Avis n° 2022-18 du 7 décembre 2022 relatif au projet de décret portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions

Version initiale


  • Saisie par le Gouvernement, en application des articles 9 et 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, d'un projet de décret portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ci-après : « l'ARCOM »), après en avoir délibéré le 7 décembre 2022, émet un avis favorable, assorti des observations suivantes.


    I. - Observations générales


    Le projet de décret dont est saisie l'ARCOM a pour objet principal de tirer les conséquences de la modernisation du régime de contribution au développement de la production et d'exposition des œuvres intervenue dans le cadre de la modification de la loi du 30 septembre 1986 et de l'adoption des décrets n° 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (dit décret « SMAD »), et n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre (dit décret « TNT »).
    Il conserve donc le cadre existant, issu notamment des accords professionnels en vigueur, tout en l'adaptant afin de le mettre en conformité avec le nouveau dispositif réglementaire. L'ARCOM relève à cet égard que certaines des obligations de production pourront être amenées à évoluer à compter de l'exercice 2023, tenant compte des accords professionnels qui pourraient être conclus le cas échéant.
    L'ARCOM relève d'emblée que les obligations de production cinématographique de France Télévisions sont étendues à tous les services de télévision et de télévision de rattrapage du groupe diffusant annuellement au moins une œuvre cinématographique de longue durée. Outre l'ambition ainsi affichée en faveur du financement du cinéma, l'Autorité constate que le Gouvernement estime possible, dans le cadre de la globalisation des contributions, de soumettre volontairement aux obligations de production des services ne répondant pas aux seuils d'assujettissement prévus par les décrets, sous certaines conditions liées notamment à l'intégration de leurs chiffres d'affaires dans l'assiette de la contribution, y compris en l'absence d'accord professionnel le prévoyant.


    II. - Observations détaillées
    2.1. Obligations de contribution au développement de la production cinématographique


    L'ARCOM relève que toutes les références à l'ancien décret TNT ont été retirées au sein de l'article 9 du cahier des charges. Elle préconise de compléter cet article en indiquant au début de la première phrase du II de l'article 9 du cahier des charges que la contribution à la production d'œuvres cinématographiques s'inscrit dans les conditions prévues par les articles 8 et 10 à 13 du décret TNT, afin de rappeler le cadre réglementaire dans lequel s'inscrivent les obligations.
    Par ailleurs, l'ARCOM rappelle que si l'article 12 du décret TNT prévoit une obligation portant sur le préfinancement d'œuvres cinématographiques, d'application directe pour les services dont le chiffre d'affaires de l'exercice précédent est supérieur à 150 millions d'euros, le cahier des charges doit fixer la part de l'obligation qui doit être consacrée à ces dépenses pour les services dont le chiffre d'affaires est compris entre 75 et 150 millions d'euros. Elle suggère que le cahier des charges soit complété sur ce point.
    En cas de mise en commun des contributions, les obligations s'apprécieront de manière globalisée.


    2.2. Obligations de contribution au développement de la production audiovisuelle


    L'ARCOM relève en premier lieu que certaines des obligations de production audiovisuelle sont circonscrites au seul exercice 2022. Celles-ci pourront être revues à compter de l'exercice 2023, le cas échéant en tenant compte d'un nouvel accord professionnel qui pourrait être conclu.


    - S'agissant de la diversité des œuvres audiovisuelles


    Le projet de décret vient préciser les conditions dans lesquelles est assurée la diversité des œuvres audiovisuelles en reprenant les engagements portant sur l'animation, le documentaire et le spectacle vivant prévus par l'accord conclu entre France Télévisions et les organisations de producteurs audiovisuels le 9 juillet 2019, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022. Il introduit en outre, pour chacun de ces genres, un sous-quota indépendant représentant au moins deux tiers de ces montants.
    L'ARCOM constate que l'inscription de ces obligations dans le cahier des charges assure la continuité du cadre en vigueur jusqu'à la fin de l'exercice 2022, mis en conformité avec les dispositions réglementaires relatives à l'obligation de diversité.
    Elle relève qu'alors que l'accord professionnel du 9 juillet 2019 prévoit notamment un investissement de 32 millions d'euros par an en faveur de la production d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques d'animation, dont au moins 85 % doivent être dédiés à la production d'œuvres audiovisuelles d'animation, le projet de décret reprend seulement la part minimale de cet engagement portant sur la production d'œuvres audiovisuelles d'animation (soit 27,2 millions d'euros).
    L'ARCOM comprend que la reprise, dans le cahier des charges, du seul engagement portant sur les œuvres audiovisuelles ne remet pas en cause l'engagement global en matière d'animation tel que prévu par l'accord professionnel.


