Cour Administrative d'Appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 06/11/2007, 05MA00463, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 février 2005, sous le n° 05MA00463, présentée pour M. François X, demeurant ... route de Montoulieu à ... (34190), par Me Gazzo du cabinet FIDAL, avocat ; M. X demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement en date du 16 décembre 2004 du Tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ; 2°) de rendre contradictoire l'expertise réalisée par l'expert immobilier M. Rémi Y, devant la Cour d'appel de Montpellier et à défaut de nommer, avant dire droit, un expert immobilier aux fins de déterminer l'état des lieux avant travaux, la nature exacte des travaux réalisés et l'affectation de ces dépenses ; 3°) après avoir dit que les travaux réalisés constituent bien des dépenses déductibles des revenus fonciers tant en ce qui concerne les travaux eux-mêmes que les salaires des maçons, de prononcer en conséquence le dégrèvement total des impôts réclamés au titre des rôles supplémentaires pour un montant de droits de 60 619 francs au titre de l'année 1995 et 69 904 francs au titre de l'année 1996 ; 4°) de condamner l'Etat aux dépens ; 5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Il soutient : - que son appel est recevable tant en ce qui concerne son intérêt à agir que des délais d'appel ; - que contrairement aux motifs du jugement attaqué, les travaux sur le domaine sis au ... dont il s'est porté acquéreur, ne constituent pas des travaux de reconstruction et d'agrandissement non déductibles des revenus fonciers en vertu des dispositions de l'article 31-I 1° du code général des impôts ; qu'il n'y avait pas lieu de globaliser l'ensemble du domaine en cause alors qu'il est constitué de trois parties, traitées fiscalement de façon différente, un appartement n°1 d'environ 100 mètres carrés que l'exposant envisageait de donner en location, un autre appartement n°2 de 100 mètres carrés également qu'il envisageait d'occuper lui-même à titre de résidence principale et enfin une autre partie de 600 mètres carrés à usage agricole à l'origine et pour laquelle l'exposant avait envisagé un certain nombre de transformations ultérieures avec démolition totale d'une partie sans reconstruction, création d'un nouvel appartement d'environ 100 mètres carrés et agrandissement ultérieur de la partie habitation qu'il se réservait ; que les travaux réalisés au cours des années 1995 et 1996 ont intéressé totalement ou partiellement ces différentes parties du domaine ; - que si des travaux de démolition ou d'agrandissement ont été réalisés dans cet ensemble immobilier, ceux-ci l'ont été uniquement sur les parties non données en location ; que dans ce contexte, il est donc indispensable de séparer systématiquement l'appartement n°1, donné en location et sur lequel porte le litige, du reste des bâtiments du domaine ; que les dépenses pour travaux de montants de 41 797 francs en 1995 et 59 952 francs en 1996 qu'il a porté en charges déductibles de ses revenus fonciers correspondent aux montants directement ou proportionnellement affectés à l'appartement n°1 donné en location pour des travaux qui ne sont pas des travaux de démolition, de reconstruction ou d'agrandissement, uniquement des travaux de réparation, d'entretien et d'amélioration ; que les travaux spécifiques à cet appartement n°1 ont consisté, à l'extérieur, en simple remise en état des murs extérieurs et à l'intérieur, à une remise en état d'habitabilité de l'existant notamment pour remédier aux fuites d'eau et aux défauts d'étanchéité du toit, sans agrandissement de surface habitable, aucune démolition de cloison interne, aucune ouverture de fenêtre ou de porte nouvelle ; - que les travaux communs aux immeubles consistent en réfection complète des toitures et de l'étanchéité, de la remise en état des murs extérieurs, du ravalement de façades et de la mise aux normes des installations d'électricité et d'eau notamment ; que lors de la réfection des toitures, si la quasi-totalité des tuiles ont été changées sur l'ensemble des bâtiments, rien n'a pratiquement été modifié dans les charpentes, quelques voliges ont été ajoutées ou remplacées, mais il ne s'agit de réparations ; qu'il en est de même en ce qui concerne les travaux de remise en état des murs et le ravalement des façades qui ont consisté en un grattage des enduits délabrés et la réfection des joints de pierre, ce sans aucune consolidation des murs extérieurs, ceux délabrés ont été purement et simplement démolis sans reconstruction ; que s'agissant de la remise aux normes des installations d'eau et d'électricité, il convient de préciser que lorsque l'exposant a acheté le domaine, les bâtiments étaient déjà pourvus de ce type d'installation en état de fonctionnement ; - que si les maçons ont été employés pour la remise en état des locaux du domaine, la déductibilité au prorata des affectations, dans la proportion de 2/8ème, des charges salariales liées à leur emploi pour la réalisation des travaux réalisés sur l'appartement n°1, doit être admise au titre des revenus fonciers ; Vu le jugement attaqué ; Vu le mémoire enregistré le 23 septembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; Il soutient : - que sont regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui par leur importance équivalent à des travaux de reconstruction et comme les travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants ; qu'en l'espèce une lettre du 18 février 