Cour Administrative d'Appel de Paris, 2ème chambre , 19/11/2008, 06PA03753, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2006 au greffe de la cour, présentée pour la Société CAP GEMINI SERVICES dont le siège social est sis 11 rue de Tilsitt 75017 Paris, par Me Teboul ; la Société CAP GEMINI SERVICES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9906760 en date du 12 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des rappels de retenue à la source et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994, ainsi que sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à sa charge pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 Euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du Code de Justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2008 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société CAP GEMINI SERVICES fait appel du jugement en date du 12 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des rappels de retenue à la source et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994, ainsi que sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à sa charge pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant en premier lieu que les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article 109-1 1° du code général des impôts et non sur celles de l'article 111 c dudit code pour estimer qu'une distribution avait été consentie par la société requérante et pour constater le bien-fondé de la retenue à la source en litige ; que par suite le moyen tiré de ce que le service n'avait pas apporté la preuve de l'existence d'une distribution occulte devenait inopérant ; que le tribunal n'était pas tenu d'y répondre ;

Considérant en second lieu que les premiers juges ont constaté que la notification de redressement en date du 27 décembre 1996 comportait la nature et les bases du redressement relatif à la retenue à la source ainsi que les années d'imposition et que les motifs du redressement étaient suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration, ce qu'il a d'ailleurs fait, et de présenter utilement ses observations ; qu'ils ont, dans les circonstances de l'espèce, régulièrement répondu au moyen tiré de la motivation insuffisante de ladite notification de redressements ;

Considérant en troisième lieu que compte tenu de la présentation confuse du moyen, qui mêlait notamment des considérations de fond relatives au bien-fondé de la position adoptée par le service dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 19 septembre 1997 et des considérations relatives à la régularité formelle de cette réponse, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce document en se bornant à constater qu'il était suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant en quatrième lieu que contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges pouvaient, sans contradiction de motifs, d'une part prendre en compte les motifs des redressements notifiés en matière d'impôt sur les sociétés pour estimer que la motivation des redressements relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée figurant dans le même document était suffisante au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et d'autre part écarter comme inopérant le moyen tiré de l'insuffisante motivation des redressements notifiés en matière d'impôt sur les sociétés en l'absence de litige sur ce point devant le juge de l'impôt ;

Considérant enfin qu'en constatant que « l'administration était en droit pour les éléments de calcul et le montant des droits, de renvoyer aux notifications de redressement qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, comportaient les bases d'imposition » les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article
R 256-1-2° du livre des procédures fiscales ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant en premier lieu que le vérificateur a motivé l'existence de distributions à l'origine de la retenue à la source en litige au titre de l'année 1993 en exposant la nature des frais n'incombant pas à la société requérante et que cette dernière aurait néanmoins pris en charge ; qu'il a précisé que cette prise en charge constituait une distribution au sens des dispositions des articles 109 1 1° ou 111 c du code général des impôts ; que cette motivation permettait à la société requérante de présenter ses observations sur le redressement notifié alors même que le vérificateur n'aurait pas précisé en quoi ladite prise en charge était représentative d'un désinvestissement ou procédait d'une intention libérale, désinvestissement ou intention libérale qui résultaient d'ailleurs clairement des faits exposés ; qu'il suit de là que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la notification de redressements en date du 27 décembre 1996 en matière de retenue à la source ne peut qu'être écarté ;

Considérant en deuxième lieu que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les notifications des redressements en date du 27 décembre 1996 et 8 juillet 1997 en matière de taxe sur la valeur ajoutée écartent le droit à déduction de la taxe afférente aux biens non nécessaires à l'exploitation en faisant clairement référence aux charges, identifiées au sein des mêmes documents, non déductibles des résultats taxables à l'impôt sur les sociétés ; qu'en outre, contrairement à ce qui est également soutenu, les notifications litigieuses explicitent suffisamment les motifs de la non déductibilité des charges en cause ; que cette motivation permettait à la société requérante de présenter ses observations sur les redressements notifiés en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'enfin le redressement en litige consistait à remettre en cause la taxe déduite par la société et afférente aux dépenses en cause et non à appliquer un taux de taxe sur la valeur ajoutée à un redressement de base taxable ; qu'il suit de là, et alors même que le taux de taxe sur la valeur ajoutée ne serait pas mentionné, le moyen tiré d'une insuffisante motivation des notifications de redressements en date du 27 décembre 1996 et 8 juillet 1997 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ne peut qu'être écarté ;

Considérant en troisième lieu qu'en réponse à la notification de redressement qui lui a été adressée le 27 décembre 1996 en matière de retenue à la source la société requérante a fait valoir qu'elle était l'employeur des salariés dont les frais d'expatriation avaient été pris en charge et que ces frais avaient trouvé une contrepartie dans l'internationalisation de ces cadres ; qu'en faisant valoir que la contrepartie dont se prévalait l'intéressée était liée à l'internationalisation du groupe et que les frais litigieux auraient alors du être refacturés, le vérificateur a, sans dénaturer l'argumentation de la société requérante, apporté aux observations du contribuable une réponse conforme aux dispositions de l 'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable du 19 septembre 1997 en matière de retenue à la source ne peut dès lors qu'être écarté ;

Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L.256 comporte : 1°) Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2°) Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement (...) » ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 8 avril 1998 comporte, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, la mention du taux applicable, et le montant des droits et pénalités qui constituent la créance ; qu'en application du dernier alinéa de l'article R 256-1 2° précité du livre des procédures fiscales, l'administration était en droit, pour les éléments de calcul et le montant des droits, de renvoyer aux notifications de redressement ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, l'avis de mise en recouvrement renvoie explicitement aux notifications de redressement qui, contrairement à ce qui est également soutenu, identifiaient les dépenses rejetées et la taxe déduite à tort correspondante ; que le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement ne permet pas d'avoir connaissance des intérêts de retard manque en fait ;

Considérant d'autre part que l'avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 8 avril 1998 indique que les droits recouvrés étaient afférents à une retenue à la source et précise le montant de ces droits ; que la société requérante était dès lors correctement informée de la nature des droits en cause et était, ainsi, à même d'identifier l'impôt mis en recouvrement alors même que, si les redressements en matière de retenue à la source avaient été motivés sur le fondement des dispositions de l'article 119 bis 2 du code Général des impôts, ledit avis faisait mention des articles 182 A et B du même code ; qu'en effet un seul rehaussement en matière de retenue à la source ayant été préalablement notifié à l'intéressée, l'erreur commise n'avait pas un caractère substantiel susceptible de conduire cette dernière à se méprendre sur la nature des droits mis en recouvrement ;qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R 256 1 1° du Livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la retenue à la source :

Considérant qu'aux termes de l'article 57 du CGI : Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France ; que ces dispositions, sous réserve que l'administration ait établi l'existence d'un lien de dépendance entre l'entreprise située en France et l'entreprise située hors de France ainsi que l'existence de faits ou d'écritures comptables révélant un transfert de bénéfices de l'une à l'autre, instituent une présomption à l'encontre du contribuable qui, par suite, supporte la charge de prouver, quel que soit le déroulement de la procédure d'imposition, que ces faits ou ces écritures sont justifiés par une gestion normale de ses intérêts propres ; que, dans le cas où l'existence d'un transfert de bénéfice est établie, le montant correspondant doit, en application des dispositions combinées du 1° du 1 de l'article 109 et de l'article 110 du code général des impôts, être regardé comme un revenu distribué ; que, dès lors que son bénéficiaire a son siège hors de France, cette distribution est soumise à la retenue à la source prévue par le 2° de l'article 119 bis du même code ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a pris en charge, au titre de l'exercice 1993, des frais préparatoires à l'expatriation aux Etats-Unis de certains de ses cadres dirigeants ; que les frais en litige ont été exposés dans la perspective de l'emploi des cadres concernés par la filiale américaine du groupe Gémini et doivent donc être regardés comme engagés pour le compte de celle-ci ; que, dans ces circonstances, l'administration établit que la prise en charge desdits frais par la société CAP GEMINI SERVICE, frais qui présentent le caractère d'une charge exposée au seul profit de la société américaine, a constitué un moyen de transférer des bénéfices à l'étranger au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts ; qu'en se bornant à présenter des considérations sur son activité internationale, la société CAP GEMINI SERVICE n'établit pas que cette prise en charge de frais était justifiée par son intérêt propre ; que notamment la circonstance que les cadres concernés connaissaient ainsi une progression de carrière et une amélioration de leur compétence internationale ne saurait être retenue dès lors que lesdits cadres étaient amenés à quitter la société requérante pour être employés par la filiale américaine du groupe ;

Considérant en deuxième lieu que la société requérante ne produit aucun élément de nature à établir que la société mère du groupe aurait eu intérêt à supporter les frais litigieux, notamment en raison de ce qu'elle percevait de ses filiales étrangères des redevances d'un montant au moins égal au surcoût impliqué par l'expatriation des cadres ; que dans ces conditions, elle ne saurait utilement soutenir que la prise en charge desdits frais correspondrait à un avantage ayant bénéficié à la société mère française et non à des sociétés soeurs étrangères, et ne pouvaient donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis, 2 du code général des impôts faute d'avoir bénéficié à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ;

Considérant enfin que la prise en charge par la société requérante de frais préparatoires à l'expatriation de cadres bénéficiant à une société soeur américaine peut être regardée comme donnant lieu à des produits distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que, dans ces conditions, le moyen, qui manque d'ailleurs en fait, tiré de ce que le service n'aurait pas établi la réalité d'une intention libérale et d'une distribution occulte, est en tout état de cause inopérant, l'administration ne devant apporter une telle preuve que lorsqu'elle se fonde sur l'existence d'avantages occultes au sens de l'article 111c du code général des impôts ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ; qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au même code : 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation. (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société CAP GEMINI SERVICE a comptabilisé en charges des honoraires de suivi des comptes consolidés du groupe Gemini, des frais de garantie de passif et des honoraires d'avocats afférents à la cession par la société mère du groupe Gemini de la société Copernic à une société américaine ; qu'en se bornant à soutenir de manière générale qu'elle avait pour mission de réaliser des prestations comptables et juridiques au profit des sociétés du Groupe, sans fournir le moindre élément permettant d'établir que les dépenses en cause ont été utilisées pour l'exercice de son activité, dans le cadre des contrats signés à cette effet avec les sociétés du Groupe ou dans le cadre de missions qui lui auraient été confiées par sa société mère et qui étaient de nature à donner lieu à la perception de recettes, la société requérante ne met pas la cour en mesure de constater que les frais en cause doivent être regardés comme nécessaires à son exploitation ; que la taxe sur la valeur ajoutée correspondante n'était par suite pas déductible ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CAP GEMINI SERVICE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées ;



D E C I D E :


Article 1er : La requête de la société CAP GEMINI SERVICE est rejetée.
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N° 06PA03753



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