Déclaration « Pour la ratification universelle et l'application effective de la Convention contre les disparitions forcées » (D-2024-3)

Version initiale


  • Assemblée plénière 25 avril 2024
    (Adoption à l'unanimité)


    1. Le 27 mars 2024 a débuté à Genève, avec le partenariat du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, la Campagne en faveur de la ratification universelle de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (1). La Commission consultative des droits de l'homme (CNCDH) salue cette initiative soutenue par la France et entend pleinement se mobiliser pour contribuer à son succès.
    2. Adopté en 2006 et entré en vigueur en 2010, ce traité codifie la définition du crime de disparitions forcées entendu comme « l'arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'Etat ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'Etat, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi » (art. 2). Il affirme que sa « pratique généralisée ou systématique (…) constitue un crime contre l'humanité » (art. 5).
    3. Ce phénomène mondial, qui demeure un fléau dévastateur pour les victimes et leurs familles, est trop souvent sous-estimé dans nombre de pays. Depuis sa création, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires des Nations unies a porté 58 606 cas à l'attention de 109 Etats (2).
    4. La Convention prévoit des mesures nationales et internationales de prévention et de protection, de justice et de réparation (3), en vue d'éradiquer cette pratique, mettant l'accent sur le droit des victimes directes et indirectes (4). A ce jour, la Convention a été ratifiée par 72 Etats et signée par 41 autres. Il est essentiel d'en accroître le nombre d'adhésion et de ratification afin de tendre vers l'universalité de la Convention ainsi que vers son application effective. Il convient par ailleurs d'encourager toutes les parties à accepter les procédures facultatives de plaintes individuelles (art. 31) et étatiques (art. 32) prévues par le texte. L'objectif d'adhésion universelle à la Convention est rappelé systématiquement par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution biennale relative à la Convention (5).
    5. La France est, avec l'Argentine, à l'origine de la rédaction, de l'adoption et de la promotion de la Convention. Dès 2007, la France l'a ratifiée et et a pris un certain nombre de mesures pour intégrer ses dispositions dans son droit interne. Les autorités judiciaires françaises s'apprêtent à ouvrir en mai 2024 le premier procès pour disparitions forcées constitutives de crimes contre l'humanité, marquant ainsi une avancée historique dans la lutte contre l'impunité (6). La CNCDH rappelle cependant que la législation française réprimant les disparitions forcées n'est toujours pas totalement conforme à l'approche internationale, en ce qu'elle exige l'identification d'un « plan concerté » pour la qualification de crime contre l'humanité. Ce point a été souligné par le Comité des disparitions forcées dans ses observations finales du 19 octobre 2021 ainsi que dans le cadre des recommandations issues du dernier Examen périodique universel de la France de 2023 (7).
    6. Dans ce contexte, la CNCDH souhaite participer à la Campagne menée par les Etats parrains, dont la France, et par l'Initiative pour la Convention contre les disparitions forcées (8). Des consultations régionales débuteront en mai-juin 2024 incluant les Etats, des familles de personnes disparues et la société civile. Elles se concluront par le Congrès mondial sur les disparitions forcées qui aura lieu à Genève du 14 au 16 janvier 2025.
    7. La CNCDH considère que les Institutions nationales des droits de l'homme, au titre de leurs missions énoncées dans les Principes de Paris, ont un rôle fondamental à jouer aux différentes étapes de la Campagne menant au Congrès de janvier 2025.
    Recommandation 1 : La CNCDH recommande aux autorités françaises de poursuivre leurs efforts diplomatiques en vue de la ratification universelle et de la mise en œuvre effective de la Convention contre les disparitions forcées.
    Recommandation 2 : La CNCDH recommande aux autorités françaises de mettre la législation nationale en conformité avec l'article 5 de la Convention contre les disparitions forcées en supprimant l'exigence d'un plan concerté pour la qualification de cette pratique comme crime contre l'humanité, et en fournissant à la justice française les moyens adéquats de mener à leur termes les procédures judiciaires.
    Recommandation 3 : La CNCDH recommande à la France, en tant qu'Etat parrain, d'user de son influence auprès des autres parties prenantes afin que les institutions nationales des droits de l'homme soient associées à tous les stades du processus.


    (1) Voir le site du Congrès.
    (2) Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, A/HRC/45/13, 7 août 2020.
    (3) Voir notamment la présentation du Comité des disparitions forcées et la fiche d'information n° 6/Rev.4 publiée le 31 mars 2024 par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies.
    (4) Article 24(1) : « Aux fins de la présente Convention, on entend par “victime” la personne disparue et toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait d'une disparition forcée ».
    (5) Voir la dernière résolution adoptée le 19 décembre 2023, Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, A/RES/78/207, § 4. L'Assemblée générale et le Conseil des droits de l'homme des Nations unies encouragent tous les Etats Membres à participer au Congrès mondial pour promouvoir la ratification de la Convention. V. ibid., § 2 et Résolution 54/14 du Conseil des droits de l'homme adoptée le 11 octobre 2023, Disparitions forcées ou involontaires, A/HRC/RES/54/14, § 1.
    (6) Voir par exemple, Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), « Q&A sur l'affaire Dabbagh : la justice française ordonne le procès de trois hauts responsables syriens devant la Cour d'assises de Paris », 4 avril 2023.
    (7) Comité des disparitions forcées, Observations finales concernant les renseignements complémentaires soumis par la France en application de l'article 29 (par. 4) de la Convention, CED/C/FRA/OAI/1, § 10. Ce point a été évoqué lors du dernier Examen périodique universel de la France (Rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel - France, 17 juillet 2023, A/HRC/54/5, par. 45.22).
    (8) La CEDI (pour Convention against Enforced Disappearances Initiative) est une association indépendante régie par la loi française de 1901 ( https://www.cedi193.org/fr).

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 200,1 Ko
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