L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 15, 28 et 42 ;
Vu la décision n° 2003-309 du 10 juin 2003 modifiée et prorogée autorisant la société Bolloré Media, devenue Direct 8 puis C8, à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé C8 et la décision n° 2019-214 du 29 mai 2019 portant reconduction de cette autorisation ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société C8, le 29 mai 2019, concernant le service de télévision C8, notamment ses articles 2-3-7, 2-4 et 4-2-1 ;
Vu la recommandation n° 2005-5 du 7 juin 2005 aux éditeurs de services de télévision concernant la signalétique jeunesse et la classification des programmes, modifiée, notamment ses articles 2 et 4 ;
Vu la délibération du 17 avril 2007 relative à l'intervention de mineurs dans le cadre d'émissions de télévision diffusées en métropole et dans les départements d'outre-mer, notamment son article 3 ;
Vu le compte rendu de visionnage de l'émission « Touche pas à mon poste » diffusée sur le service de télévision C8 le 31 janvier 2023 ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et des stipulations de l'article 4-2-1 de la convention du 29 mai 2019, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure la société C8 de respecter les obligations qui lui sont imposées.
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er et du premier alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986, l'Autorité veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence. Par ailleurs, en vertu de l'article 2-3-7 de la convention du 29 mai 2019, « l'éditeur respecte les délibérations prises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer la protection des mineurs contre les dangers que peut représenter leur participation à une émission de télévision, notamment la délibération relative à l'intervention de mineurs dans le cadre d'émissions de télévision diffusées en métropole et dans les départements d'outre-mer ». A ce titre, le point 3 de la délibération du 17 avril 2007 relatif au traitement du témoignage d'un mineur dispose notamment que : « […] L'intervention d'un mineur dans le cadre d'une émission de télévision ne doit pas nuire à son avenir et doit notamment préserver ses perspectives d'épanouissement personnel. »
3. En troisième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 : « Lorsque des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de télévision, l'autorité s'assure qu'ils soient précédés d'un avertissement au public et qu'ils soient identifiés par la présence d'un symbole visuel tout au long de leur durée. Elle s'assure également de la mise en œuvre d'un procédé technique de contrôle d'accès adapté à la nature des services de médias audiovisuels à la demande. »
4. En dernier lieu, aux termes de l'article 2-4 de la convention du 29 mai 2019, « l'éditeur respecte la recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel aux éditeurs de services de télévision concernant la signalétique jeunesse et la classification des programmes ». A ce titre, l'article 2 de la recommandation du 7 juin 2005 aux éditeurs de services de télévision concernant la signalétique jeunesse et la classification des programmes dispose que les programmes de catégorie II (pictogramme rond de couleur blanche avec l'incrustation d'un « - 10 ans » en noir) correspondent aux « programmes comportant certaines scènes susceptibles de heurter les mineurs de 10 ans ». Concernant cette catégorie de programmes, l'article 4 de cette recommandation dispose que : « Le pictogramme sera présent à l'écran pendant toute la durée de la diffusion du programme. La mention « déconseillé aux moins de dix ans » devra apparaître à l'antenne soit en bas d'écran, en blanc, au minimum pendant une minute au début du programme, soit en plein écran, avant la diffusion du programme, pendant au minimum douze secondes. »
Sur l'émission « Touche pas à mon poste » du 31 janvier 2023 :
En ce qui concerne les obligations relatives au traitement du témoignage d'un mineur :
5. Il ressort du compte rendu de visionnage de l'émission « Touche pas à mon poste » diffusée sur C8 le 31 janvier 2023 qu'un mineur de 17 ans a été amené à s'exprimer sur la récente reconversion dans la pornographie de ses parents, également présents en plateau.
6. L'adolescent mineur a ainsi été amené à se prononcer publiquement sur la nouvelle activité de ses parents dans la pornographie, dans un contexte d'échanges particulièrement tendus et véhéments entre ses parents et certains chroniqueurs. L'adolescent a ainsi été exposé médiatiquement sur une chaîne de télévision nationale, à une heure de grande écoute, dans une situation pouvant compromettre son épanouissement personnel et nuire à son avenir, du fait des risques de stigmatisation à son égard résultant du sujet traité à l'antenne et de la manière dont il l'a été.
7. Dès lors, l'intervention de ce mineur est de nature à nuire à son avenir et à porter atteinte à ses perspectives d'épanouissement personnel.
8. Cette situation caractérise ainsi un manquement de l'éditeur aux stipulations précitées de l'article 2-3-7 de sa convention et aux dispositions précitées du point 3 de la délibération du 17 avril 2007.
En ce qui concerne les obligations en matière d'apposition de la signalétique jeunesse :
9. Il ressort du compte rendu de visionnage de l'émission « Touche pas à mon poste » diffusée sur C8 le 31 janvier 2023 qu'un pictogramme de catégorie II (« déconseillé aux moins de dix ans ») a figuré à l'écran de 20 h 50 à 21 h 14, alors même que le programme a débuté à 20h10. En outre, la mention « déconseillé aux moins de dix ans » n'est apparue à aucun moment à l'antenne, ni au début du programme, ni avant sa diffusion.
10. Or, l'éditeur a présenté la séquence litigieuse comme relevant de la catégorie II. En effet, la thématique de cette séquence comportait certaines scènes susceptibles de heurter les mineurs de 10 ans, notamment du fait du sujet traité et du vocabulaire employé. Dès lors, l'éditeur aurait dû, d'une part, faire figurer à l'écran le pictogramme de catégorie II (« déconseillé aux moins de dix ans ») pendant toute la durée de la diffusion du programme et, d'autre part, apposer la mention « déconseillé aux moins de dix ans » soit en bas de l'écran, en blanc, au minimum pendant une minute au début du programme, soit en plein écran, avant la diffusion du programme, pendant au moins douze seconde, ce qui n'a pas été le cas.
11. Cette situation caractérise un manquement de l'éditeur aux stipulations précitées de l'article 2-4 de sa convention et aux dispositions précitées de l'article 4 de la recommandation du 7 juin 2005 modifiée.
12. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre en demeure la société C8 de se conformer, à l'avenir, d'une part, aux stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 29 mai 2019 et aux dispositions précitées du point 3 de la délibération du 17 avril 2007 et, d'autre part, aux stipulations précitées de l'article 2-4 de la convention du 29 mai 2019 et aux dispositions précitées de l'article 4 de la recommandation du 7 juin 2005.
Après en avoir délibéré,
Décide :
Fait à Paris, le 10 mai 2023.
Pour l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :
Le président,
R.-O. Maistre