CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 01/03/2016, 14LY02241, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 01/03/2016, 14LY02241, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON - 2ème chambre - formation à 3
- Non publié au bulletin
Audience publique du mardi 01 mars 2016
- Président
- M. BOURRACHOT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Linea a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts au titre des années 2000, 2001 et 2002.
Par un jugement n° 1000434 du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2014, la SARL Linea, représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 24 avril 2014 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'amende contestée qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts au titre des années 2000, 2001 et 2002 ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal s'est mépris sur le sens et la portée de ses conclusions ; la question posée au juge était de savoir si, dans les circonstances de l'espèce, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination avait été méconnu par la demande de l'administration fiscale du 24 avril 2003, assortie d'une menace de sanction, au terme de laquelle il lui était demandé d'indiquer le montant, les modalités et les dates de versement des sommes allouées à chacun des bénéficiaires de revenus distribués pour des montants respectivement pour les années 2000, 2001, 2002 de 21 221 euros, 54 019 euros et 64 392 euros, soit au total 139 722 euros alors qu'il a été reconnu par la suite que le montant réel des revenus distribués n'étaient que de 83 921 euros et que l'article 117 invoqué à l'appui de cette demande n'autorisait l'administration qu'à demander l'identité des bénéficiaires, et non pas les modalités et les dates de versement des sommes considérées comme distribuées ; cette question de droit n'a été jugée ni par le tribunal administratif de Grenoble, ni par la cour administrative d'appel de Lyon ; elle est fondée à faire valoir que la pénalité en litige a été, dans les circonstances de l'espèce, mise à sa charge en méconnaissance du droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; il y a lieu pour la cour d'examiner si, par la demande qui lui a été faite de préciser de manière explicite les modalités et dates de versement d'une somme de 139 722 euros, l'administration a bien tenté de la contraindre à fournir elle-même la preuve d'infractions qu'elle aurait commises ;
- un contribuable peut invoquer devant un tribunal la méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester la procédure d'établissement d'une pénalité fiscale dès lors que la mise en oeuvre de cette procédure est susceptible, le cas échéant, d'emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt ;
- la réclamation du 16 juillet 2009 doit être jugée recevable dès lors que d'une part, en l'absence de mention sur l'avis d'imposition des délais de réclamation ceux-ci ne lui sont pas opposables, d'autre part, l'administration fiscale n'est pas fondée à opposer au recours l'autorité de la chose jugée puisque la question posée est nouvelle ;
- elle ne discute pas la conformité des dispositions de l'article 117 du code général des impôts avec le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, mais du respect concret de ce droit dans les circonstances précises de l'espèce ;
- la pénalité doit être motivée non seulement par référence à l'article 1763 A du code général des impôts et l'indication de son fait générateur, mais aussi par l'indication de sa base de calcul ; or la base de calcul de la pénalité en litige n'a été fixée qu'après la date à laquelle la lettre de motivation de celle-ci lui a été notifiée ; il appartenait donc à l'administration fiscale de renouveler la motivation de la pénalité, en précisant les bases, après que les montants réellement distribués aient été définitivement arrêtés, soit au plus tôt le 11 septembre 2003 ; en l'espèce, la pénalité contestée a été mise à sa charge sans qu'aucun document de motivation n'en précise la base de calcul et donc le montant définitif ; la pénalité est donc insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- la requête est irrecevable au regard de l'autorité de la chose jugée liée à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon rendu le 31 mai 2011 (09LY2001) à l'encontre de la SARL Linea devenu définitif en l'absence de pourvoi en cassation ;
- les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, selon lesquelles la personne morale auteur des distributions de revenus présumées qui s'abstient de désigner le bénéficiaire de ces distributions est passible de la pénalité prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, ont pour objet d'inciter la personne morale à désigner le bénéficiaire de distributions afin d'échapper à l'application de la pénalité et n'ont ni pour effet ni pour conséquences de contribuer à l'incrimination de la personne morale ;
- les dispositions de l'article 117 du code général des impôts ne méconnaissent pas le principe reconnu par l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de ne pas contribuer à sa propre incrimination y compris dans le cas où le montant des distributions à raison desquelles la personne morale est initialement interrogée est appelé à différer au cours des différents stades de la procédure d'imposition pour tenir compte des observations du contribuable, ce montant étant soumis à débat de manière contradictoire ;
- lorsqu'une société a été mise en demeure de désigner l'identité de bénéficiaires des distributions occultes, elle est tenue de fournir non seulement des indications précises sur le nom des bénéficiaires, mais également, toutes justifications de nature à permettre à l'administration de comprendre, le cas échéant, les sommes distribuées dans les bases d'impositions personnelles des intéressées ; il résulte des dispositions de l'article 117 du code général des impôts que les indications fournies par une société en réponse à la demande de l'administration doivent présenter un degré de précision et de vraisemblance suffisant pour lui permettre de comprendre les sommes distribuées dans les bases d'imposition du contribuable désigné comme bénéficiaire de l'excédent de distribution ; au cas particulier, la société Linea n'a pas répondu à la demande de désignation adressée par l'administration ; la requérante ne peut soutenir que la demande adressée par l'administration sur le fondement de l'article précité aux termes de laquelle elle a été interrogée sur les modalités et les dates de versement des sommes réputées distribuées, outre l'identité de leurs bénéficiaires, aurait contrevenu aux dispositions légales ;
- la motivation de l'amende prévu par l'article 1763 A du code général des impôts est suffisante ; si le montant de l'assiette des pénalités litigieuses a été modifié après leur motivation au sein de la réponse aux observations du contribuable afin de tenir compte de diverses observations et pièces justificatives produites ultérieurement par la société, leur base légale, leur qualification et les motifs de fait ayant présidé à leur établissement n'ont fait l'objet d'aucun changement ; l'administration n'était par conséquent nullement tenue de renouveler leur motivation.
Une ordonnance de clôture d'instruction au 17 décembre 2015 a été adressée aux parties le 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Linea, qui a pour activité la vente et le service après-vente dans le domaine de l'informatique et de la bureautique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 2000, 2001 et 2002 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, notifiés selon la procédure d'imposition d'office prévue au 2° de l'article L. 66 et à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales au motif que la société n'avait pas déposé ses déclarations de résultats dans les 30 jours d'une mise en demeure ; que l'administration lui a, par ailleurs, infligé au titre de chacun de ces trois exercices, la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts repris désormais à l'article 1759 au motif que la société n'avait pas répondu à sa demande, présentée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, tendant à la désignation des bénéficiaires des distributions ; que la SARL Linea a contesté l'ensemble de ces impositions par réclamation du 3 août 2004 qui a fait l'objet d'une décision de rejet de l'administration fiscale le 3 février 2005 ; que par un jugement du 18 juin 2009, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions ; que, par un arrêt du 31 mai 2011, la cour administrative d'appel de Lyon a notamment considéré que les dispositions de l'article 1763 A du code général des impôts ne contrevenaient pas aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales visant à garantir le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; que, par une seconde réclamation du 16 juillet 2009, la SARL Linea a de nouveau contesté le bien-fondé de l'application de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts en faisant valoir à nouveau que les dispositions de l'article 117 du code n'étaient pas conformes à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette réclamation a été rejetée par l'administration fiscale par décision du 18 janvier 2010 ; que, par un jugement du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts ; que la SARL Linea relève appel de ce jugement ;
2. Considérant que l'autorité de la chose jugée par une décision rendue dans un litige de plein contentieux fiscal est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause, les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales selon lesquelles : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction (...) " étant sans incidence sur cette condition ;
3. Considérant que, par un arrêt rendu le 31 mai 2011 et devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a statué sur la requête de la SARL Linea tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à cet impôt et d'impôt forfaitaire annuel auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, ainsi que de la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, par des moyens relatifs à la procédure d'imposition, d'une part, et au bien-fondé des cotisations et des pénalités dont elles avaient été assorties, d'autre part ; que, par la présente requête, la cour est saisie d'un litige résultant d'une demande introduite par la même société, concernant la même amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, et appuyée de moyens qui, bien que nouveaux, se rattachent à la même cause juridique, relative aux pénalités, que ceux soulevés dans l'instance précédente ; que, dès lors, l'autorité qui s'attache à la chose jugée par l'arrêt du 31 mai 2011, par suite de la triple identité de parties, d'objet et de cause entre le litige sur lequel la cour a statué, et celui qui lui est soumis, fait obstacle à ce que les prétentions de la SARL Linea, même appuyées sur des moyens nouveaux, puissent être accueillies ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Linea n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que la présente instance n'ayant entraîné pour la SARL Linea aucune charge susceptible d'être incluse dans les dépens, ses conclusions tendant au remboursement des dépens ne peuvent qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SARL Linea une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Linea est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SARL Linea et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2016.
