Décret n° 2023-1088 du 24 novembre 2023 relatif à l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales

NOR : FAMA2330904D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2023/11/24/FAMA2330904D/jo/texte
Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2023/11/24/2023-1088/jo/texte
JORF n°0273 du 25 novembre 2023
Texte n° 57

Version initiale


Publics concernés : personnes victimes de violences conjugales, caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole.
Objet : modalités d'attribution et de gestion de l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales.
Entrée en vigueur : les dispositions du décret entrent en vigueur le 28 novembre 2023 .
Notice : le décret précise les modalités d'attribution de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, notamment le niveau de ressources au-dessus duquel l'aide est attribuée sous forme de prêt, le barème de l'aide en fonction des ressources et du nombre d'enfants à charge et les modalités du remboursement de l'aide attribuée sous forme de prêt.
Références : le décret est pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Le décret ainsi que les dispositions du code de l'action sociale et des familles qu'il modifie peuvent être consultés, dans leur version issue de cette modification, sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr)


La Première ministre,
Sur le rapport de la ministre des solidarités et des familles,
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code civil, notamment son article 515-9 ;
Vu le code pénal, notamment ses articles 132-80 et 222-44-1 ;
Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 41-1 et 41-2 ;
Vu le code du travail, notamment son article L. 3231-2 ;
Vu l'avis du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales en date du 7 novembre 2023 ;
Vu l'avis du conseil central d'administration de la Mutualité sociale agricole en date du 14 novembre 2023,
Décrète :


  • Après le chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :


    « Chapitre IV bis
    « Aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales


    « Section 1
    « Ouverture du droit


    « Sous-section 1
    « Conditions d'ouverture du droit


    « Art. D. 214-11.-Les pièces justificatives mentionnées à l'article L. 214-9 attestant de la situation de violences conjugales du demandeur sont valables un an.


    « Art. D. 214-12.-L'aide financière mentionnée à l'article L. 214-9 ne peut être attribuée qu'une fois par période de douze mois à compter de la date de la décision d'attribution.


    « Sous-section 2
    « Détermination de la modalité et du montant de l'aide


    « Art. D. 214-13.-L'aide financière mentionnée à l'article L. 214-9 prend la forme d'un prêt sans intérêt ou d'une aide non remboursable. Elle est versée en une fois.
    « Elle est attribuée sous forme de prêt sans intérêt lorsque le demandeur de l'aide perçoit des ressources, définies à l'article D. 214-15, excédant un pourcentage du montant du salaire minimum de croissance mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail, net des prélèvements sociaux obligatoires, rapporté à une valeur mensuelle. Ce pourcentage est fixé à :
    « 1° 150 % pour une personne seule ;
    « 2° 225 % pour une personne seule avec un enfant à charge ;
    « 3° 270 % pour une personne seule avec deux enfants à charge ;
    « 4° 330 % pour une personne seule avec trois enfants à charge ou plus.
    « Lorsque le demandeur perçoit des ressources inférieures ou égales au pourcentage fixé au deuxième alinéa, l'aide est attribuée sous la forme d'une aide non remboursable.
    « Les montants des seuils de ressources résultant de l'application du présent article sont revalorisés au 1er avril de chaque année, sur la base du montant du salaire minimum de croissance mentionné au deuxième alinéa, en vigueur au 1er janvier de la même année.


    « Art. D. 214-14.-Le montant de l'aide est égal au montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au premier alinéa de l'article L. 262-3. Il est majoré en fonction du nombre d'enfants à charge au sens de l'article D. 214-16, dans les conditions prévues à l'article R. 262-1.
    « Lorsque le bénéficiaire perçoit des ressources, définies à l'article D. 214-15, supérieures à un pourcentage du montant du salaire minimum de croissance mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail, net des prélèvements sociaux obligatoires, en vigueur au 1er janvier précédant la demande de l'aide, rapporté à une valeur mensuelle, le montant de l'aide calculé en application du 1er alinéa est minoré :
    « 1° De 20 % lorsque les ressources sont supérieures à 50 % du salaire de croissance précité net mensuel et inférieures ou égales à ce salaire ;
    « 2° De 40 % lorsque les ressources sont supérieures à ce salaire et inférieures ou égales à 150 % du même salaire ;
    « 3° De 60 % lorsque les ressources sont supérieures à 150 % du salaire précité.
    « Les montants des seuils de ressources calculés en application du présent article sont revalorisés au 1er avril de chaque année, sur la base du montant du salaire minimum de croissance mentionné au deuxième alinéa, en vigueur au 1er janvier de la même année.


