Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre , 07/11/2013, 12PA03744, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2012, présentée pour la société Investment Financial Participation Limited (IFP Ltd), dont le siège est 132 avenue Paul Vaillant-Couturier à Dammarie-les-Lys (77190), par la société d'avocats Dubault-Biri et associés ; la société IFP Ltd demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902750/7 du 26 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période couvrant les années 2001 à 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention entre la France et le Royaume-Uni en matière d'impôts sur les revenus en date du 22 mai 1968 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Appèche, président,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;



1. Considérant que l'administration a engagé une vérification de comptabilité à l'encontre de la société IFP Ltd, société de droit anglais ayant son siège social à Londres et dont M. et MmeA..., domiciliés à Dammarie-Les-Lys, sont les deux associés ; que les opérations de vérification de comptabilité ont porté sur la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006 ; qu'à la suite de ces opérations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt au titre des exercices clos de 2001 à 2005, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant les années 2001 à 2006 ont été assignés à cette société ; que l'administration, estimant que cette société avait fait opposition au contrôle, a en outre appliqué la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts ; que la société IFP Ltd a contesté devant le Tribunal administratif de Melun ces impositions et pénalités ; que, par un jugement n° 0902750/7 du 26 juin 2012, le tribunal, après avoir constaté qu'il n'y avait pour lui plus lieu de statuer à hauteur des dégrèvements accordés devant lui par l'administration, a rejeté le surplus de la demande de la société IFP Ltd ; que cette dernière relève régulièrement appel de ce jugement, en tant que le Tribunal administratif de Melun a refusé de la décharger des impositions supplémentaires et pénalités y afférentes maintenues à sa charge ;

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention en matière d'impôts sur les revenus entre la France et le Royaume-Uni en date du 22 mai 1968, modifiée : " 1. 1. Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. 2. L'expression "établissement stable" comprend notamment : a. Un siège de direction ; b. Une succursale ; c. Un bureau ; g. Un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois. (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de cette même convention : " 1. 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ";

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société IFP Ltd, ayant comme associés M. et MmeA..., a été créée le 30 octobre 2000 avec un siège social situé à Londres ; qu'il n'est pas contesté qu'elle a été radiée le 28 février 2005 ; que cette société est titulaire de trois comptes bancaires ouverts par M.A..., qui en a seul la signature, dans les livres de la Banque BPI à Melun ; que ces comptes n'ont pas été clôturés à la date de la radiation de la société au Royaume-Uni et ont, après cette date, continué à enregistrer des mouvements ; qu'en particulier, le compte ouvert sous le numéro terminant par 111D a enregistré des mouvements importants, les encaissements s'étant élevés, déduction faite de remises de chèques et de virements concernant à titre personnel M. et MmeA..., aux sommes de 76 479 euros pour 2001, 56 859 euros pour 2002, 66 890 euros pour 2003, 155 820 euros pour 2004 et 175 585 euros pour 2005 ; que ces encaissements correspondent notamment à des règlements de sous-traitance, les versements émanant notamment de la société BB Constructions, ainsi que de la société BBC Limited, dont M. et Mme A...sont associés ; qu'il résulte également de l'instruction que M. et Mme A...ont, pour 2003 et 2004, déduit de leurs revenus fonciers des travaux facturés par la société requérante ; qu'enfin, la société IFP Ltd a produit devant le tribunal administratif les comptes de résultat établis pour les exercices clos de 2001 à 2005, documents faisant mention d'une adresse à Dammarie-les-Lys, 132 avenue Paul Vaillant-Couturier ; qu'il résulte de ces éléments que, d'une part, la société IFP Ltd exerce en France, par l'intermédiaire d'un établissement stable constitué notamment d'un siège de direction situé au domicile de M. A..., une activité de travaux immobiliers divers et de rénovation intérieure et est passible, à ce titre, de l'impôt sur les sociétés ; que, d'autre part, la société requérante, dont l'activité n'entre pas dans le champ du paragraphe g. de l'article 4 précité de la convention entre la France et le Royaume-Uni, relatif aux chantiers de construction, et qui n'établit pas qu'elle aurait, au titre des années d'imposition en cause, exercé effectivement une activité en Grande-Bretagne et y aurait déposé des déclarations ou acquitté des impositions, n'est pas fondée à soutenir que les stipulations des articles 4 et 6 précités de la convention susmentionnée feraient obstacle à son imposition en France ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine :

4. Considérant qu'il résulte des motifs qui précèdent que la société IFP Ltd exerce en France, où elle dispose d'un siège de direction, une activité de travaux immobiliers divers et de rénovation intérieure ; qu'elle n'est, dès lors, fondée à se prévaloir ni des termes de l'instruction 14-B-1-70 relatifs à l'activité de chantiers de construction dans le champ de laquelle elle n'entre pas, ni des termes de cette même instruction concernant l'existence d'un représentant indépendant ; qu'elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir des termes du paragraphe 2 de la documentation administrative 4 H-1422 du 1er mars 1995, qui ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, le 31 janvier 2007, adressé à la société IFP Ltd un avis de vérification de comptabilité portant sur l'ensemble des opérations et déclarations pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 et sur les déclarations et opérations au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2006 ; que, dans cet avis, le service mentionnait qu'y étaient joints la charte du contribuable vérifié millésime mai 2006, ainsi que l'erratum y afférent et fixait au 26 février 2007 le début des opérations de vérification ; que l'exemplaire de l'avis de réception collé sur l'enveloppe contenant ce pli atteste que celui-ci a été présenté à l'adresse du destinataire le 1er février 2007 ; qu'une mention manuscrite portée sur ladite enveloppe montre que la société requérante a été avisée le 1er février 2007 de la mise en instance du pli, lequel a été retourné au service le 17 février suivant ; que, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, la présence dans ce courrier de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut dès lors être tenue pour établie ; qu'il suit de là que la notification de l'avis de vérification doit être regardée comme régulièrement intervenue le 1er février 2007 et que le moyen tiré du non respect des prescriptions des articles L. 10 et L. 47 susrappelés du livre des procédures fiscales doit être écarté comme manquant en fait ;
7. Considérant que, dès lors, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle n'a pas été avisée de la mise en instance d'une autre lettre recommandée avec accusé de réception présentée le 28 février 2007 et également non réclamée, par laquelle l'administration lui rappelait les termes de l'avis en date du 31 janvier 2007 et fixait au 12 mars suivant le début des opérations ;

8. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que, par une lettre du 20 mars 2007, reçue le 22 mars suivant, l'administration rappelait à la société IFP Ltd les termes des deux envois précédents et fixait au 3 avril à 14 heures le début des opérations et que la société, qui a sollicité le 29 mars 2007, par l'intermédiaire de son conseil, le déplacement à 11 heures de ce rendez-vous, s'est vu remettre la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié en mains propres le 3 avril 2007 ; que la société IFP Ltd qui, ainsi qu'il a été dit au point 6, doit être regardée comme ayant reçu ce document le 1er février 2007, et non comme elle le prétend le 3 avril 2007, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour en prendre connaissance avant le début des opérations de contrôle ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la société requérante, qui n'a jamais été inscrite au registre du commerce et des sociétés, n'a pas plus fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions du titre IV du code de commerce que d'une radiation du registre du commerce et des sociétés ; que, si elle se prévaut de sa radiation, qui serait intervenue le 8 février 2005 au Royaume-Uni, il résulte de l'instruction qu'après cette radiation, elle a exercé en France et de manière occulte son activité ; que, dans ces conditions, elle n'est fondée à soutenir ni que l'administration ne pouvait régulièrement, sans demander au préalable la désignation par décision de justice d'un administrateur ad hoc, engager à son encontre une opération de contrôle, ni qu'elle ne pouvait adresser les actes de cette procédure à M. A...en sa qualité de dirigeant de fait de cette société et à l'adresse du domicile de ce dernier, dès lors que ce domicile constituait le lieu d'exercice de l'activité et de direction de fait de l'établissement ;

10. Considérant, en troisième lieu, que, si la société requérante soutient, comme elle le faisait en première instance, qu'étant une société de droit britannique ayant son siège à Londres, seule une direction à compétence nationale et visant les contribuables domiciliés à l'étranger était compétente pour procéder à son contrôle, ce moyen sera écarté pour les motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif dans son jugement ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, si le vérificateur a, dans le cadre de la procédure de vérification, fixé un premier rendez-vous au 3 avril 2007, date à laquelle il n'a pu procéder à aucune investigation, sa dernière intervention effective a été effectuée le 6 juin 2007, et non le 26 juillet 2007 ; que, par suite, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la vérification sur place de sa comptabilité se serait étendue sur une durée supérieure à la durée maximum qui lui était applicable en vertu de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, soit trois mois ;

12. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes. " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ; 4° Si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers " ; qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. " ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si, après s'être abstenue, à deux reprises, de retirer les plis recommandés l'informant des opérations de vérification de comptabilité que lui avait adressés l'administration, la société IFP Ltd s'est présentée au premier rendez-vous, finalement fixé au 3 avril 2007, à l'issue duquel l'administration a communiqué au conseil de la société la copie des relevés du compte bancaire dont le numéro se termine par 111. 1D ouvert à son nom dans les livres de la BPI à Melun, elle n'a présenté aucune comptabilité au cours des deux entretiens qui se sont tenus les 9 mai et 6 juin 2007 ; qu'ainsi qu'il a été dit, le rendez-vous prévu le 14 juin 2007 a été reporté à sa demande successivement aux 21 juin,
27 juin et 2 juillet 2007, puis au 26 juillet 2007, date à laquelle la société ne s'est pas davantage présentée et n'a produit aucune pièce comptable ; que, dans ces conditions, et alors au surplus que, dès le 20 juin 2007, l'administration informait la société IFP Ltd des conséquences possibles de sa carence, c'est à bon droit que l'administration, qui n'était pas tenue d'indiquer préalablement à cette dernière les motifs fondant son assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France, a estimé que ces agissements étaient constitutifs d'une opposition à contrôle fiscal et en a dressé procès-verbal ; que la société IFP Ltd encourait, dès lors, pour ce motif, l'évaluation d'office ;
14. Considérant, en outre, qu'il résulte de l'instruction que la société IFP Ltd, qui, ainsi qu'il a été dit, a exercé en France, où elle dispose d'un établissement stable, une activité de travaux immobiliers divers et de rénovation intérieure, n'a pas déposé de déclaration de résultats et n'établit pas qu'elle se serait fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ; qu'ainsi, l'administration était fondée à établir également les impositions dues au titre de l'impôt sur les sociétés par voie de taxation d'office, sans mise en demeure préalable ; qu'il résulte également de l'instruction que la société IFP Ltd n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par voie de conséquence, l'administration était fondée à établir les impositions correspondantes par voie de taxation d'office ;
15. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) La prescription des sanctions fiscales autres que celles prévues au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par l'information notifiée au contribuable qu'elles pourront être éventuellement appliquées. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 67 " ; que l'article L. 67 du livre des procédures fiscales vise notamment le cas où le contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ;
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit, l'administration a, à bon droit, établi un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal ; que, par suite, l'administration n'était, en application des dispositions combinées des articles L. 76 et
L. 67 du livre des procédures fiscales, pas tenue de porter à la connaissance de la société IFP Ltd les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination ; que, par suite, si l'administration a néanmoins procédé à l'établissement et à l'envoi d'une proposition de rectification, les moyens tirés de l'irrégularité d'une telle proposition et des conditions de sa notification sont inopérants ;
17. Considérant, en septième lieu, que la société requérante qui, comme il a été dit ci-dessus, s'est opposée au contrôle fiscal, s'est de ce fait elle-même privée des garanties prévues par la procédure de contrôle et n'est donc pas fondée, sur le fondement du droit interne, à soutenir que l'administration n'aurait pas respecté les droits de la défense ; qu'alors qu'elle s'était opposée au contrôle fiscal, la société requérante, qui a été destinataire d'une proposition de rectification, a pu introduire auprès de l'administration une réclamation pour contester les suppléments d'imposition assortis de pénalités qui lui ont été assignés et a ensuite pu saisir le tribunal administratif et la Cour de céans, n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit garanti par les stipulations de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne peuvent, au surplus, être utilement invoquées qu'en ce qui concerne les pénalités appliquées aux impositions litigieuses;

18. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification contradictoire, il fait référence soit à la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 et, le cas échéant, aux différentes pièces de procédure adressées par le service informant le contribuable d'une modification des rehaussements, soit au document adressé au contribuable qui comporte l'information prévue au premier alinéa de l'article L. 48 (...) " ; que les deux avis de mise en recouvrement en date du 14 décembre 2007 et concernant respectivement les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, ainsi que les pénalités y afférentes, indiquent pour chaque impôt et taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard ; que la circonstance que ces avis ne mentionnent pas tous les articles du code général des impôts qui figuraient dans la proposition de rectification du 23 août 2007, à laquelle ils font au demeurant référence, est sans incidence sur leur régularité et ne saurait faire regarder lesdits avis comme insuffisamment motivés au regard des exigences posées par les dispositions rappelées ci-dessus ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales :
" Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'en l'espèce, les impositions litigieuses ont été établies selon les procédures d'évaluation et de taxation d'office ; que la société supporte donc la charge d'établir leur caractère exagéré ;

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
20. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en l'absence de production de toute comptabilité, l'administration a, pour déterminer le résultat imposable de la société requérante, d'une part, reconstitué le chiffre d'affaires réalisé pour chacun des exercices en cause à partir des encaissements figurant au compte bancaire ouvert au nom de la société IFP Ltd sous le numéro se terminant par 111.1 D dans les livres de la BPI, en retirant du montant des crédits les sommes dont la société requérante avait indiqué qu'elles correspondaient à des opérations personnelles des époux A...et, d'autre part, évalué un montant de charges déterminé par application au chiffre d'affaires ainsi obtenu d'un taux de 52 % correspondant à l'abattement forfaitaire applicable aux contribuables imposés en matière de bénéfice industriel et commercial selon le régime dit de la "micro entreprise" ;
21. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société IFP Ltd, ses résultats étaient bénéficiaires après rectification ; que, par ailleurs, la société requérante, qui supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses, se borne à produire des documents qui constituent une comptabilité reconstituée a posteriori et ne sont pas assortis de justificatifs ; que, si ces documents font apparaître pour les années 2001, 2002 et 2004 des chiffres d'affaires différents de ceux retenus par l'administration, la société requérante ne produit aucun justificatif de nature à démontrer que les écarts positifs constatés entre les montants retenus par l'administration et ceux qu'elle-même revendique pour les années 2002 et 2004 ne constituaient pas un chiffre d'affaires réel et donc imposable ; qu'elle ne verse par ailleurs au dossier aucune pièce de nature à établir que le montant de charges déductibles retenu par l'administration, qui s'établit à 52 % du chiffre d'affaires reconstitué, serait manifestement insuffisant et procéderait d'une absence de réalisme économique ;

22. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 219 du code général des impôts : " (...) b. Par exception au deuxième alinéa du présent I et au premier alinéa du a, pour les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, le taux de l'impôt applicable au bénéfice imposable est fixé, dans la limite de 250 000 F de bénéfice imposable par période de douze mois, à 25 % pour les exercices ouverts en 2001 et à 15 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2002. Toutefois, pour les exercices ouverts en 2001, les résultats relevant du régime des plus values à long terme sont imposés au taux prévu au a et ne sont pas pris en compte pour l'appréciation de la limite de 250 000 F " ;

