Cour Administrative d'Appel de Nantes, 1ère Chambre, 26/06/2007, 06NT01013, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2006, présentée pour la SARL BAR DU SILLON, dont le siège est 53 rue du Sillon de Talbert à Pleubian (22610), par Me Drévès, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; la SARL BAR DU SILLON demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 03-527 du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations à l'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1997, 1998 et 1999, mises en recouvrement le 31 décembre 2000 et, d'autre part, à la décharge de la pénalité fiscale qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts ; 2°) de prononcer les décharges demandées ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative ; ……………………………………………………………………………………………………... Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2007 : - le rapport de M. Ragil, rapporteur ; - et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ; Considérant que la SARL BAR DU SILLON, qui exploite un débit de boissons à Pleubian (Côtes d'Armor) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 en matière d'impôts sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que le vérificateur a écarté la comptabilité qui lui était présentée et a procédé à la reconstitution des recettes du débit de boissons ; que les redressements afférents aux résultats ont été notifiés à la requérante selon la procédure d'évaluation d'office, en ce qui concerne les exercices 1997 et 1998 et selon la procédure contradictoire en ce qui concerne le résultat de l'exercice 1999 ; qu'en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, l'insuffisance des recettes constatée par le service n'a abouti qu'à une réduction des déficits déclarés ; que toutefois, l'administration ayant regardé cette insuffisance comme des revenus distribués au sens des dispositions de l'article 109-1-2°) du code général des impôts a invité la SARL à lui communiquer, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts l'identité et l'adresse des bénéficiaires des distributions constatées ; qu'en l'absence de réponse de la société, la pénalité prévue à l'ancien article 1763 A du code général des impôts a été infligée à la requérante ; qu'en outre, l'administration a mis en recouvrement, par voie de rôle, l'imposition forfaitaire annuelle afférente aux années 1997, 1998 et 1999, après avoir constaté son absence de paiement spontané par la requérante ; Sur la pénalité fiscale de l'article 1763 A : Considérant qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : “Les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240 du code général des impôts, elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité égale à 100 p. 100 des sommes versées ou distribuées (…)” ; En ce qui concerne l'étendue du litige : Considérant que, par une décision en date du 30 janvier 2007, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a accordé à concurrence de la somme de 7 763 euros, le dégrèvement de la pénalité mise à la charge de la requérante au titre de l'article 1763 A du code général des impôts ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à la décharge de cette pénalité sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 117 du code général des impôts : Considérant qu'il résulte de l'instruction que le redressement portant sur les revenus distribués par la SARL BAR DU SILLON a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception, à Pleubian, au siège social de la société, adresse à laquelle la société avait souscrit ses déclarations ; que l'enveloppe contenant cette décision a été retournée aux services fiscaux, le même jour, avec la mention manuscrite “présenté le 27 septembre 2000, avisé L'Armor” ; que cette date figure également à la rubrique “présenté le” de l'avis de réception de l'envoi recommandé retourné à l'administration ; que ces indications établissent en elles-mêmes que la société requérante a été avisée, par le dépôt d'un avis de passage, de la mise en instance du pli au bureau de La Poste de L'Armor Pleubian ; que si la requérante soutient que son activité à Pleubian ne revêtait qu'un caractère saisonnier, elle n'établit pas, en tout état de cause, avoir pris ses dispositions pour faire suivre son courrier, ni davantage avoir communiqué une autre adresse à l'administration ; qu'il suit de là que la notification de redressement, laquelle invitait, en application de l'article 117 du code général des impôts, la SARL BAR DU SILLON à indiquer, dans un délai de trente jours, les bénéficiaires de l'excédent de distribution constaté, doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée le 27 septembre 2000 ; En ce qui concerne la régularité de la rectification des résultats de la société : Considérant que, en premier lieu, comme il vient d'être dit, les redressements affectant les résultats déclarés par la SARL BAR DU SILLON ont été régulièrement notifiés le 27 septembre 2000 ; Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : “Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable (…) au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (…)” ; qu'il résulte des pièces du dossier que l'administration a porté à la connaissance de la SARL BAR DU SILLON, régulièrement taxée d'office en ce qui concerne les exercices 1997 et 1998, les bases taxables qu'elle retenait pour ces deux années et a précisé les modalités de leur détermination ; que le service a ainsi satisfait aux prescriptions de l'article L. 76 précité du livre des procédures fiscales ; Considérant enfin, et en ce qui concerne l'exercice clos en 1999, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…)” ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : “La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification” ; que la notification de redressement indique clairement les impositions concernées, la méthode de reconstitution mise en oeuvre par le vérificateur après que celui-ci ait regardé la comptabilité présentée comme non probante et les conséquences de la vérification ; qu'ainsi cette notification de redressement était suffisamment motivée pour permettre à la requérante d'engager un débat contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations, alors même que n'y était pas annexé un procès-verbal d'audition en date du 25 juin 