    « Art. D. 214-15.-I.-Sont pris en compte pour la détermination du montant de l'aide :
    « 1° Les revenus d'activité professionnelle salariée et non salariée ;
    « 2° L'aide légale ou conventionnelle aux salariés en chômage partiel ;
    « 3° Les indemnités perçues à l'occasion des congés légaux de maternité, de paternité ou d'adoption ;
    « 4° Les indemnités journalières de sécurité sociale, de base et complémentaires, perçues en cas d'incapacité physique médicalement constatée de continuer ou de reprendre le travail, d'accident du travail ou de maladie professionnelle pendant une durée qui ne peut excéder trois mois à compter de l'arrêt de travail ;
    « 5° Les allocations prévues aux 1° et 3° de l'article L. 5421-2 du code du travail ;
    « 6° La rémunération garantie perçue par les travailleurs handicapés admis dans un établissement ou un service d'aide par le travail ;
    « 7° Les pensions de retraite, perçus le mois précédant la demande d'aide ou, si la personne n'en a pas connaissance, l'avant dernier mois précédant cette demande.
    « II.-Pour les travailleurs non-salariés, les revenus d'activité professionnelle mentionnés au 1° du I sont appréciés de la manière suivante :
    « 1° Pour les travailleurs non-salariés non agricoles, est pris en compte le montant du dernier chiffre d'affaire ou bénéfice connu déclaré, divisé par un, trois ou douze, selon que la périodicité de la déclaration est mensuelle, trimestrielle ou annuelle ;
    « 2° Pour les travailleurs non-salariés agricoles, le montant du dernier bénéfice annuel connu déclaré, divisé par douze ;
    « 3° Dans le cas où le travailleur non salarié n'a déclaré aucun chiffre d'affaires ou bénéfice, ses revenus professionnels sont estimés égaux au montant du revenu de solidarité active mentionné au premier alinéa de l'article L. 262-3.
    « III.-Le montant de chaque catégorie de ressources mentionnée aux I et II est tronqué après la virgule pour l'appréciation des ressources prises en compte pour la détermination de la nature et du montant de l'aide.


    « Art. D. 214-16.-Pour la détermination des seuils de ressources prévus aux articles D. 214-13 et D. 214-14, sont pris en compte les enfants à charge du demandeur à la date de la demande et relevant de son autorité parentale au sens de l'article 371-2 du code civil, ou qui en relevaient jusqu'à leur dix-huitième anniversaire, âgés de moins de vingt-et-un ans.


    « Section 2
    « Attribution et service de l'aide


    « Sous-section 1
    « Organisation de la gestion de l'aide


    « Art. D. 214-17.-La Caisse nationale d'allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole assurent, chacune en ce qui la concerne et pour le compte de l'Etat, la gestion administrative, comptable et financière de l'aide. Les modalités de financement de l'aide par l'Etat, de contrôle de l'aide par les organismes débiteurs de prestations familiales et de suivi statistique de l'aide sont fixées par des conventions conclues respectivement par le directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales et celui de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole d'une part, et le ministre chargé de la cohésion sociale, le ministre chargé des droits des femmes, et, le cas échéant, le ministre chargé de l'agriculture d'autre part.
    « La Caisse nationale d'allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole centralisent les opérations financières et comptables réalisées au titre de l'aide d'urgence, respectivement par les caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole.


    « Paragraphe 2
    « Instruction de la demande d'aide


    « Art. D. 214-18.-La demande d'aide est réalisée au moyen d'un formulaire homologué auprès de l'organisme en charge de son service.
    « Le formulaire de demande comporte des informations relatives à l'identité, à la situation familiale et professionnelle ainsi qu'aux ressources du demandeur.
    « La demande est assortie d'une copie de l'une des pièces mentionnées à l'article L. 214-9 attestant de la situation de violences conjugales.
    « Le formulaire prévoit l'engagement par le demandeur de l'aide de rembourser celle-ci lorsqu'elle est accordée sous forme de prêt, sauf dans les cas mentionnés à la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 214-12, et de transmettre à l'organisme qui la lui a attribuée les informations sur l'existence d'une procédure pénale, son état d'avancement et son issue, notamment l'éventuelle condamnation de son conjoint, partenaire de pacte civil de solidarité ou concubin à l'une des peines mentionnées à l'article L. 214-12. Il permet le recueil du consentement du demandeur à la transmission de sa demande d'aide auprès du président du conseil départemental compétent.
    « La demande est adressée à l'organisme dont la personne ou un membre de son foyer est allocataire, le cas échéant, et, à défaut, à l'organisme de son adresse de résidence déterminé en application de l'article R. 514-1 du code de la sécurité sociale. Dans le cas où le demandeur relève d'un foyer dont aucune personne n'est allocataire, il n'est pas tenu compte du conjoint, partenaire de pacte civil de solidarité ou concubin concerné par la situation à l'origine de la demande d'aide pour la détermination de l'organisme compétent, ni, le cas échéant, du nouveau conjoint, partenaire de pacte civil de solidarité ou concubin du demandeur.


