Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 10/04/2013, 349389, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 18 mai, 18 août et 14 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération CGT des cheminots, dont le siège est 263, rue de Paris, case 546 à Montreuil (93515 Cedex), représentée par son secrétaire général ; la fédération requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-291 du 18 mars 2011 relatif au régime spécial du personnel de la Société nationale des chemins de fer français ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

Vu le décret n° 2007-730 du 7 mai 2007 ;

Vu le décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la Fédération CGT des cheminots,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la Fédération CGT des cheminots ;





1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale : " Parmi celles jouissant déjà d'un régime spécial le 6 octobre 1945, demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale les branches d'activités ou entreprises énumérées par un décret en Conseil d'Etat " ; qu'en application du 6° de l'article R. 711-1 du même code, le régime de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français est au nombre de ces régimes soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale ; que le décret du 18 mars 2011 relatif au régime spécial du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, dont la Fédération CGT des cheminots demande l'annulation pour excès de pouvoir, est intervenu pour modifier ce régime conformément aux principes retenus par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 10 du décret du 7 mai 2007 relatif à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français : " Le conseil d'administration de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français est saisi, pour avis, par le ministre chargé du budget ou le ministre chargé de la sécurité sociale des projets de décrets relatifs à l'organisation et aux prestations du régime spécial du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, pour les risques définis au III de l'article 1er. Ces avis sont motivés (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de sa saisine par le ministre chargé de la sécurité sociale, le président du conseil d'administration de la caisse de prévoyance et de retraite a transmis à ses membres le projet de décret le 13 décembre 2010 ; que ce projet a donné lieu à une première réunion de présentation le 15 décembre 2010 puis a été examiné lors de la réunion du 7 janvier 2011 au cours de laquelle le conseil d'administration a adopté son avis ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que les membres du conseil d'administration n'auraient pas disposé d'un délai suffisant pour prendre utilement connaissance du projet de décret avant de se prononcer ;

3. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article L. 711-12 du code de la sécurité sociale, les modalités d'application du chapitre 1er du titre Ier du livre VII sont déterminées par des dispositions réglementaires qui, " sauf disposition législative contraire ", sont prises par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 711-1 du même code : " Des décrets établissent pour chaque branche d'activité ou entreprises mentionnées à l'alinéa précédent une organisation de sécurité sociale dotée de l'ensemble des attributions définies à l'article L. 111-1 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le décret attaqué, pris sur le fondement du second alinéa de l'article L. 711-1, n'avait pas à être soumis pour avis au Conseil d'Etat ; que la circonstance que le décret du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, ayant précédemment modifié le décret du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français également modifié par le décret attaqué, avait été soumis pour avis, à titre facultatif, au Conseil d'Etat n'obligeait pas l'autorité compétente à saisir à nouveau le Conseil d'Etat avant de prendre le décret attaqué ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que l'exécution du décret litigieux, relatif à la réforme du régime spécial de retraite géré par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, organisme de sécurité sociale doté de la personnalité morale, ne comporte nécessairement l'intervention d'aucune mesure individuelle ou réglementaire que le ministre chargé des transports aurait compétence pour signer ou contresigner ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce ministre aurait dû contresigner le décret attaqué doit être écarté ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

5. Considérant, d'une part, que la fédération requérante fait grief au décret attaqué de faire dépendre, par son article 14, l'âge d'ouverture du droit à pension de la date de naissance des agents concernés, en le relevant de quatre mois par année de naissance pour certaines tranches d'âge, alors même que des agents d'âge différent peuvent avoir cotisé un nombre égal de trimestres ; que, toutefois, la différence de traitement qui résulte de la succession de régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité ; que le critère de la date de naissance est en rapport direct avec l'objet de la mesure, destinée à réduire le déséquilibre financier d'un régime ; que, par suite, les dispositions critiquées, qui relèvent l'âge d'ouverture du droit à pension en assurant une entrée en vigueur progressive de la réforme, ne méconnaissent pas le principe d'égalité ;

6. Considérant, d'autre part, que le principe d'égalité n'oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité faute de prendre en considération la pénibilité des tâches accomplies ; qu'au demeurant, le régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer prend en compte la pénibilité des tâches accomplies en permettant aux agents concernés de partir à la retraite, sans décote, avant l'âge de référence fixé pour l'ouverture du droit à pension ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Fédération CGT des cheminots n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fédération CGT des cheminots est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération CGT des cheminots, au Premier ministre, au ministre de l'économie et des finances et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

ECLI:FR:CESSR:2013:349389.20130410
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