Monsieur le Président de la République,
Les activités privées de sécurité sont encadrées par une réglementation construite progressivement depuis 1983. A ce titre, les entreprises de sécurité, les services internes chargés de la sécurité dans les entreprises ainsi que les personnes physiques ont été soumis à une autorisation administrative préalable délivrée par les préfectures. Toutefois, ce système n'était pas considéré comme satisfaisant en raison notamment de l'émiettement du traitement des demandes entre les préfectures compétentes et de l'absence de contrôle effectif de ces activités.
De plus, la montée en puissance du secteur, représentant en 2012 plus de 150 000 salariés et près de 5 000 entreprises ainsi que leur place croissante dans la sécurité globale en lien avec les forces de sécurité publique rendait nécessaire la création d'un organe de régulation de la profession.
Réclamé par l'ensemble des représentants des professionnels et souhaité par l'Etat dans le prolongement des conclusions d'une mission inter-inspections, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a été créé par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), sous la forme d'une personne morale de droit public ayant vocation à devenir « l'autorité de régulation et de contrôle de la profession ». Son statut a été précisé par un décret du 22 décembre 2011 qui l'a défini comme un « établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de l'intérieur ». A ce titre, le CNAPS assure aujourd'hui :
- une mission de police administrative : il délivre, suspend ou retire les différents agréments, autorisations et cartes professionnelles ;
- une mission disciplinaire : il assure la discipline de la profession et veille au respect du code de déontologie qui s'applique à l'ensemble des activités de sécurité privée ;
- une mission de conseil et d'assistance à la profession.
L'établissement est aujourd'hui organisé selon un modèle original qui le rapproche d'un « quasi-ordre professionnel ». Son organisation laisse ainsi une large place aux représentants des professionnels de la sécurité privée. Au niveau central, le collège constitue l'instance délibérative de l'établissement, chargée de définir les orientations générales. Il est composé de 25 membres : 11 représentants de l'Etat, 8 représentants des professionnels, 4 personnalités qualifiées et 2 magistrats. Au niveau territorial, les commissions locales d'agrément et de contrôle (CLAC), composées de manière comparable au collège, prennent les décisions individuelles, tant en matière de police administrative que d'action disciplinaire. La commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) constitue l'instance d'appel de ces décisions.
Des réformes structurelles de l'établissement public ont été réalisées entre 2015 et 2017. Ainsi la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a confié au CNAPS le contrôle des organismes de formation aux métiers de la sécurité privée. Désormais, ces organismes sont soumis à un régime d'autorisation administrative se fondant notamment sur une certification. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a créé un cadre juridique pour les échanges d'information entre les agents du CNAPS et les inspecteurs du travail et les URSSAF, ce qui permet à l'établissement de conduire de manière active une action de lutte contre le travail illégal dans le secteur de la sécurité privée et de participer pleinement à l'action des comités départementaux anti-fraudes (CODAF). La loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, qui crée un cadre juridique clair pour l'armement de certains agents de sécurité privée, a confié au CNAPS la délivrance des cartes pour ces agents, dont les missions sont particulièrement sensibles.
Si ses dix années d'existence ont confirmé l'intérêt de disposer d'un établissement public dédié à la régulation des activités privées de sécurité, elles ont également mis à jour les limites de son organisation et de son fonctionnement actuels, décrites notamment par le rapport annuel 2018 de la Cour des comptes et par le rapport « D'un continuum de sécurité vers une sécurité globale » de septembre 2018 des députés M. Jean-Michel Fauvergue et Mme Alice Thourot, sont principalement de trois ordres.
Tout d'abord, le CNAPS, créé sous la forme d'un établissement public, a un fonctionnement qui s'assimile à celui d'un ordre professionnel, dans une forme de « co-gestion » : ainsi, le collège (conseil d'administration) de l'établissement comporte des membres représentant l'Etat en nombre insuffisant pour assurer la maîtrise des orientations adoptées par le collège.
Par ailleurs, les attributions de directeur ne lui permettent pas d'exercer les pouvoirs exécutifs habituels dans ce type d'établissement sous le contrôle du conseil d'administration. La répartition des compétences entre le directeur et les autres instances de l'établissement rendent également complexe la mission de pilotage quotidien.
Enfin, cette architecture particulière du CNAPS conduit à un fonctionnement dont l'efficacité a pu être critiquée tant dans ses missions de police administrative que dans ses missions disciplinaires. Cette organisation empêche l'unification de la doctrine en matière de délivrance de titres ou de sanctions et crée structurellement les conditions pour de possibles conflits d'intérêts. Elle aboutit souvent à des délais de traitement très longs pour la délivrance de cartes professionnelles, particulièrement en Ile-de-France.
C'est dans ce cadre que l'article 38 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a habilité le Gouvernement à « adapter les modalités d'organisation, de fonctionnement et d'exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité, afin de modifier la composition de son collège et les missions des commissions d'agrément et de contrôle et d'étendre les pouvoirs exécutifs du directeur de l'établissement public et les prérogatives de ses agents de contrôle. »
L'élaboration des dispositions qui vous sont présentées a donné lieu à une large concertation menée depuis le mois de juillet 2021, notamment dans des groupes de travail dédiés puis lors de deux réunions du collège du CNAPS. Les projets de texte ont recueilli l'assentiment des membres du collège. Le résultat préserve l'originalité du système et la place des représentants des activités privées de sécurité et des organismes de formation qui leur sont liés. Il assure un équilibre entre les missions régaliennes assurées par l'établissement et le lien nécessaire avec la profession, garantissant par là-même le bon exercice de la mission de conseil du CNAPS grâce à la connaissance du terrain. Il réforme enfin l'organisation de l'établissement pour la rapprocher de celle d'un établissement public. Ces différents axes de réforme visent à rendre plus efficace les missions de délivrance de titres, de discipline et de contrôle, et à répondre aux attentes des professionnels en diminuant les délais.
