Le comité de règlement des différends et des sanctions (le CoRDiS) est saisi par M. L., représenté par la société Be Care, des faits suivants.
M. L., domicilié (…), et représenté par la société Be Care, a saisi le CoRDiS d'un différend relatif aux conditions de raccordement d'une installation de consommation d'électricité au réseau public de distribution d'électricité.
M. L. est propriétaire d'une parcelle cadastrée BA 521 située (…) sur laquelle il a entrepris la construction d'une villa avec garage et piscine.
Le 4 janvier 2017, M. L. a adressé à la commune de Saint-Tropez une demande de permis de construire sur son terrain et a précisé que son projet nécessitait une puissance de raccordement de 36 kVA triphasé.
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, la société Enedis a indiqué le 16 février 2017 à la commune de Saint-Tropez que celle-ci n'était redevable d'aucune somme « pour la puissance de raccordement demandée de 36 kVA triphasé ». Elle l'a néanmoins invitée à inscrire « explicitement sur l'autorisation d'urbanisme la puissance de raccordement pour laquelle ce dossier a été instruit » au risque pour elle, si le bénéficiaire demandait une puissance de raccordement supérieure, de devoir prendre à sa charge une éventuelle contribution financière.
Le 9 mars 2019, le fournisseur d'électricité de M. L. a transmis une demande de branchement provisoire d'une puissance de 36 kVA à la société Enedis, qui a réalisé et mis en service ce branchement le 21 octobre 2019.
Le 23 septembre 2021, la société Be Care, dûment mandaté à cet effet par M. L., a adressé à la société Enedis une demande de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'une puissance de 60 kVA pour sa villa.
Le 30 septembre 2021, la société Enedis a déclaré complète la demande de raccordement de la société Be Care.
Le 3 novembre 2021, la société Enedis a adressé à la société Be Care une première proposition de raccordement (ci-après « PDR ») référencée sous le numéro (…), qui prévoyait la réalisation d'une extension du réseau public de distribution pour un montant de 12 454,56 euros.
Le 5 novembre 2021, la société Be Care a informé la société Enedis qu'elle considérait que la PDR transmise « n'était pas conforme à la PRO-RAC 03 » et que « le client ne devait pas à avoir à supporter l'extension de réseau ».
Le 8 novembre 2021, la société Enedis a répondu à la société Be Care que la puissance de raccordement demandée était supérieure à celle « demandée lors de l'instruction d'urbanisme (36 kVA) », ce qui l'autorisait à « facturer les travaux rendus nécessaires par le changement de solution technique pour cette demande de raccordement à 60 kVA ».
Le même jour, la société Be Care a interrogé la société Enedis sur la nécessité de réaliser des travaux d'extension dans la mesure où le réseau passe en limite de la parcelle de M. L. Celle-ci a répondu que le réseau n'avait « pas assez de puissance pour supporter un réseau en plus ».
Le 11 janvier 2022, la société Be Care a réitéré son opposition à cette PDR et a demandé la communication des références des textes sur lesquels s'appuie la société Enedis.
Le 13 janvier 2022, la société Enedis a rappelé pouvoir « facturer le devis avec extension au client » au regard des articles L. 342-11 (1° et 5°) du code de l'énergie, L. 332-15 du code de l'urbanisme, de l'arrêté du 28 août 2007 définissant l'opération de raccordement de référence (ci-après « ORR »), et de sa note ERDF-PRO-04.
Le 15 janvier 2022, la société Be Care a sollicité la transmission de la note ERDF-PRO-04 et « conformément à la PRO-RAC_14E chapitre 6.2.2.1 […] les hypothèses ainsi que l'ensemble des études ayant amené à caractériser les résultats de la solution de raccordement ».
Le 21 janvier 2022, la société Enedis a indiqué, d'une part, que « la note ERDF-PRO-04 est une note interne explicative qui reprend […] des éléments de l'arrêté du 28 août 2007 » n'ayant pas vocation à être diffusée, d'autre part, que les études servant à caractériser la solution technique prenant en compte l'étude de l'état du réseau regroupaient des données confidentielles devant être « validées pour transmission à un tiers ».
