Décision n° 2023-6287 AN du 26 avril 2024

Version initiale


  • (AN, ARIÈGE [1RE CIRC.])


    Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 novembre 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 27 novembre 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Martine FROGER, candidate aux élections qui se sont déroulées les 26 mars et 2 avril 2023, dans la 1re circonscription de l'Ariège, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6287 AN.
    Au vu des textes suivants :


    - la Constitution, notamment son article 59 ;
    - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    - le code électoral ;
    - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;


    Au vu des pièces suivantes :


    - les observations présentées pour Mme FROGER, députée, par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 décembre 2023 ;
    - les autres pièces produites et jointes au dossier ;


    Et après avoir entendu le rapporteur ;
    Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :


    1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l'article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6.
    2. Le compte de campagne de Mme FROGER devait être déposé avant le 2 juin 2023 à 18 heures. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que le compte de campagne qui lui était soumis avait été déposé le 3 juin 2023, soit après l'expiration de ce délai.
    3. Mme FROGER fait valoir que son expert-comptable, qu'elle avait mandaté à cette fin, s'est présenté à un bureau de poste pour déposer son compte de campagne le 2 juin 2023 à 17 h 40, mais qu'à la suite d'une erreur sur l'horaire de fermeture de ce bureau, le cachet de la poste n'a été apposé sur le pli contenant son compte que le lendemain, soit le 3 juin 2023.
    4. Ces circonstances sont établies. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme FROGER.
    5. L'article LO 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.
    6. Mme FROGER justifie avoir été contrainte de charger son expert-comptable de déposer en son nom son compte de campagne au motif qu'elle était dans l'incapacité physique de se déplacer et que son mandataire était lui-même souffrant. Il résulte de l'instruction que Mme FROGER a pris les dispositions nécessaires pour que son compte soit déposé dans le délai prescrit par l'article L. 52-12 auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et que son envoi tardif le 3 juin 2023, soit le lendemain de l'expiration du délai légal, résulte d'une carence imputable à l'expert-comptable. Il résulte également de l'instruction que cet envoi tardif ne procède ni d'une fraude ni d'une volonté de dissimulation et qu'il n'a privé ni la Commission ni le Conseil constitutionnel des informations et des justificatifs nécessaires au contrôle de la licéité des dépenses et des recettes de la campagne électorale et ne s'est accompagné d'aucun autre manquement. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application de l'article LO 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de Mme FROGER.


    Le Conseil constitutionnel décide :


  • Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.


  • Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 avril 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
    Rendu public le 26 avril 2024.

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