    - S'agissant de l'encadrement de la production audiovisuelle indépendante


    Les décrets TNT et CabSat du 30 décembre 2021 ont modifié le cadre réglementaire applicable à la détention et à la négociation des mandats de commercialisation et droits secondaires sur les œuvres prises en compte au titre de la production audiovisuelle indépendante. Désormais, le principe est celui d'une interdiction de détention de ces mandats par l'éditeur lorsque le producteur dispose d'une capacité de distribution ou d'un accord-cadre avec une entreprise de distribution, s'agissant tant des œuvres préachetées que coproduites. Il est toutefois possible d'y déroger en contrepartie d'une modulation de la contribution. En tout état de cause, les conventions et cahiers des charges doivent prévoir les conditions équitables, transparentes et non discriminatoires de négociation des mandats de commercialisation.
    L'ARCOM estime que la rédaction du projet de décret mériterait à cet égard d'être clarifiée. En l'état, la rédaction inchangée du cahier des charges sur ce point semble indiquer soit que seuls les mandats de commercialisation des œuvres coproduites peuvent être acquis par les éditeurs et sont encadrés au titre de la production indépendante, soit que les mandats de commercialisation portant sur les œuvres préachetées non coproduites ne sont pas encadrés, ce qui ce qui ne correspond pas strictement aux termes du décret TNT.
    L'Autorité rappelle en outre qu'en vertu du décret TNT, le cahier des charges doit préciser les conditions équitables, transparentes et non discriminatoires de la négociation des mandats de commercialisation, que le producteur dispose ou non d'une capacité de distribution ou d'un accord cadre, et que l'œuvre soit coproduite ou non.
    Enfin, l'ARCOM constate que les conditions d'acquisition et de négociation des droits secondaires sont toujours encadrées par le cahier des charges au titre de la production audiovisuelle indépendante, alors même qu'un tel encadrement n'est plus prévu ni par le décret TNT ni par la loi du 30 septembre 1986.


    2.3. Obligations d'exposition des services de médias audiovisuels à la demande


    L'article 22 du projet de cahier des charges précise que pour l'application de l'article 28 du décret SMAD, la période de référence prise en compte pour le respect de l'obligation d'exposition des œuvres en catalogue est annuelle. L'ARCOM salue ce choix effectué par le Gouvernement, en cohérence avec le régime applicable aux SMAD conventionnés.
    Elle suggère que le deuxième paragraphe du II de l'article 22 soit complété de la sorte : « Pour l'application de l'article 29 du décret n° 2021-793 du 22 juin 2021 précité, France Télévisions réserve à tout moment une proportion substantielle des œuvres dont la mise en valeur est assurée autrement que par la mention du seul titre à des œuvres européennes ou d'expression originale française. »


    2.4. Propositions de modifications complémentaires


    - S'agissant du respect des droits d'auteur


    France Télévisions, par l'ampleur et la diversité de sa contribution au financement et à l'exposition de la création audiovisuelle et cinématographique, entretient des relations très riches avec les auteurs et leurs représentants.
    L'ARCOM suggère donc qu'à l'instar des dispositions réglementaires applicables aux éditeurs privés, le cahier des charges rappelle que le soutien de France Télévisions à la création s'inscrit dans le respect de la législation française en matière de propriété intellectuelle et que les accords qu'elle conclut avec les organisations professionnelles de l'industrie cinématographique ou audiovisuelle doivent également prendre en compte les organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs pour la partie des accords qui affectent directement leurs intérêts.
    En outre, par parallélisme, là aussi, avec les règles applicables aux éditeurs privés, le cahier des charges pourrait comporter une disposition garantissant les conditions d'accès des ayants droit aux données d'exploitation de leurs œuvres sur les services de médias audiovisuels à la demande de France Télévisions et contribuant ainsi à la bonne identification des œuvres, notamment afin d'assurer leur traçabilité sur leurs différents supports d'exploitation et leur juste rémunération. La mise en place d'une immatriculation universelle obligatoire par le CNC pour toute œuvre bénéficiaire de ses soutiens depuis 2016 va dans ce sens. L'adoption plus massive de ces immatriculations constitue pour l'ARCOM une pratique qu'il convient d'encourager sur tous les points de la chaîne de valeur audiovisuelle.


    - S'agissant des autres dispositions du cahier des charges qui pourraient être mises à jour


    L'ARCOM relève que figurent au cahier des charges de France Télévisions plusieurs mentions liées à la diffusion analogique ou à l'arrivée de la télévision numérique terrestre, qui pourraient être supprimées ou adaptées dès lors que la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique a pris fin depuis 2011. C'est le cas du deuxième alinéa du III de l'article 9, du quatrième alinéa de l'article 21 et du premier alinéa de l'article 61. Plus généralement, le cahier des charges, qui reste centré sur l'édition des services linéaires, pourrait être modernisé au profit d'une structuration autour des programmes, d'une part, et des canaux de distribution, d'autre part, afin de mieux correspondre aux évolutions de l'écosystème tout en poursuivant l'objectif d'alléger la charge administrative pour l'entreprise.
    Par ailleurs, elle propose de compléter l'alinéa 8 de l'article 35 de la sorte : « Dans le respect du droit à l'information, la diffusion d'émissions, d'images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite qu'une attention particulière soit apportée d'une part au respect de la présomption d'innocence, c'est-à-dire qu'une personne non encore jugée ne soit pas présentée comme coupable, d'autre part au secret de la vie privée et enfin à l'anonymat des mineurs délinquants au sens de l'ordonnance du 2 février 1945 ou victimes ou en grande difficulté dans les conditions prévues par l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881, sans préjudice des dispositions de la délibération du 17 avril 2007 relative à l'intervention des mineurs dans le cadre d'émissions de télévision diffusées en métropole et dans les département d'outre-mer. »
    Enfin, à la première phrase de l'article 38, elle propose de remplacer les termes : « rend accessibles l'ensemble des programmes de ses services de télévision » par les termes : « rend accessibles l'ensemble des programmes de ses services de médias audiovisuels ».
    Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 7 décembre 2022.


Pour l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :
Le président,
R.-O. Maistre

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