Le 17 mars 2022, lors d'un rendez-vous entre les sociétés Be Care et Enedis, cette dernière a accepté de se rapprocher des services de l'urbanisme de la commune de Saint-Tropez pour savoir si elle accepterait de prendre à sa charge le coût de l'extension du réseau.
Le 8 avril 2022, la société Enedis a informé la société Be Care qu'elle allait modifier le devis, mais qu'il devra néanmoins recevoir l'accord du demandeur et de la commune de Saint-Tropez, avant de programmer les travaux.
Le même jour, la société Enedis a adressé à la société Be Care une deuxième PDR référencée sous le numéro DE25/023938/01005, prévoyant une extension du réseau public de distribution d'électricité et fixant le montant de la contribution du demandeur à 2 570,40 euros.
Le 11 avril 2022, la PDR a été acceptée par M. L. et un acompte a été versé.
Le 27 avril 2022, la commune de Saint-Tropez a informé la société Enedis avoir « délivré[e] un permis sur la base d'une puissance de raccordement de 36 kVA, laquelle ne nécessitait pas de contribution » et que par conséquent, elle ne pouvait être tenue de payer pour un raccordement dont la puissance serait de 60 kVA.
Le 28 avril 2022, la société Enedis a communiqué à la société Be Care une nouvelle PDR référencée sous le numéro (…) rétablissant le coût des travaux à 12 454,56 euros pour tenir compte du refus de la commune de Saint-Tropez de « prendre en charge la création de réseau » et « demandant de mettre à la charge du pétitionnaire ces travaux ».
Le même jour, la société Be Care a fait valoir à la société Enedis, d'une part, que la commune de Saint-Tropez ne pouvait pas faire supporter le coût d'une extension de réseau à un client, d'autre part que la précédente PDR avait été acceptée par son client.
Le 3 mai 2022, la société Be Care a manifesté une nouvelle fois son désaccord auprès du directeur région Côte d'Azur de la société Enedis en expliquant qu'il était « anormal que [ses] agents s'affranchissent des règles de facturation et de l'avis de l'expert du CEN (centre d'expertise nationale) ».
Le 29 juin 2022, le directeur région Côte d'Azur de la société Enedis a indiqué à la société Be Care que la puissance de raccordement portée à sa connaissance par la commune dans le cadre de l'instruction du permis de construire et celle figurant dans les demandes de raccordement différaient, ce qui avait « un impact sur la solution technique de raccordement finalement retenue par Enedis, en particulier sur la question de la nécessité ou non d'une extension ». A cet égard, il a invité la société Be Care « à [se] rapprocher de la commune en vue d'une clarification des éléments précités de sorte que, le cas échéant, la commune puisse à nouveau consulter Enedis sur la base d'informations actualisées ».
Le 18 juillet 2022, M. L. a saisi le médiateur national de l'énergie pour régler ce différend.
Le 22 septembre 2022, la société Enedis a informé la société Be Care qu'elle avait « transféré l'acompte du premier devis sur le nouveau soit 2 570,40 euros » et que seul le document signé manquait encore.
C'est dans ces conditions que, le 22 décembre 2022, M. L., représenté par la société Be Care a saisi le CoRDiS d'une demande de règlement de différend.
Par la suite, la société Be Care a adressé le 6 janvier 2023 à la société Enedis deux nouvelles demandes de raccordement visant la même parcelle à alimenter, déclarées complètes les 18 et 19 janvier 2023, dans le but d'obtenir, d'une part, un compteur bleu d'une puissance de 36 kVA, d'autre part un compteur bleu de 36 kVA dédié à une borne de recharge de véhicule électrique.
Les 18 et 24 janvier 2023, la société Enedis a transmis deux propositions de raccordement référencées sous les numéros (…) et (…) d'un montant chacune de 1 331,28 euros TTC et prévoyant toutes les deux la réalisation d'un branchement complet aéro-souterrain jusqu'au point de livraison situé en limite de propriété.
Par une saisine, des observations en réponse puis rectificatives et un courrier électronique, enregistrés sous le numéro 17-38-22, les 22 décembre 2022, 24, 26 janvier et 6 février 2023, M. L., représenté par la société Be Care, elle-même représentée par son directeur général, M. Philippe Leroy, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de :
- se déclarer compétent pour statuer sur la demande de règlement du différend qui l'oppose à la société Enedis ;
- déclarer recevable et fondée sa saisine et toutes ses prétentions, développées par la société Be Care pour son compte ;
- enjoindre à la société Enedis de respecter l'engagement contractuel établi lors de l'acceptation du devis DE25/023938/01005 et de réaliser les travaux de branchement avant le 31 mars 2023.
La société Be Care soutient que :
- la société Enedis n'a pas respecté l'ORR et a facturé à tort un renforcement de réseau à M. L. puis à la commune ; qu'en effet, cette société a décidé de réaliser une extension du réseau sur une longueur de 130 mètres et non un branchement au motif que le réseau au droit de la parcelle ne supportait pas la puissance demandée ; qu'en application de l'article 5 de l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la société Enedis a établi une opération de raccordement différente de l'ORR, ce qui l'oblige à prendre en charge cette modification ; qu'en outre, la société Enedis a indiqué dans un courrier en date du 13 janvier 2022 se fonder sur une note interne ERDF-PRO-04 pour justifier de la prise en charge du coût du raccordement par M. L. ;
- la société Enedis ne pouvait ni considérer que la puissance de raccordement mentionnée à l'article 1er de l'arrêté précité était celle figurant dans l'autorisation d'urbanisme, dès lors que cette autorisation ne faisait pas office de demande de raccordement, ni sous-entendre que la puissance de raccordement conditionnait en l'espèce la réalisation d'une extension pour le raccordement de son projet ;
- si la première étude réalisée par la société Enedis consistait à remplacer la ligne électrique passant en limite de propriété, ces coûts sont couverts par le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité (ci-après « TURPE ») conformément à l'article L. 342-11 du code de l'énergie ; que la société Enedis fait néanmoins une confusion entre un remplacement de réseau et une extension au regard de la définition donnée par l'article D. 342-2 du même code ;
- en dépit de ses demandes, la société Enedis n'apporte pas la preuve que le réseau en limite de parcelle n'a pas la capacité de supporter l'ajout de puissance de 60 kVA ; qu'en outre, après avoir déposé deux nouvelles demandes de raccordement le 6 janvier 2023 pour un compteur bleu d'une puissance de 36 kVA et un autre compteur bleu de la même puissance dédié à une borne de recharge de véhicule électrique, elle a reçu de la société Enedis deux propositions de raccordement prévoyant deux branchements, justifiant la capacité du réseau à supporter la puissance supplémentaire demandée pour deux compteurs bleus mais pas pour un compteur jaune de faible puissance.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 janvier et 6 février 2023, la société Enedis représentée par sa présidente du directoire, Mme Marianne Laigneau, et ayant pour avocat Me Cédric de Pouzilhac, cabinet ARAMIS, demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :
- rejeter la demande de M. L. comme étant mal fondée ;
- notifier aux parties la décision à intervenir.
La société Enedis fait valoir que :
- en premier lieu, sa solution technique prévoyant une extension du réseau public de distribution est l'ORR ; qu'en application de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et de la procédure PRO-RAC 14E relative à la procédure de traitement des demandes de raccordement d'une installation de consommation dans les domaines de tension HTA et BT, pour une puissance de raccordement supérieure à 36 kVA, elle est tenue de soumettre au demandeur une proposition de raccordement correspondant à l'ORR et qui réponde à ses besoins en électricité à la puissance de raccordement demandée ; qu'en vue de déterminer l'ORR, elle a réalisé deux études aboutissant au constat que le réseau situé en limite de la parcelle du demandeur n'avait pas la capacité de supporter l'ajout d'une puissance de 60 kVA ; qu'en effet, il ressort de l'état existant du réseau aérien que l'ajout d'une puissance de 60 kVA entraînerait un dépassement de la capacité, ainsi qu'une chute de tension de 19,71 % pour un maximum admissible de 15,2 % ; que s'agissant des deux demandes de raccordement de 36 kVA, la comparaison avec la demande de 60 kVA n'est pas pertinente puisque celles-ci ont été acceptées, car traitées individuellement l'une de l'autre et qu'elles présentent des spécificités techniques propres ; qu'au surplus, il semblerait que M. L. n'ait pas accepté ces deux nouvelles PDR ;
- que la première étude proposait une solution aérienne en remplaçant la ligne passant en limite de parcelle pour un coût de 27 326,84 euros tandis que la seconde étude préconisait de créer une extension souterraine à partir d'un autre point du réseau situé à plus de 100 mètres du terrain à desservir pour une somme de 21 030,82 euros ; que si les deux solutions répondent aux besoins du demandeur et sont réalisables tant techniquement qu'administrativement, la seconde solution correspond à l'ORR, dès lors qu'elle minimise les coûts de raccordement ;
- que la solution technique retenue constitue l'ORR car il s'agit objectivement de la moins onéreuse et qu'il n'y a pas eu de confusion entre un remplacement de réseau existant et une extension, dès lors qu'en application de l'article D. 342-1 du code de l'énergie un remplacement de réseau peut nécessiter une extension ; qu'en tout état de cause, la solution consistant à réaliser une extension du réseau depuis un autre réseau jusqu'au point de livraison était l'ORR, puisque la solution aérienne était trop onéreuse ;
- en deuxième lieu, l'article L. 342-6 du code de l'énergie prévoit que la part des coûts de branchement et d'extension non pris en charge par le TURPE peut faire l'objet d'une contribution ; que l'article L. 342-11 du même code dispose que lorsque le raccordement au réseau s'accompagne de la délivrance d'une autorisation d'urbanisme, le demandeur s'acquitte d'une portion de la contribution correspondant au branchement et à la fraction de l'extension du réseau située sur le terrain d'assiette, tandis que la collectivité en charge de l'urbanisme finance le coût de l'extension réalisée en dehors de la parcelle ; qu'en l'absence d'autorisation d'urbanisme, le demandeur au raccordement est redevable, conformément à l'article L. 342-11 (5°) du code de l'énergie, de la contribution correspondant à l'extension ;
- en outre, le tribunal administratif d'Amiens a considéré dans un jugement du 2 décembre 2008 que la délivrance d'un permis de construire ne conférait pas un droit à obtenir le paiement des frais de l'extension par la commune et la cour administrative d'appel de Douai a estimé dans un arrêt du 19 novembre 2019 que le refus d'une commune de délivrer un permis de construire au motif que l'ORR nécessitait une extension de 110 mètres pour un montant de 55 000 euros à sa charge était justifiée ; que l'inscription dans la demande de permis de construire de la puissance souhaitée responsabilise la commune quant aux projets qu'elle accepte et lui évite de financer une extension de réseau trop coûteuse ; qu'ainsi, une demande de raccordement pour une puissance supérieure à celle indiquée dans la demande de permis de construire relève de l'article L. 342-11 (5°) du code de l'énergie ;
- en l'espèce, si la commune de Saint-Tropez a délivré une autorisation d'urbanisme sur la base d'une puissance de raccordement de 36 kVA ne nécessitant pas d'extension et, par conséquent, de contribution de la part de celle-ci, la demande de raccordement transmise postérieurement indiquait une puissance de 60 kVA ; que cette demande relève ainsi des dispositions de l'article L. 342-11 (5°) du code de l'énergie ; que l'augmentation de puissance souhaitée nécessite de faire évoluer la solution technique vers une solution prévoyant une extension, laquelle correspond à l'ORR et qu'à cet égard, se fondant sur un arrêt du 23 mai 2013 de la cour d'appel de Paris énonçant que le principe d'indépendance des législations ne fait pas obstacle à ce que le GRD puisse vérifier si une autorisation d'urbanisme concerne le projet dont le raccordement est demandé, elle a constaté que M. L. ne disposait pas d'une autorisation d'urbanisme pour une puissance de raccordement de 60 kVA, ce qui l'obligeait à prendre à sa charge le coût de l'extension du réseau ;
- en tout état de cause, dans l'hypothèse où le titulaire d'une autorisation d'urbanisme introduit une demande de raccordement d'une puissance supérieure à celle initialement inscrite dans la demande de permis de construire, la société Enedis se réfère à l'article 6.3 de la fiche d'instruction interne, référencée ERDF-PRO_04 reprenant les dispositions de l'article L. 342-11 (5°) du code de l'énergie ; que cette solution revêt une importance pratique en évitant qu'un demandeur sous-estime volontairement la puissance de raccordement de son installation dans sa demande d'autorisation d'urbanisme avant de présenter une demande de raccordement avec une puissance de raccordement plus forte et prive la commune de la possibilité de se prononcer de manière éclairée sur le projet ; que c'est au regard de ces éléments qu'elle a invité M. L. à se rapprocher de la commune pour clarifier son projet ;
- en troisième lieu, s'agissant de la force obligatoire de la PDR du 8 avril 2022, celle-ci était, conformément aux dispositions des articles 1304 et 1304-6 du code civil, conditionnée à l'acceptation préalable de la commune de Saint-Tropez, ce qui avait été précisé à la société Be Care lors d'une réunion en date du 17 mars 2022 et rappelé par un courrier électronique du 8 avril 2022 ; que le refus de la commune constitue une défaillance de la condition suspensive, l'acceptation par M. L. de la contribution relative aux coûts d'extension du réseau n'ayant, par suite, aucun effet juridique.
Le 15 février 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès de la société Be Care afin d'obtenir la copie de la ou des autorisation(s) d'urbanisme accordée(s) à M. L., ainsi que la copie des demandes de raccordement pour une puissance de 36 kVA adressées le 6 janvier 2023 à la société Enedis.
Le même jour, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès de la société Enedis afin de recueillir les procédures de traitement des demandes de raccordement d'une installation individuelle d'une puissance de 36 kVA et de 60 kVA en vigueur au moment de la réception des demandes de raccordement.
La société Be Care a transmis les documents demandés le 16 février 2023, tandis que la société Enedis a communiqué le 21 février 2023 les éléments demandés.
Le 7 mars 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès de la société Enedis afin de se faire préciser :
- la démonstration suivie pour aboutir, en l'espèce, à une chute de tension maximale admissible à 15,2 % sur le réseau aérien longeant la parcelle à raccorder, ainsi que la réglementation et la documentation technique de référence associée sur lesquelles se fonde son raisonnement ;
- les raisons pour lesquelles les demandes de 36 kVA ont été traitées séparément ;
- le calcul de la chute de tension et de la capacité en cas de raccordement supplémentaire sur le réseau d'une puissance de 72 kVA (2 fois 36 kVA), accompagné des explications afférentes.
Le 10 mars 2023, la société Enedis a transmis la procédure Enedis-PRO-RES_43E sur laquelle elle se fonde pour obtenir une chute de tension maximale admissible de 15,2 % et a indiqué que cette chute de tension, qui ne doit pas dépasser +/- 10 % conformément aux articles D. 322-1 à D. 322-10 du code de l'énergie, est calculée en fonction de l'emplacement prévu du raccordement du client, ainsi que des conditions en amont, notamment le réglage optimisé de la tension sur le transformateur HTA/BT avec une prise de 5 % pour des clients consommateurs lorsque la chute de tension totale calculée avec la prise de + 2,5 % est supérieure à 10 %.
S'agissant des deux demandes de 36 kVA, la société Enedis ajoute que ces demandes ont été traitées par le service dédié aux demandes de raccordement pour une puissance ≤ 36 kVA et non celui consacré aux demandes de raccordement ≥ 36 kVA, puisque cette société a indiqué dans sa demande de raccordement du 6 janvier 2023 avoir « non seulement besoin de 36 kVA pour la maison, mais également d'un raccordement de 24 kVA pour une borne de recharge, soit au total 60 kVA », ce qui a eu pour conséquence la création de deux points de livraison différents.
Se référant à un logiciel qui calcule automatiquement les chutes de tension maximales admissibles, la société Enedis fait également état que pour un point de livraison à 72 kVA, la chute de tension serait de 21,1 %, précisant que ce calcul n'a « pas été effectué lors des deux demandes de 36 kVA (…), ces demandes étaient des demandes distinctes, donc avec deux points de livraison et un calcul de chute de tension individuel par point de livraison ».
Par une décision du 24 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mars 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
- le code civil ;
- l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
- le barème pour la facturation des raccordements au réseau public de distribution d'électricité concédé à Enedis - identifiée Enedis-PRO-RAC_03E ;
- la procédure de traitement des demandes de raccordement d'une installation de consommation individuelle ou collective en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution concédé à Enedis - identifiée Enedis-PRO-RAC_14E ;
- la procédure de traitement des demandes de raccordement d'une installation individuelle de consommation ou de consommation et de production simultanée en BT de puissance inférieure ou égale à 36 kVA au réseau public de distribution concédé à Enedis - identifiée Enedis-PRO-RAC_21E ;
- les principes d'étude et de développement du réseau pour le raccordement des clients consommateurs et producteurs BT - identifiée Enedis-PRO-RES_43E ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 16 janvier 2023 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 17-38-22 ;
- la décision du 13 février 2023 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 17-38-22.
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 27 mars 2023, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry Tuot, président, Mme Fanélie Ducloz et M. Henri de Larosière de Champfeu, membres, en présence de :
M. Andy Contesso, chef du département contentieux et représentant le directeur général empêché,
M. Benoît Laurent, rapporteur,
M. Roman Picard, rapporteur adjoint,
M. Philippe Leroy, directeur général de la société Be Care, représentant M. L.
Les représentants de la société Enedis, assistés de Me Cédric de Pouzilhac.
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Benoît Laurent, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. Philippe Leroy, directeur général de la société Be Care, cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions. Elle précise toutefois que sa demande de raccordement est de 60 kVA avec un unique point de livraison ;
- les observations de Me Cédric de Pouzilhac pour la société Enedis, cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions.
A l'issue de la séance publique, le président du comité a informé les parties que la décision serait lue le 11 avril 2023.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
1. Aux termes de l'article R. 134-13, alinéa 2, du code de l'énergie : « Les demandes et les moyens sont récapitulés dans les dernières écritures ; les demandes et les moyens qui ne sont pas repris sont réputés abandonnés. Le comité de règlement des différends et des sanctions ne se prononce que sur les dernières écritures déposées ».
2. La société Be Care ayant indiqué dans son courrier électronique du 6 février 2023 qu'elle ne souhaitait pas présenter de nouvelles observations, ses écritures du 26 janvier 2023 doivent, en application de l'article R. 134-13, alinéa 2, du code de l'énergie, être regardées comme ses dernières écritures sur lesquelles le comité doit se prononcer.
3. Au cours des débats en séance publique, la société Be Care a indiqué qu'elle ne maintenait que sa seule demande de raccordement de 60 kVA avec un unique point de livraison pour la maison et la borne de recharge d'un véhicule électrique appartenant à M. L. Dès lors, le différend porté devant le comité ne concerne que cette demande.
Sur la détermination de l'opération de raccordement de référence pour une demande de puissance de 60 kVA :
4. Aux termes des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité : « Une opération de raccordement est un ensemble de travaux sur le réseau public de distribution d'électricité et, le cas échéant, sur les réseaux publics d'électricité auquel ce dernier est interconnecté : (i) nécessaire et suffisant pour satisfaire l'évaluation ou l'alimentation en énergie électrique des installations du demandeur à la puissance de raccordement demandée ; (ii) qui emprunte un tracé techniquement et administrativement réalisable, en conformité avec les dispositions du cahier des charges de la concession ou du règlement de service de la régie ; (iii) et conforme au référentiel technique publié par le gestionnaire du réseau public de distribution. /L'opération de raccordement de référence représente l'opération de raccordement qui minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement énumérés aux articles 1er et 2 du décret du 28 août 2007 (…) ».
5. Il résulte de la disposition précitée que le gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité est tenu d'établir l'ORR conformément au référentiel technique qu'il a publié, en répondant aux besoins en électricité de l'utilisateur, selon le tracé réalisable d'un point de vue technique et administratif, de telle sorte qu'elle représente l'opération qui minimise la somme des coûts de branchement et d'extension. Ces coûts sont calculés selon les dispositions du barème de raccordement de la société Enedis.
S'agissant de la réalisation de travaux d'extension :
6. La société Enedis fait valoir qu'au regard des études techniques menées, la solution de raccordement consistant à réaliser une extension souterraine du réseau sur une longueur de 130 mètres à partir d'un autre point de livraison est l'ORR, puisque son coût est inférieur à la solution prévoyant le remplacement de la ligne aérienne bordant la parcelle à raccorder. La société Be Care soutient que la société Enedis n'a pas respecté l'ORR en proposant comme solution technique une extension du réseau dans la mesure où les travaux à réaliser sont non pas des travaux d'extension du réseau mais des travaux de renforcement.
7. Aux termes de l'article D. 342-2 du code de l'énergie : « L'extension est constituée des ouvrages, nouvellement créés ou créés en remplacement d'ouvrages existants dans le domaine de tension de raccordement et nouvellement créés dans le domaine de tension supérieur qui, à leur création, concourent à l'alimentation des installations du demandeur ou à l'évacuation de l'électricité produite par celles-ci, énumérés ci-dessous : 1° Canalisations électriques souterraines ou aériennes et leurs équipements terminaux lorsque, à leur création, elles ne concourent ni à l'alimentation ni à l'évacuation de l'électricité consommée ou produite par des installations autres que celles du demandeur du raccordement ; (…) »
8. Il se déduit de ce texte que les canalisations électriques souterraines qui, à leur création, ne concourent ni à l'alimentation, ni à l'évacuation de l'électricité consommée ou produite par des installations autres que celles du demandeur du raccordement relèvent de l'extension des raccordements aux réseaux publics de distribution d'électricité.
9. Il ressort des pièces produites que le nouveau câble électrique devant être créé entre le réseau souterrain existant et le branchement ne dessert que la parcelle de M. L. et n'a ainsi pas vocation, à sa création, à alimenter des installations appartenant à un autre utilisateur. Il en résulte que les travaux présentés comme l'ORR par la société Enedis sont, contrairement à ce que soutient la société Be Care, des travaux d'extension en application du 1° de l'article D. 342-2 du code de l'énergie.
S'agissant du paiement de la contribution prévue à l'article L. 342-6 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article L. 342-6 du code de l'énergie : « La part des coûts de branchement et d'extension des réseaux non couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux publics peut faire l'objet de la contribution due par le redevable défini à l'article L. 342-7 ou par les redevables définis à l'article L. 342-11. La contribution est versée au maître d'ouvrage des travaux, qu'il s'agisse d'un gestionnaire de réseau, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte ».
11. Aux termes de l'article L. 342-11 du code de l'énergie : « La contribution prévue à l'article L. 342-6 pour le raccordement des consommateurs au réseau de distribution est versée, dans des conditions, notamment de délais, fixées par les cahiers des charges des concessions ou les règlements de service des régies ou, à défaut, par décret en Conseil d'Etat, par les redevables mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° suivants : 1° Lorsque l'extension est rendue nécessaire par une opération ayant fait l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable, située en dehors d'une zone d'aménagement concerté et ne donnant pas lieu à la participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels ou à la participation pour voirie et réseaux mentionnées à l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme, la contribution correspondant aux équipements mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme est versée par le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition./ La part de contribution correspondant à l'extension située hors du terrain d'assiette de l'opération reste due par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d'urbanisme. / Toutefois, les coûts de remplacement ou d'adaptation d'ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d'en éviter le remplacement, rendus nécessaires par le raccordement en basse tension des consommateurs finals, ne sont pas pris en compte dans cette part. Ces coûts sont couverts par le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution mentionné à l'article L. 341-2 lorsque ce raccordement est effectué par le gestionnaire du réseau de distribution ; […] 5° Lorsque l'extension de ces réseaux est destinée au raccordement d'un consommateur d'électricité en dehors d'une opération de construction ou d'aménagement autorisée en application du code de l'urbanisme, la contribution correspondant à cette extension est versée par le demandeur du raccordement ».