    « Art. D. 214-19.-Les délais de versement mentionnés à l'article L. 214-10 courent à compter du recueil par l'organisme débiteur des prestations familiales de l'ensemble des informations nécessaires à l'appréciation des conditions d'ouverture du droit à l'aide et à son calcul.


    « Art. D. 214-20.-La décision d'attribution de l'aide ou de rejet de la demande est motivée et notifiée par l'organisme chargé d'instruire la demande par tout moyen permettant d'établir une date certaine de réception. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que la juridiction compétente.


    « Sous-section 3
    « Remboursement du prêt


    « Art. D. 214-21.-Le remboursement de l'aide attribuée sous forme de prêt est exigible de son bénéficiaire à compter du vingt-quatrième mois qui en suit l'attribution, sauf dans le cas où :
    « 1° Une procédure pénale mentionnée au premier alinéa de l'article L. 214-12 est en cours, auquel cas le remboursement et la prescription du recouvrement restent suspendus jusqu'à ce que l'organisme qui a attribué l'aide ait connaissance de l'issue de cette procédure.
    « 2° La procédure pénale engagée à l'encontre du conjoint, partenaire de pacte civil de solidarité ou concubin du bénéficiaire a donné lieu à une décision définitive demandant à celui-ci le remboursement du prêt au titre de la peine complémentaire prévue à l'article 222-44-1 du code pénal, de la mesure de composition pénale prévue au 20° de l'article 41-2 du code de procédure pénale ou de la mesure de classement sous condition de versement pécuniaire prévue au 4° de l'article 41-1 du même code.
    « Elle est remboursée par son bénéficiaire par fractions égales, en vingt-quatre mensualités au maximum, à compter de la date d'exigibilité déterminée en application du présent article.
    « Le bénéficiaire du prêt peut opter, alternativement ou cumulativement, pour un remboursement anticipé, ainsi que pour un remboursement en une seule fois ou sur un nombre de mensualités inférieur à vingt-quatre, ou pour un prélèvement sur les autres prestations à échoir, mentionnées à l'article L. 214-14, qui lui sont versées par l'organisme débiteur de prestations familiales.
    « Il peut, au regard de sa situation financière, solliciter une remise totale ou partielle du remboursement du prêt auprès de l'organisme qui le lui a attribué, dans les conditions prévues par les articles D. 847-1 à D. 847-3 du code de la sécurité sociale en cas d'indus de prime d'activité.


    « Art. D. 214-22.-Les décisions de remise et de réduction du remboursement du prêt, ainsi que les motifs d'exonération de son remboursement prévus à l'article L. 214-12, éteignent les créances correspondantes des organismes qui ont attribué les prêts. Le montant correspondant à ces créances éteintes, ainsi qu'aux admissions en non-valeur, est à la charge de l'Etat.


    « Section 3
    « Droits et aides accessoires au revenu de solidarité active


    « Art. D. 214-23.-L'organisme qui attribue l'aide met à la disposition du bénéficiaire une attestation d'attribution de l'aide, précisant sa forme, lui permettant le cas échéant de solliciter le bénéfice de droits et aides accessoires au revenu de solidarité active auprès des organismes qui les attribuent.


    « Art. D. 214-24.-La demande du bénéfice des droits et des aides accessoires au revenu de solidarité active est instruite par les institutions et organismes qui les attribuent, en tenant notamment compte de la situation financière, sociale et professionnelle des personnes.


    « Section 4
    « Contrôle, contentieux et lutte contre la fraude


    « Art. D. 214-25.-Le délai maximal du remboursement des indus en un ou plusieurs versements prévus à l'article L. 214-14 est fixé à douze mois.
    « Sont applicables à l'aide d'urgence :
    « 1° Les dispositions des articles R. 847-1, R. 847-2 et R. 847-3 du code de la sécurité sociale ;
    « 2° Les dispositions de l'article D. 847-1 du même code, lorsque le bénéficiaire de l'aide est allocataire à la date de constatation de l'indu. Dans le cas contraire, l'indu est récupérable par fractions égales en douze mensualités maximum. »


  • Les dispositions du présent décret entrent en vigueur le 28 novembre 2023.


  • La ministre des solidarités et des familles et la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sont chargées, chacune en ce qui la concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait le 24 novembre 2023.


Élisabeth Borne
Par la Première ministre :


La ministre des solidarités et des familles,
Aurore Bergé


La ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations,
Bérangère Couillard

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 256,8 Ko
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