2
N° 14LY02241
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Linea a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts au titre des années 2000, 2001 et 2002.
Par un jugement n° 1000434 du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2014, la SARL Linea, représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 24 avril 2014 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'amende contestée qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts au titre des années 2000, 2001 et 2002 ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal s'est mépris sur le sens et la portée de ses conclusions ; la question posée au juge était de savoir si, dans les circonstances de l'espèce, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination avait été méconnu par la demande de l'administration fiscale du 24 avril 2003, assortie d'une menace de sanction, au terme de laquelle il lui était demandé d'indiquer le montant, les modalités et les dates de versement des sommes allouées à chacun des bénéficiaires de revenus distribués pour des montants respectivement pour les années 2000, 2001, 2002 de 21 221 euros, 54 019 euros et 64 392 euros, soit au total 139 722 euros alors qu'il a été reconnu par la suite que le montant réel des revenus distribués n'étaient que de 83 921 euros et que l'article 117 invoqué à l'appui de cette demande n'autorisait l'administration qu'à demander l'identité des bénéficiaires, et non pas les modalités et les dates de versement des sommes considérées comme distribuées ; cette question de droit n'a été jugée ni par le tribunal administratif de Grenoble, ni par la cour administrative d'appel de Lyon ; elle est fondée à faire valoir que la pénalité en litige a été, dans les circonstances de l'espèce, mise à sa charge en méconnaissance du droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; il y a lieu pour la cour d'examiner si, par la demande qui lui a été faite de préciser de manière explicite les modalités et dates de versement d'une somme de 139 722 euros, l'administration a bien tenté de la contraindre à fournir elle-même la preuve d'infractions qu'elle aurait commises ;
- un contribuable peut invoquer devant un tribunal la méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester la procédure d'établissement d'une pénalité fiscale dès lors que la mise en oeuvre de cette procédure est susceptible, le cas échéant, d'emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt ;
- la réclamation du 16 juillet 2009 doit être jugée recevable dès lors que d'une part, en l'absence de mention sur l'avis d'imposition des délais de réclamation ceux-ci ne lui sont pas opposables, d'autre part, l'administration fiscale n'est pas fondée à opposer au recours l'autorité de la chose jugée puisque la question posée est nouvelle ;
- elle ne discute pas la conformité des dispositions de l'article 117 du code général des impôts avec le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, mais du respect concret de ce droit dans les circonstances précises de l'espèce ;
- la pénalité doit être motivée non seulement par référence à l'article 1763 A du code général des impôts et l'indication de son fait générateur, mais aussi par l'indication de sa base de calcul ; or la base de calcul de la pénalité en litige n'a été fixée qu'après la date à laquelle la lettre de motivation de celle-ci lui a été notifiée ; il appartenait donc à l'administration fiscale de renouveler la motivation de la pénalité, en précisant les bases, après que les montants réellement distribués aient été définitivement arrêtés, soit au plus tôt le 11 septembre 2003 ; en l'espèce, la pénalité contestée a été mise à sa charge sans qu'aucun document de motivation n'en précise la base de calcul et donc le montant définitif ; la pénalité est donc insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- la requête est irrecevable au regard de l'autorité de la chose jugée liée à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon rendu le 31 mai 2011 (09LY2001) à l'encontre de la SARL Linea devenu définitif en l'absence de pourvoi en cassation ;
- les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, selon lesquelles la personne morale auteur des distributions de revenus présumées qui s'abstient de désigner le bénéficiaire de ces distributions est passible de la pénalité prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, ont pour objet d'inciter la personne morale à désigner le bénéficiaire de distributions afin d'échapper à l'application de la pénalité et n'ont ni pour effet ni pour conséquences de contribuer à l'incrimination de la personne morale ;
- les dispositions de l'article 117 du code général des impôts ne méconnaissent pas le principe reconnu par l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de ne pas contribuer à sa propre incrimination y compris dans le cas où le montant des distributions à raison desquelles la personne morale est initialement interrogée est appelé à différer au cours des différents stades de la procédure d'imposition pour tenir compte des observations du contribuable, ce montant étant soumis à débat de manière contradictoire ;