12. Aux termes de l'article 5-5 de la procédure Enedis-PRO-RAC_14E visée ci-dessus : « Conformément à l'article L. 342-11 du code de l'énergie, si le projet nécessitant un raccordement au Réseau Public de Distribution est soumis à une autorisation d'urbanisme (…), la commune ou l'établissement public de coopération intercommunal (EPCI) compétent pour la perception des taxes et participations d'urbanisme, est redevable auprès d'Enedis de la part de la contribution relative à l'extension située hors du terrain d'assiette de l'opération. Cette commune ou cet EPCI sont invités à consulter Enedis lors de l'instruction de cette autorisation d'urbanisme. Dans ce cadre, Enedis indique à la commune ou à l'EPCI si une contribution aux travaux d'extension, sera nécessaire afin de satisfaire la future demande de raccordement. Dans l'affirmative, Enedis lui précisera la nature des travaux à réaliser et le montant de la contribution correspondante. Elle sera mise à sa charge dès lors que le Demandeur aura formulé sa demande de raccordement auprès d'Enedis. (…) ».
13. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse où les travaux de raccordement prévoyant la réalisation d'un branchement et d'une extension font l'objet d'une autorisation d'urbanisme, la part de la contribution correspondant aux travaux d'extension se situant hors du terrain d'assiette du projet est supportée par la collectivité en charge de l'urbanisme tandis que le coût des travaux correspondant au branchement et à la fraction de l'extension située sur le terrain d'assiette du demandeur reste à la charge de celui-ci. En revanche, le demandeur au raccordement doit s'acquitter de la totalité du coût des travaux d'extension lorsque ces opérations, soit n'ont pas donné lieu au préalable à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme, soit lorsque celle-ci a été délivrée sur la base d'une puissance de raccordement demandée inférieure à celle objet de la demande de raccordement.
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. L. a indiqué dans sa demande d'autorisation d'urbanisme du 18 janvier 2017 adressée au service d'urbanisme de la commune de Saint-Tropez, que son projet immobilier nécessitait un raccordement d'une puissance de 36 kVA.
15. En second lieu, la commune de Saint-Tropez a indiqué, dans un courrier transmis à la société Enedis le 27 avril 2022, son refus de prendre en charge le coût d'une partie des travaux d'extension au motif qu'elle a délivré à M. L. un permis de construire sur la base d'une puissance de raccordement de 36 kVA et non de 60 kVA.
16. Compte tenu des éléments versés au dossier, le comité constate qu'il n'existe donc pas d'autorisation d'urbanisme correspondant à la puissance de raccordement de 60 kVA sollicitée par M. L. dans sa demande de raccordement du 23 septembre 2021, de sorte que celui-ci est, en application des dispositions de l'article L. 342-11 du code de l'énergie, tenu de s'acquitter de l'intégralité des coûts d'extension du réseau.
17. Il résulte de ce qui précède que la contribution mise à la charge du demandeur par la société Enedis dans sa proposition de raccordement du 8 avril 2022, qui faisait supporter à la commune de Saint-Tropez une partie des coûts d'extension du réseau, ne respectait pas les dispositions de l'article L. 342-11 du code de l'énergie ainsi que la documentation technique de référence.
Sur l'injonction prononcée par le comité :
18. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la proposition de raccordement du 28 avril 2022, devenue caduque faute d'avoir été acceptée dans les délais prévus par M. L., correspondait en l'état d'information du CoRDiS, à l'ORR, d'autre part, que la proposition de raccordement du 8 avril 2022, qui mettait à la charge de la commune de Saint-Tropez une partie des coûts d'extension du réseau, est contraire à l'article L. 342-11 du code de l'énergie. Il n'existe plus, ainsi, de proposition de raccordement dont le demandeur et le gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité peuvent se prévaloir et les demandes à cette fin de M. L. ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
19. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'acompte versé par M. L. dans le cadre de la proposition de raccordement du 8 avril 2022 ait été remboursé. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la société Enedis de rembourser à M. L. les sommes versées au titre de cet acompte.
Décide :Liens relatifs
Il est enjoint à la société Enedis de rembourser à M. L. l'acompte versé dans le cadre de la proposition de raccordement du 8 avril 2022.
Le surplus des demandes de M. L. est rejeté.
La présente décision sera notifiée à M. L. et à la société Enedis et communiquée pour information à la société Be Care. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 11 avril 2023.
Pour le comité de règlement des différends et des sanctions :
Le président,
T. Tuot