La nouvelle rédaction du titre III relatif au Conseil national des activités privées de sécurité du livre VI (Activités privées de sécurité) du code de la sécurité intérieure figure à l'article 1er de l'ordonnance.
Le titre III comprend six chapitres.
Le chapitre I (dispositions générales) ne comprend pas de dispositions législatives.
Le chapitre II porte sur les missions et le fonctionnement du CNAPS.
Au sein de ce chapitre, la section relative aux missions, seule l'actualisation de la nature de l'établissement a été précisée afin que celle-ci soit expressément précisée dans la loi (établissement public de l'Etat).
La section 2, relative à la composition et au fonctionnement du CNAPS fait l'objet de plusieurs modifications : la composition du conseil d'administration est modifiée pour ajouter les représentants du personnel (2) qui siègent habituellement au sein de l'instance délibérante des établissements publics. Le nombre de membres passera de 25 à 20. Siègeront, outre le président du conseil d'administration, des représentants de l'Etat (11), des personnalités qualifiées (dont le nombre passera de 4 à 2), des personnes issues des activités privées de sécurité et de formation en sécurité privée (3) et le président de la commission de discipline. La répartition des sièges assure ainsi à l'Etat une représentation majoritaire, répondant aux critiques issues des rapports sur l'établissement.
Le chapitre III transfère au directeur du CNAPS l'exercice de la mission de police administrative (délivrance d'agréments, d'autorisations et de cartes professionnelles) jusqu'à présent, du ressort des commissions locales d'agrément et de contrôle, lesquelles sont supprimées.
Les missions de contrôle et d'exercice de l'action disciplinaire font l'objet du chapitre IV.
La section 1 est relative à la mission de contrôle des agents du CNAPS. Elle étend l'exercice des contrôles sur pièces ou sur place aux locaux affectés à un usage privé ou d'habitation, lorsqu'ils sont utilisés à des fins professionnelles, avec les garanties de droit commun en matière de visite domiciliaire.
La section 2 est relative aux sanctions disciplinaires qui s'appliquent aux manquements constatés. Le pouvoir disciplinaire qui appartient aujourd'hui aux commissions locales d'agrément et de contrôle, et, en appel à la commission nationale d'agrément et de contrôle, est entièrement réformé. Il est ainsi désormais partagé : le directeur du CNAPS prononce les avertissements et les blâmes, assortis le cas échéant de pénalités financières dans la limite d'un montant maximal fixé par arrêté. Pour être contestées, ses décisions doivent faire l'objet d'un recours préalable obligatoire suspensif devant la commission de discipline. Les autres sanctions (interdictions temporaire d'exercice, sanctions assorties des pénalités financières les plus importantes) sont prononcées par la commission de discipline, saisie par le directeur. Celle-ci pourra également, si elle estime que la sanction proposée est trop élevée, prononcer des sanctions d'un niveau moindre. Présidée par un membre de la juridiction administrative, la commission comprend par ailleurs un magistrat judiciaire, des représentants de l'Etat (dont le nombre, prévu par le décret d'application, s'élève à 3) et des représentants de la profession (au nombre de 2). Les décisions de la commission peuvent désormais faire l'objet d'un recours du directeur du CNAPS devant la juridiction administrative.
La section 3 précise les possibilités de publication des sanctions.
Le chapitre V est relatif aux sanctions pénales.
L'article unique du chapitre VI renvoie à un décret en Conseil d'Etat.
Les dispositions de coordination, dans le code de la sécurité intérieure et dans le code des transports, font l'objet de l'article 2 du projet d'ordonnance.
L'application outre-mer est prévue à l'article 3 du projet d'ordonnance.
Les dispositions d'entrée en vigueur figurent à l'article 4 du projet d'ordonnance. Elles prévoient une entrée en vigueur de l'ordonnance aux dates et dans les conditions prévues par le décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le 31 décembre 2022 :
- les dispositions relatives à l'organisation de l'établissement (conseil d'administration, comité d'expertise et directeur) entrent en vigueur au 1er septembre 2022 ;
- les autres dispositions, relatives à l'exercice du pouvoir de police administrative, aux contrôles et aux sanctions disciplinaires, entrent en vigueur au 1er mai 2022 ;
- les dossiers de police administrative et de discipline n'ayant pas donné lieu à une décision de la commission locale d'agrément et de contrôle avant le 1er mai 2022 relèvent du nouveau régime prévu par l'ordonnance ;
- les recours administratifs préalables formés à l'encontre des décisions des commissions locales intervenues avant le 1er mai 2022 relèvent du régime antérieur à l'ordonnance et seront examinés par la commission nationale d'agrément et de contrôle.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation en vous précisant que ces dispositions seront complétées par un décret en Conseil d'Etat ayant également été soumis pour avis au Conseil d'Etat, lequel institue notamment, au sein du CNAPS, une commission d'expertise, composée des représentants de l'ensemble des métiers de la sécurité, y compris la formation, chargée d'éclairer le conseil d'administration ou le directeur sur les questions touchant à la profession, afin de leur permettre de mieux appréhender leurs différentes missions.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d'organisation, de fonctionnement et d'exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité