Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 16/10/2009, 323321, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la décision en date du 16 octobre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 306955 de M. et Mme A par lequel ceux-ci ont demandé l'annulation de l'arrêt en date du 17 avril 2007 de la cour administrative d'appel de Paris, a annulé cet arrêt en tant qu'il avait joint la requête de Mme A tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 18 février 2005 rejetant sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1989 et le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 février 2005 en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. et Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1989, 1990 et 1991, et réglant l'affaire au fond, a statué sur les conclusions d'appel de Mme A après que les productions du pourvoi relatives à l'impôt sur le revenu auront été enregistrées sous un numéro distinct ;

Vu le pourvoi, enregistré le 16 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, en tant qu'il est présenté pour M. et Mme A, par lequel ils demandent l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt du 17 avril 2007 de la cour administrative d'appel de Paris qui, faisant droit au recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé l'article 2 du jugement en date du 18 février 2005 les déchargeant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis à raison du bénéfice non commercial de Mme A au titre de l'année 1989 et des pénalités correspondantes et les a rétablis au rôle de cette imposition à raison des droits et pénalités dont la décharge avait été prononcée ;



Vu les autres pièces du dossier n° 306955 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,

- les observations de Me Bouthors, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Bouthors, avocat de M. et Mme A ;



Considérant que, par décision en date de ce jour, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 306955 par lequel M. et Mme A se sont pourvus en cassation contre l'arrêt en date du 17 avril 2007 de la cour administrative d'appel de Paris, a annulé cet arrêt en tant qu'il avait joint la requête de Mme A dirigée contre lui et tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 18 février 2005 rejetant sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1989 et le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 février 2005 déchargeant M. et Mme A de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1989 à raison du bénéfice non commercial de Mme A ainsi que des pénalités correspondantes et, réglant l'affaire au fond, a statué sur les conclusions d'appel de Mme A après que les productions du pourvoi en tant qu'elles avaient trait à l'impôt sur le revenu auront été enregistrées sous un numéro distinct ;

Considérant que ces productions ayant été enregistrées sous le n° 323321, il y a lieu de statuer, sous ce numéro, sur les conclusions du pourvoi de M. et Mme A en tant qu'elles sont dirigées contre l'arrêt de la cour en tant qu'il statue sur le litige relatif à l'impôt sur le revenu ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumis aux juges du fond que Mme A a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité libérale de relations publiques au titre des années 1987, 1988 et 1989 ; que l'administration a également procédé à un contrôle sur pièces des revenus professionnels de Mme A au titre de l'année 1989 ; qu'à l'issue de ce dernier contrôle, elle a réintégré dans le bénéfice non commercial de la contribuable des honoraires non déclarés qui lui avaient été versés par la Compagnie de courtages immobiliers pour un montant de 3 795 200 F et lui a notifié, le 17 décembre 1998, le redressement correspondant ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition,... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, à la suite d'une notification de redressement en date du 17 décembre 1992 portant sur ses bénéfices non commerciaux de l'année 1989, a présenté des observations le 15 janvier 1993 ; que ces dernières ont porté, d'une part, sur la méconnaissance par l'administration des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, d'autre part, sur la prise en compte des honoraires perçus toutes taxes comprises, enfin, sur l'application des dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ; que l'administration a fait droit, le 12 janvier 1995, aux observations de la contribuable sur les deux derniers points et a indiqué qu'elle n'avait pas procédé à une seconde vérification de comptabilité ; que par un courrier en date du 9 février 1995, Mme A a demandé à l'administration de bien vouloir transmettre le dossier au secrétariat de la commission départementale des impôts, sans préciser les éléments sur lesquels persistait le désaccord ; que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que le seul différend restant en litige, tel qu'il ressortait des observations de Mme A du 15 janvier 1993, portait sur la question de savoir si l'administration pouvait, au regard des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, redresser ses bénéfices non commerciaux dans le cadre du contrôle sur pièces de son activité professionnelle au titre de l'année 1989 alors que, pour la même année, elle avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales en jugeant que l'administration n'était pas tenue de saisir la commission départementale au motif que ce désaccord ne relevait pas de sa compétence ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou taxe est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période ;

Considérant, d'une part, que c'est sans dénaturer les termes du litige que la cour a relevé qu'il ressortait du rapport sur la vérification de comptabilité de Mme A que les dispositions prévues en matière de droit de communication n'avaient pas été mises en oeuvre avant l'envoi de la notification de redressement et que les éléments sur lesquelles l'administration s'était fondée pour asseoir l'imposition procédaient du recoupement avec la déclaration d'honoraires effectuée par la Compagnie de courtages immobiliers en vertu de l'article 240 du code général des impôts ;

Considérant, d'autre part, que c'est sans erreur de droit que la cour a jugé qu'aucune disposition du livre des procédures fiscales n'interdit à l'administration de procéder à un contrôle sur pièces en vue de réparer une omission, sans nécessairement en aviser le contribuable, avant l'expiration du délai de prescription, alors même que ce contrôle ferait suite à une vérification de comptabilité portant sur la même période ;

Considérant, en troisième lieu, qu'après avoir relevé que les requérants n'avaient demandé la communication des documents qui avaient servi de base à l'établissement de ses redressements que postérieurement à la mise en recouvrement des impositions, la cour n'a pas, en tout état de cause, commis d'erreur de droit en jugeant que M. et Mme A n'étaient pas fondés à soutenir qu'ils avaient été privés d'une garantie à laquelle ils pouvaient prétendre ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article 240 du code général des impôts, les personnes physiques ou morales qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession, versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes, dans les mêmes conditions que celles qu'elles paient à leurs salariés lorsqu'elles dépassent, par an, un certain montant pour un même bénéficiaire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre du contrôle sur pièces, l'administration, au vu d'un bulletin de recoupement qui a été établi par la Compagnie de courtages immobiliers en application des dispositions précitées de l'article 240, identifiant clairement Mme A en qualité de bénéficiaire d'honoraires d'un montant de 3 795 200 F, a réintégré ce montant dans ses bénéfices non commerciaux, au motif que cette créance était inscrite au bilan de la société comme faisant partie des dettes diverses et que les requérants n'ont pas contesté la réalité du versement de cette somme et son encaissement, mais ont soutenu que Mme A n'en avait pas été la bénéficiaire, en alléguant qu'elle ne pouvait encaisser de tels honoraires dans l'exercice de ses activités, sans le justifier, et en faisant valoir que la somme avait été versée sur le compte de M. A et que la déclaration annuelles des salaires obtenue dans le cadre d'une demande de documents administratifs ne mentionnait pas le nom de Mme A ; qu'après avoir relevé ces faits par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que l'administration justifiait du bien-fondé de la réintégration alors que les requérants se bornaient à des allégations dépourvues d'éléments probants ;

Considérant, en cinquième lieu, que, pour retenir l'absence de bonne foi des requérants, de nature à justifier l'application de la majoration prévue en pareil cas par l'article 1729 du code général des impôts, la cour s'est fondée sur l'importance des omissions de déclaration d'honoraires qui s'élevaient à 3 934 000 F par rapport à un montant déclaré de 802 843 F ; qu'en statuant ainsi, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine et n'a pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en ne vérifiant pas si le cumul des pénalités relatives à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur le revenu ne les portait pas à un niveau excessif doit être, en tout état de cause, rejeté dès lors qu'il résulte des énonciations de la décision n° 306955 que les pénalités correspondant au rappel de taxe sur la valeur ajoutée ont fait l'objet d'un dégrèvement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. et Mme A doit être rejeté en ce qui concerne l'impôt sur le revenu ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean-Paul A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


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