- lorsqu'une société a été mise en demeure de désigner l'identité de bénéficiaires des distributions occultes, elle est tenue de fournir non seulement des indications précises sur le nom des bénéficiaires, mais également, toutes justifications de nature à permettre à l'administration de comprendre, le cas échéant, les sommes distribuées dans les bases d'impositions personnelles des intéressées ; il résulte des dispositions de l'article 117 du code général des impôts que les indications fournies par une société en réponse à la demande de l'administration doivent présenter un degré de précision et de vraisemblance suffisant pour lui permettre de comprendre les sommes distribuées dans les bases d'imposition du contribuable désigné comme bénéficiaire de l'excédent de distribution ; au cas particulier, la société Linea n'a pas répondu à la demande de désignation adressée par l'administration ; la requérante ne peut soutenir que la demande adressée par l'administration sur le fondement de l'article précité aux termes de laquelle elle a été interrogée sur les modalités et les dates de versement des sommes réputées distribuées, outre l'identité de leurs bénéficiaires, aurait contrevenu aux dispositions légales ;
- la motivation de l'amende prévu par l'article 1763 A du code général des impôts est suffisante ; si le montant de l'assiette des pénalités litigieuses a été modifié après leur motivation au sein de la réponse aux observations du contribuable afin de tenir compte de diverses observations et pièces justificatives produites ultérieurement par la société, leur base légale, leur qualification et les motifs de fait ayant présidé à leur établissement n'ont fait l'objet d'aucun changement ; l'administration n'était par conséquent nullement tenue de renouveler leur motivation.
Une ordonnance de clôture d'instruction au 17 décembre 2015 a été adressée aux parties le 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Linea, qui a pour activité la vente et le service après-vente dans le domaine de l'informatique et de la bureautique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 2000, 2001 et 2002 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, notifiés selon la procédure d'imposition d'office prévue au 2° de l'article L. 66 et à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales au motif que la société n'avait pas déposé ses déclarations de résultats dans les 30 jours d'une mise en demeure ; que l'administration lui a, par ailleurs, infligé au titre de chacun de ces trois exercices, la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts repris désormais à l'article 1759 au motif que la société n'avait pas répondu à sa demande, présentée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, tendant à la désignation des bénéficiaires des distributions ; que la SARL Linea a contesté l'ensemble de ces impositions par réclamation du 3 août 2004 qui a fait l'objet d'une décision de rejet de l'administration fiscale le 3 février 2005 ; que par un jugement du 18 juin 2009, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions ; que, par un arrêt du 31 mai 2011, la cour administrative d'appel de Lyon a notamment considéré que les dispositions de l'article 1763 A du code général des impôts ne contrevenaient pas aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales visant à garantir le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; que, par une seconde réclamation du 16 juillet 2009, la SARL Linea a de nouveau contesté le bien-fondé de l'application de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts en faisant valoir à nouveau que les dispositions de l'article 117 du code n'étaient pas conformes à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette réclamation a été rejetée par l'administration fiscale par décision du 18 janvier 2010 ; que, par un jugement du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts ; que la SARL Linea relève appel de ce jugement ;
2. Considérant que l'autorité de la chose jugée par une décision rendue dans un litige de plein contentieux fiscal est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause, les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales selon lesquelles : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction (...) " étant sans incidence sur cette condition ;
3. Considérant que, par un arrêt rendu le 31 mai 2011 et devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a statué sur la requête de la SARL Linea tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à cet impôt et d'impôt forfaitaire annuel auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, ainsi que de la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, par des moyens relatifs à la procédure d'imposition, d'une part, et au bien-fondé des cotisations et des pénalités dont elles avaient été assorties, d'autre part ; que, par la présente requête, la cour est saisie d'un litige résultant d'une demande introduite par la même société, concernant la même amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, et appuyée de moyens qui, bien que nouveaux, se rattachent à la même cause juridique, relative aux pénalités, que ceux soulevés dans l'instance précédente ; que, dès lors, l'autorité qui s'attache à la chose jugée par l'arrêt du 31 mai 2011, par suite de la triple identité de parties, d'objet et de cause entre le litige sur lequel la cour a statué, et celui qui lui est soumis, fait obstacle à ce que les prétentions de la SARL Linea, même appuyées sur des moyens nouveaux, puissent être accueillies ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Linea n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que la présente instance n'ayant entraîné pour la SARL Linea aucune charge susceptible d'être incluse dans les dépens, ses conclusions tendant au remboursement des dépens ne peuvent qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SARL Linea une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Linea est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SARL Linea et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2016.
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N° 14LY02241