1998 décrivant les investissements réalisés sur le domaine de ..., fait apparaître qu'après destructions diverses, seuls sont conservés un chaix de 500 mètres carrés et environ 800 mètres carrés de surface potentiellement habitable, se décomposant en deux appartements de 100 mètres carrés, dont l'un sera loué et l'autre sera l'habitation principale de M. X, extensible par la suite à 500 mètres carrés après rénovation des parties agricoles, une partie agricole en cours d'adaptation pour y créer un appartement et une partie en cours de traitement qui sera valorisée ultérieurement en appartement à louer en gîte ; que M. X a inscrit en charges déductibles pour 1995 la somme de 41 796 francs (2/8) et pour 1996 la somme de 59 952 francs (3/8) correspondant à la quote-part des travaux qu'il estimait être afférents à l'appartement donné en location ; que les travaux ont consisté en démolition d'un bâtiment agricole, en la réfection de la quasi-totalité de la toiture, en la reprise et la consolidation de tous les murs extérieurs, en la création d'ouvertures supplémentaires et en la réfection des réseaux électriques et des réseaux d'eau ; que la facture d'électricité en date du 23 avril établie par l'entreprise Jean Louis Z concerne l'alimentation en électricité de quatre appartements en construction ; qu'il y a bien eu création de nouvelles surfaces habitables et les travaux de rénovation sont d'une importance telle qu'ils sont assimilables à des travaux de reconstruction et leur coût ne peut être regardé comme des charges déductibles du revenu foncier ; - que M. X ne saurait soutenir qu'il y a lieu de distinguer l'appartement n°1 sur lequel il n'y aurait eu que des travaux de remise en état, des autres dépendances sur lesquelles il y a eu des travaux de démolition et de reconstruction ; qu'en effet selon la jurisprudence, dès lors qu'il n'est pas contesté que les travaux litigieux ont affecté l'ensemble de l'immeuble et non le seul lot du contribuable, c'est en considération de l'immeuble dans son entier que le juge examine si, par leur nature et leur importance, les travaux en cause consistent en simples aménagements internes ou au contraire aboutissent à une reconstruction de l'immeuble ; - qu'en tout état de cause, M. X ne justifie pas du montant des travaux qui selon lui n'auraient concerné que le lot n°1 et seraient susceptibles d'être déduits ; - qu'en ce qui concerne les salaires versés aux maçons que M. X avait initialement déduits de ses revenus globaux au titre des frais visés par l'article 199 sexdecies du code général des impôts aux termes duquel ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu les sommes versées pour l'emploi d'un salarié travaillant à la résidence d'un contribuable, l'intéressé en demande la prise en compte en tant que charges de remise en état des bâtiments dans la proportion de 2/8 ; que toutefois il s'agit de salaires payés pour la réalisation de travaux dont le coût ne constitue pas des charges elles-mêmes déductibles ; - que le rapport d'expertise non contradictoire produit en première instance et reproduit en appel ne peut avoir qu'une valeur d'information du juge ; que l'administration s'en remet à la sagesse de la Cour sur ce point et sur la demande d'expertise ; - que les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront rejetées dès lors que la requête sera rejetée ; Vu le mémoire enregistré le 26 septembre 2007, présenté pour M. X tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu le code général des impôts ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2007 : - le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ; - les observations de Me Forestier de la SELAFA FIDAL Montpellier pour M. X ; - et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ; Considérant que, par acte du 15 septembre 1995, M. X a acquis un domaine sur la commune de ... dans l'Hérault ; qu'au cours des années 1995 et 1996 il a effectué des travaux sur ce domaine, pour lesquels il a dépensé en achats de matériaux des montants de 173 088 francs en 1995 et 164 118 francs en 1996 ; que sur ses déclarations de revenus fonciers au titre des ces deux années, il a déduit pour sa propriété, une partie du coût de ces travaux à hauteur de 41 797 francs en 1995 et de 59 952 francs en 1996 correspondant à des dépenses qu'il estimait être des dépenses d'amélioration et de rénovation pour des travaux effectués sur la partie des bâtiments affectés à la location ; qu'il a bénéficié d'une réduction d'impôts de 1 391 francs en 1996 au titre des dépenses de grosses réparations afférentes à l'habitation principale ; que pour exécuter ces travaux, il a employé deux maçons dont les salaires se sont élevés à 75 642 francs en 1995 et 90 902 francs en 1996 ; qu'il a porté ces salaires en déduction sur ses déclarations de revenu global des années 1995 et 1996 dans la rubrique des salaires versés aux employés à domicile et a bénéficié à ce titre d'une réduction d'impôt ; Sur le bien fondé des impositions : Considérant qu'en vertu de l'article 28 du code général des impôts, les revenus des propriétés bâties sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers en tenant compte des charges de la propriété ; qu'aux termes de l'article 31 de ce même code : « 1. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) les dépenses de réparation et d'entretien (…) b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (…) ; qu'il résulte de ces dispositions que les dépenses faites par un propriétaire pour l'exécution de travaux d'un immeuble à usage d'habitation sont déductibles de son revenu, sauf si elles correspondent à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; que doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans les locaux auparavant affectés à un autre usage, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros-oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction ; que doivent être regardés comme travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ; En ce qui concerne le coût des matériaux pour la réalisation des travaux sur l'appartement donné en location : Considérant qu'il résulte de l'instruction que le domaine de M. X était constitué au moment de l'achat, en ce qui concerne les immeubles bâtis, de trois parties en l'état de ruine ou en très mauvais état, dans lesquelles il y avait deux locaux d'habitation d'environ 100 mètres carrés chacun et un local professionnel à usage de chaix agricole d'une surface d'environ 600 mètres carrés ; que les travaux entrepris par M. X ont eu pour premier objet, la réfection des couvertures et de l'étanchéité de l'ensemble des bâtiments, la remise en état des parties en ruine et de l'ensemble des murs extérieurs des parties bâties et le ravalement de leurs façades avec la création d'ouvertures supplémentaires, l'extension des réseaux d'alimentation en eau et en électricité avec leur mise aux normes dans l'existant ; que les parties rénovées et la réalisation dans l'un des deux locaux d'habitation existants, d'un appartement de 100 mètres carrés à donner en location et dans l'autre local à usage d'habitation et dans une partie du local à usage agricole, d'un appartement que s'est réservé M. X comme résidence principale, avec le projet d'un nouvel agrandissement de cet appartement sur les bâtiments agricoles ; que par leur importance, eu égard à l'état de l'existant, aux travaux affectant le gros oeuvre et à la création de surfaces supplémentaires de locaux à usage d'habitation, de tels travaux, appréciés dans leur ensemble, sont équivalents à une reconstruction ; qu'à supposer même que les travaux effectués pour la seule réalisation de l'appartement donné en location, notamment à l'intérieur, aient eu le caractère de travaux de réparation ou d'amélioration, ils ne peuvent, en tout état de cause, quand bien même cet appartement relevait d'un régime fiscal différent des autres parties bâties, être dissociés de ceux qui ont été réalisés sur l'ensemble du domaine notamment dans les parties et réseaux communs dès lors qu'ils ont été compris dans des opérations indivisibles de restauration ; que par suite l'administration était fondée à réintégrer l'ensemble des dépenses en achat de matériaux déduites par M. X afférentes à l'appartement donné en location et à en tirer les conséquences pour la détermination des revenus fonciers et des bases des revenus globaux de celui-ci au titre des années 1995 et 1996 ; En ce qui concerne les salaires versés pour la réalisation des travaux de l'appartement donné en location : Considérant que s'agissant des salaires versés aux maçons qu'il a employés pour la réalisation de l'ensemble des travaux susmentionnés, M. X ne conteste pas le bien fondé de la remise en cause par l'administration du fondement tiré de l'article 199 sexdecies du code général des impôts afférent à la réduction d'impôt ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu les sommes versées pour l'emploi d'un salarié travaillant à la résidence d'un contribuable qui a initialement fondé la déduction de ces salaires par l'intéressé de son revenu global ; que cependant, il demande la prise en compte de ces salaires en tant que charges déductibles des revenus fonciers au titre des salaires versés pour la réalisation des travaux relatifs à l'appartement donné en location ; que toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment, que ces travaux indissociables de travaux de reconstruction ne peuvent donner lieu à des charges déductibles des revenus fonciers ; qu'il s'en suit, par voie de conséquence, que M. X n'est pas fondé à soutenir que les salaires qu'il a versés à ce titre doivent être déduits au prorata de ses revenus fonciers ; En ce qui concerne les autres déductions : Considérant que M. X n'invoque en appel aucun moyen relatif aux autres réductions remises en cause par l'administration ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions du requérant tendant à ce que l'expertise judiciaire qu'il produit soit rendue contradictoire, ou qu'à défaut, à la désignation d'un expert immobilier, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de cet article font obstacle au versement, à la partie perdante, de frais exposés et non compris dans les dépens ; que par suite les conclusions susmentionnées de M. X doivent, dès lors, rejetées ; D E C I D E Article 1er : La requête de M. X est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. François X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Délibéré après l'audience du 2 octobre 2007, où siégeaient : - Mme Felmy, président de chambre, - Mme Fernandez, premier conseiller, - Mme Mariller, premier conseiller, Lu en audience publique, le 6 novembre 2007. Le rapporteur, Signé E. FERNANDEZ Le président, Signé J. FELMY Le greffier, Signé D. GIORDANO La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, en ce qui le concerne, et à tous les huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, N°05MA00463 2


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