmacie, qui n'ont été ouverts que pour constater leur contenu, et que le CD ROM sur lequel ont été gravés ces fichiers a été placé sous enveloppe scellée et laissée aux mains de
MmeA..., celle-ci s'engageant à le présenter lors de la procédure ultérieure de contrôle ; qu'il n'est pas soutenu qu'au contraire de ce qu'indique cet " état contradictoire ", les vérificateurs auraient emporté des supports de sauvegarde ou des copies de fichiers ; que, dans ces circonstances, en l'absence de tout indice probant pouvant laisser penser que les vérificateurs auraient procédé à des traitements informatiques, analyses critiques ou examens au fond de documents comptables soumis au droit de contrôle en vertu de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales lors de ce contrôle, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que les opérations de contrôle inopiné, qui n'obligeaient nullement les vérificateurs à procéder à un contrôle matériel des stocks, auraient été réalisées en méconnaissance des prescriptions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales imposant un délai raisonnable, à compter de la réception de l'avis de vérification avant tout examen au fond des documents comptables ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) / II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées " ; qu'aux termes de l'article
L. 102 B du même livre : " II. - Lorsqu'ils ne sont pas déjà visés aux alinéas précédents, les informations, données ou traitements soumis au contrôle prévu au deuxième alinéa de l'article
L. 13 doivent être conservés sur support informatique jusqu'à l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 169. La documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements doit être conservée jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle à laquelle elle se rapporte " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification " ;

6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, le 29 mars 2011, le vérificateur a remis à la représentante de la société un courrier par lequel, conformément aux dispositions précitées, elle était informée de la nature des traitements informatiques souhaités, et des possibilités d'option qui lui étaient offertes par les dispositions précitées du II de l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que Mme A...soutient qu'à la suite de l'option faite pour le b) des dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales prévoyant que le contribuable réalise lui-même les traitements informatiques souhaités, le cahier des charges décrivant le détail de ces traitements, qui lui a été adressé le 15 avril suivant, lui accordait pour ce faire un délai de vingt-deux jours, inférieur à celui de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, et en toute hypothèse trop court pour faire face à l'ampleur des travaux à réaliser ; que, toutefois, il est constant que sur la demande de la contribuable, deux délais supplémentaires lui ont été accordés, courant jusqu'au 27 juin 2011 ; que, dans ces conditions, le délai ainsi accordé ne saurait être regardé comme ayant pu entacher la procédure d'une irrégularité, notamment, en tout état de cause, au regard des dispositions précitées de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales ;