23. Considérant que la société IFP Ltd n'établit pas que l'administration, qui a bien procédé à une application, à la partie du bénéfice imposable inférieure aux seuils fixés par les dispositions susénoncées, du taux réduit correspondant, aurait fait, au titre du calcul des cotisations d'impôt sur les sociétés dont elle est redevable, une inexacte application des dispositions précitées de l'article 219 du code général des impôts ;

24. Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut utilement, pour contester les impositions mises à sa charge, soutenir que l'administration aurait à tort constaté l'existence de distributions au profit de M.A... ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à contester les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre des exercices clos en 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 ;

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

26. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) " ; qu'aux termes de l'article 289 du même code : " (...)II. - Un décret en Conseil d'État fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation. " ; qu'aux termes de l'article 242 nonies de cette même annexe, dans sa rédaction applicable : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; 2° Le numéro individuel d'identification attribué à l'assujetti en application de l'article 286 ter du code général des impôts et sous lequel il a effectué la livraison de biens ou la prestation de services ; 3° Les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du vendeur et de l'acquéreur pour les livraisons désignées au I de l'article 262 ter du code général des impôts ; 4° Le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du prestataire ainsi que celui fourni par le preneur pour les prestations mentionnées aux 3°, 4° bis, 5° et 6° de l'article 259 A du code général des impôts ; (...) " ;

27. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la société requérante, qui se borne à produire des documents constituant une comptabilité reconstituée a posteriori, ne verse en appel, pas plus qu'elle ne le faisait devant le tribunal administratif, aucun justificatif et notamment aucune facture de nature à démontrer qu'elle se serait effectivement acquittée auprès de ses fournisseurs de montants de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix d'opérations imposables ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle était en droit d'en obtenir la déduction ;

28. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget. ( ...) " ;

29. Considérant qu'à défaut de produire des pièces justificatives décrivant les prestations exécutées par elle, la société IFP Ltd ne démontre pas que ces prestations portaient sur des immeubles de plus de deux ans et remplissaient les conditions posées par l'article 279-0 bis précité du code général des impôts pour être passibles du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû faire application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

30. Considérant qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période couvrant les années 2001 à 2006 ;

Sur les pénalités :

31. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ;

32. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration a à bon droit considéré que la société requérante était en situation d'opposition à contrôle fiscal ; qu'en relevant cette circonstance et en se référant aux dispositions susénoncées de l'article 1732, l'administration a suffisamment motivé la majoration de 100 % qu'elles prévoient et qu'elle était en droit d'appliquer en l'espèce ;

33. Considérant, d'autre part, que, dans la première page de la proposition de rectification en date du 23 août 2007, l'administration indique que la société IFP Ltd dispose d'un délai de trente jours pour faire connaître ses observations sur les modifications des bases ou montants d'impositions envisagées et précise expressément que la société dispose du même délai de trente jours pour faire connaître ses observations sur les pénalités envisagées, à savoir, comme précisé notamment page 10 de ladite proposition, la pénalité de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté comme non fondé ;

34. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. - Toute somme, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'intérêt de retard, dont l'objet est de réparer le préjudice subi par le Trésor du fait du retard dans le paiement de l'impôt, est indépendant de la bonne foi du contribuable et n'est pas constitutif d'une sanction ;

35. Considérant que la société IFP Ltd n'est pas suite pas fondée à soutenir que l'application de l'intérêt de retard était soumise à l'obligation de motivation posée pour les sanctions par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
36. Considérant, enfin, qu'en assortissant les impositions des intérêts de retard et des pénalités prévues par les dispositions susénoncées pour assurer, dans l'intérêt général, le paiement des impôts, l'administration n'a pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni davantage, en tout état de cause, celles de l'article 14 de cette convention, sans portée dans le cadre des rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement de l'impôt ;

37. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société IFP Ltd n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions et pénalités litigieuses doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société IFP Ltd est rejetée.
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7
N° 08PA04258
2
N° 12PA03744



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