2000 relatif à la contenance des boissons et à la composition des cocktails ; En ce qui concerne la prescription de l'impôt sur les sociétés : Considérant que la notification de redressement datée du 25 septembre 2000 ayant été régulièrement notifiée à la requérante le 27 septembre 2000, le moyen tiré de ce que ladite notification ne pouvait interrompre le délai de prescription de l'impôt sur les sociétés doit être, en tout état de cause, écarté ; En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires servant de base de calcul de la pénalité : Considérant que le vérificateur a constaté l'absence de tenue de la comptabilité pour les exercices 1998 et 1999, et, pour l'ensemble de la période vérifiée, le défaut de journal de caisse et d'inventaire de stock ainsi que la disparition de nombreuses bandes de caisse enregistreuse ; qu'il a estimé que ces irrégularités ôtaient tout caractère probant à la comptabilité présentée, ce que ne conteste pas la requérante, puis procédé à la reconstitution des recettes de l'entreprise ; Considérant que, pour déterminer le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 1997, le vérificateur, en se fondant sur des informations données par la gérante, résumées dans un procès-verbal où étaient consignés le détail des boissons servies, les prix pratiqués et les contenances, a reconstitué les recettes des ventes de boissons par application aux achats revendus d'un coefficient de marge pondéré en fonction de l'importance de chaque produit et a appliqué la même méthode et le même coefficient aux deux années suivantes ; Considérant que la SARL BAR DU SILLON soutient que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires des exercices est excessivement sommaire et radicalement viciée en ce que l'administration aurait, d'une part, en ce qui concerne l'exercice clos en 1997, commis des erreurs concernant l'évaluation des contenances, prix, répartitions et coefficients et, d'autre part, procédé par extrapolation en ce qui concerne les deux exercices suivants ; Considérant qu'il est constant que le vérificateur a pratiqué une déduction de 10 % pour tenir compte des offerts et des pertes sur l'ensemble des consommations servies ; que la SARL BAR DU SILLON ne démontre pas que le taux de marge brute ainsi déterminé serait excessif en se prévalant de ce qu'une synthèse régionale a mis en évidence une marge brute moyenne d'environ 69 %, sensiblement égale à celle retenue par le vérificateur, après défalcation des pertes et des offerts ; que la SARL BAR DU SILLON, en se bornant à contester sommairement les quantités et les dosages de bière et d'apéritifs anisés servis, n'établit pas que les pertes excédaient ce niveau de 10 % admis par le service ; que si la requérante fait valoir que le prix de la tasse de café a été surévalué, elle n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations ; que la requérante n'établit pas davantage, en se prévalant, sans l'établir, d'une prétendue augmentation, à hauteur de 15 %, du prix de la bière dans les bars de la région, que les montants retenus par le vérificateur, qui n'ont certes pas été différenciés exercice par exercice, seraient ceux de l'année 2000 et auraient, par suite, été inexactement évalués ; qu'elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de nature à corroborer l'allégation selon laquelle l'activité “snack”, pour laquelle la marge est inférieure, aurait représenté 15 % de ses achats en 1999 ; Considérant que la SARL BAR DU SILLON qui n'établit pas que les conditions de son exploitation auraient été modifiées pendant la période vérifiée, ne saurait soutenir que l'administration ne pouvait appliquer la même méthode de reconstitution ci-dessus analysée pour l'ensemble de la période vérifiée ; Considérant qu'il suit de là, que la requérante ne saurait être regardée comme démontrant le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue, laquelle a tenu compte des données propres à l'entreprise vérifiée et ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du fait de la procédure d'imposition pour les années 1997 et 1998 et de l'acceptation tacite de redressements pour l'année 1999 de l'exagération des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et, partant, du montant de la pénalité qui lui a été infligée en vertu des dispositions de l'article 1763 A du code général des impôts ; Sur l'imposition forfaitaire annuelle : Considérant que, sous réserve des exceptions qu'il prévoit, l'article 223 septies du code général des impôts assujettit à l'imposition forfaitaire annuelle l'ensemble des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés ; que le défaut de paiement de l'imposition forfaitaire annuelle ne présente pas le caractère d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt ; que, dès lors, la mise en recouvrement de l'imposition à la suite d'un défaut de paiement n'est pas subordonnée à la notification préalable d'un redressement dans les conditions et formes prévues par cet article ; qu'il suit de là que les moyens ci-dessus analysés, tirés de l'irrégularité de la procédure de redressement suivie à l'égard de la requérante, sont, en tout état de cause, inopérants en tant qu'ils concernent l'imposition forfaitaire annuelle ; que le montant de cette imposition est, en vertu de l'article 223 septies, fixé à 5 000 F pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 000 000 F ; que dès lors que pour les trois exercices en litige le montant du chiffre d'affaires reconstitué par le vérificateur est inférieur à 1 000 000 F les moyens dirigés contre la méthode de reconstitution sont également inopérants ; Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL BAR DU SILLON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, pour l'essentiel, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL BAR DU SILLON la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : A concurrence de la somme de 7 763 euros (sept mille sept cent soixante-trois euros), il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des pénalités infligées sur le fondement des dispositions de l'article 1763 A du code général des impôts. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BAR DU SILLON et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. N° 06NT01013 2 1


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