7. Considérant, d'autre part, que MmeA..., se prévalant notamment d'une
" note technique " établie non contradictoirement par un expert missionné à cette fin par elle, fait valoir que dès lors qu'elle ne détenait pas les informations nécessaires sur le type de codage et sur la structure des fichiers à partir desquels les traitements informatiques demandés devaient être effectués, ces traitements étaient pour partie impossibles et que, par suite, l'administration, en formulant une telle demande sans lui communiquer ces informations, puis en procédant à une reconstitution de recettes en conséquence du fait que les traitements remis n'étaient que partiellement ceux demandés, a manqué à son devoir de loyauté et a caractérisé une rupture de l'égalité des armes entre les services fiscaux et le contribuable ; que, toutefois, si les termes de la " note technique " précitée font état de ce que la contribuable ne disposait pas en l'état des " indications complémentaires sur la structure des fichiers et le codage des données " nécessaires aux traitements demandés, alors que l'administration, pour sa part, fait valoir qu'aucun obstacle technique ne pouvait s'y opposer, il était, en tout état de cause, loisible à la contribuable, à supposer même que les dispositions précitées de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales ne lui aient pas imposé de conserver les informations techniques nécessaires au décryptage des fichiers qu'elle utilisait pour gérer sa comptabilité, de se les procurer auprès de la société Alliadis, éditeur et fournisseur du logiciel contenant ces fichiers ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction qu'elle a contacté cette société en vue de lui confier la mission, rémunérée, de réaliser pour son compte les traitements demandés ; qu'ainsi, et dès lors que l'administration n'avait, dans ces circonstances, aucune obligation de communiquer au contribuable les informations qu'elle aurait détenues, relatives au codage et à la structure des fichiers, Mme A...qui ne justifie pas de l'impossibilité de réalisation des traitements demandés et n'établit donc pas une éventuelle violation des principes ci-dessus énoncés n'est, par voie de conséquence, et, en tout état de cause, pas fondée à invoquer une violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, enfin, que Mme A...fait valoir, en se prévalant des dispositions de l'article R. 13-1 du livre des procédures fiscales, aux termes desquelles " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : / a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce ; / b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels ", que les opérations de vérification de comptabilité ont été irrégulières, eu égard à l'ensemble des circonstances précitées, et compte tenu de ce que les vérificateurs n'ont opéré aucune constatation de fait, notamment sur les stocks, et qu'ils n'auraient pas comparé les résultats de la reconstitution de recettes avec les déclarations fiscales de la SNC PharmacieA... ; que, toutefois, d'une part, il résulte de ce qui précède qu'aucune irrégularité de procédure tenant aux opérations de contrôle inopiné ou à la demande de traitements informatiques n'est établie ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que les vérificateurs ont examiné le caractère probant et sincère de la comptabilité au vu des éléments dont ils disposaient, sans qu'aucune disposition ne leur impose de contrôler les stocks de la pharmacie ; que, dans ces conditions, le moyen
ci-dessus, dans la mesure où il peut être regardé comme comportant les précisions nécessaires pour que la Cour soit mise à même d'y statuer utilement après son interprétation, ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a relevé, pour l'ensemble de la période vérifiée, que la SNC Pharmacie A...utilisait un logiciel de gestion qui disposait d'une fonctionnalité permettant, par l'utilisation d'un mot de passe qui avait été communiqué à sa gérante sur sa demande au cours de l'année 2004, de supprimer du fichier les ventes, réglées en espèce, de certains produits vendus sans ordonnance, les ventes ainsi supprimées n'apparaissant plus dans le journal de caisse ni dans les fichiers dits des en-têtes et des lignes des factures ; que les numéros correspondant à ces ventes étaient également supprimés, introduisant ainsi des ruptures dans la continuité de la chronologie des opérations de vente et des règlements liés à celles-ci ; qu'il est établi, par les traitements informatiques partiellement réalisés sur la demande de l'administration, que la société avait ainsi effacé 2 115 factures entre le
1er octobre 2007 et le 2 janvier 2008, pour un montant de 20 340 euros, et qu'elle avait procédé de même sur la période suivante, jusqu'au 31 décembre 2010, dès lors que de nombreuses ruptures de continuité y étaient constatées, pour un montant inconnu en raison de la réalisation incomplète des traitements informatiques demandés par le service, et notamment de l'intégralité des traitements afférents aux enregistrements de caisse journaliers ; que, dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces irrégularités constatées sur la période contrôlée, celles-ci étaient de nature à priver de son caractère probant l'ensemble de la comptabilité présentée ; que, par suite, et dès lors que, comme il a été dit, Mme A...n'est pas fondée, ou ne peut utilement faire valoir, qu'elle n'était pas à même, pour des raisons techniques, de réaliser l'ensemble des traitements informatiques qu'elle avait choisi d'effectuer elle-même, le service était fondé à écarter la comptabilité présentée et, en conséquence, à procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la SNC Pharmacie A...;

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles
L. 16 et L. 69 " ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 9 que la comptabilité de la SNC Pharmacie A...était entachée de graves irrégularités, constituées par le défaut d'enregistrement d'un grand nombre de ventes ; que l'imposition objet du présent litige, issue de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société effectuée en conséquence par le vérificateur, a été établie conformément à l'avis, portant notamment sur le bien-fondé du rejet de la comptabilité, émis le 28 septembre 2012 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du département de la Seine-Saint-Denis ; qu'il appartient donc à la contribuable, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases imposables ;

12. Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SNC Pharmacie A...pour l'année 2008, l'administration a déterminé des minorations de recettes de 20 340 euros correspondant aux 2 115 factures supprimées sur la période du 1er octobre 2007 au 2 janvier 2008, à partir des éléments figurant dans le " fichier trace " recensant les suppressions d'opérations de ventes au moyen de la fonctionnalité spécifique du logiciel ; que le service a ainsi déterminé un montant moyen des factures supprimées s'élevant à 9,66 euros, qu'il a appliqué au nombre de factures supprimées sur les périodes ultérieures tel qu'il ressortait des autres fichiers exploitables du logiciel, soit 11 854 factures supprimées du 3 janvier 2008 au 30 septembre 2008, 11 761 sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, et 3 111 sur la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2010 ;

13. Considérant que Mme A...soutient que les données ayant servi à cette reconstitution de recettes n'étaient pas utilisables à cette fin de façon fiable, dès lors qu'elles étaient issues non pas d'un logiciel comptable mais d'un logiciel de gestion ne contenant " aucune facture à proprement parler " ; que, cependant, les opérations de ventes saisies dans ce logiciel génèrent des informations qui sont à l'origine des écritures comptables, et constituent donc des données pertinentes pour une reconstitution de chiffre d'affaires ; que si elle soutient, de plus, que ces données ne permettent pas de distinguer entre les suppressions de factures correspondant à des dissimulations de recettes et celles issues de la vie normale de l'entreprise, telles que factures en attente, vérification de prix, bugs informatiques, correction d'erreurs système, il résulte de l'instruction, d'une part, que l'administration a tenu compte de cette possibilité pour accorder, le 17 juillet 2013, un dégrèvement partiel portant sur la période courant jusqu'au mois de septembre 2008, en réponse à la réclamation de la contribuable et au vu d'un tableau comparatif des recettes mensuelles issues de la reconstitution et de celles déclarées faisant apparaître des discordances seulement jusqu'à ce mois de septembre 2008, et, d'autre part, que la contribuable, qui s'est présentée comme n'ayant pas été à même de réaliser les traitements informatiques qui, le cas échéant, auraient pu apporter un éclairage sur ce point, n'apporte aucun élément probant pour établir que la méthode employée pour fonder les impositions restant ainsi en litige aurait été excessivement sommaire ou radicalement viciée du fait de l'utilisation des données précitées issues du logiciel Alliance + ;

14. Considérant, ensuite, que Mme A...n'établit pas davantage l'emploi d'une méthode excessivement sommaire, radicalement viciée, ou ayant pu entraîner une exagération des bases imposables, en faisant valoir que le montant du " ticket moyen " de 9,66 euros, déterminé sur la période du 1er octobre 2007 au 2 janvier 2008, aurait été appliqué à tort sur la totalité des factures manquantes des périodes suivantes, identifiées à partir des ruptures de continuité constatées sur les données issues du logiciel Alliance + ; que si elle soutient à cet égard que la suppression d'un certain nombre de ces factures pour la période postérieure au 1er septembre 2008 a été justifiée, dans les mêmes proportions que sur la période antérieure, par des évènements ne relevant pas d'une volonté de dissimulation de recettes, elle n'établit, alors que la charge de la preuve de l'exagération des bases imposables pèse sur elle, ni la quantité, ni même l'existence de telles suppressions non frauduleuses sur ces périodes suivantes, en se bornant à reprendre les explications d'ordre général fournies par le fournisseur du logiciel et à relever que, sur la période de référence, l'administration, au vu du fichier retraçant sur cette seule période la suppression frauduleuse de 2115 factures, a admis que d'autres suppressions de factures avaient pu résulter de la vie normale de l'entreprise ; qu'enfin, elle n'établit pas davantage une telle exagération des bases imposables en s'appuyant sur une comparaison entre ses déclarations fiscales et des données issues du logiciel Alliance +, dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, ces données sont privées de toute pertinence du fait de l'utilisation habituelle, établie sur l'ensemble de la période litigieuse, de la fonctionnalité frauduleuse ayant permis la suppression, sur demande, de l'enregistrement de ventes sans ordonnance réglées en liquide ;

15. Considérant, enfin, que Mme A...soutient qu'en reconstituant le chiffre d'affaires dissimulé, sur la période du 3 janvier 2008 au 31 décembre 2010, par extrapolation de celui afférent à la période du 1er octobre 2007 au 2 janvier 2008, le service a utilisé une méthode excessivement sommaire dès lors qu'au cours d'une telle période de référence, les ventes des produits concernés, portant sur des médicaments sans ordonnance et réglés en espèce, seraient significativement supérieures à celles constatées sur le reste de l'année ; qu'elle ne produit cependant aucun élément probant pour justifier d'un tel écart significatif ; qu'ainsi, et dès lors que la période de référence de trois mois n'est pas d'une durée insuffisante et que, par ailleurs, le ministre justifie devant la Cour par des éléments précis et non contestés que le vérificateur aurait été en droit de prendre également en compte, sur la période de reconstitution, l'augmentation du prix moyen des médicaments vendus, MmeA..., qui ne propose aucune méthode d'évaluation de son chiffre d'affaires plus précise que celle retenue par l'administration, n'établit pas que la méthode de reconstitution mise en oeuvre était excessivement sommaire ou radicalement viciée, ni qu'elle aurait abouti à une exagération des bases des impositions supplémentaires restant en litige ;

Sur les pénalités :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article
792 bis " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

17. Considérant, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification que, contrairement à ce que soutient MmeA..., l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses est motivée par des éléments portant sur la matérialité des faits et l'intention frauduleuse de la contribuable ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que, sur l'ensemble de la période concernée, la SNC Pharmacie A...a utilisé régulièrement le menu " outil administration " du logiciel
" Alliance + " aux fins de faire disparaître des recettes d'exploitation, après avoir sollicité du fournisseur l'obtention du mot de passe nécessaire pour accéder à la fonction permettant ces manipulations, peu après l'acquisition de ce logiciel en 2004 ; que sa volonté d'éluder l'impôt, par la mise en oeuvre de ce procédé permettant de donner à la comptabilité l'apparence de la sincérité malgré un nombre très important de manipulations, établit l'existence de procédés destinés à égarer l'administration ou rendre plus difficile le contrôle, et donc de manoeuvres frauduleuses au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'administration a admis qu'une partie des factures supprimées sur la période courant jusqu'au mois de septembre 2008 pouvaient ne pas relever d'une volonté frauduleuse ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que cette pénalité a été légalement appliquée ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

20. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que Mme A...sollicite au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
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N°15VE02307



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