Version initiale


  • (LOI RELATIVE AUX JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES DE 2024 ET PORTANT DIVERSES AUTRES DISPOSITIONS)


    Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, sous le n° 2023-850 DC, le 17 avril 2023, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Eric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Elise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Elisa MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD'HOMME, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, René PILATO, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, M. Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN et M. Nicolas THIERRY, députés.
    Au vu des textes suivants :


    - la Constitution ;
    - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    - le code de justice administrative ;
    - le code monétaire et financier ;
    - le code pénal ;
    - le code de la santé publique ;
    - le code de la sécurité intérieure ;
    - le code du sport ;
    - le code des transports ;
    - la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
    - la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 ;
    - le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;


    Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 10 mai 2023 ;
    Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la saisine ;
    Et après avoir entendu le rapporteur ;
    Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :


    1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 10, 11, 16 et de certaines dispositions de ses articles 5, 9, 13, 15, 17 et 18.
    2. Ils contestent en outre la conformité d'un article 8 bis du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Or, il résulte de l'article 61 de la Constitution que ne peuvent être déférés au Conseil constitutionnel que les textes qui, à la date à laquelle une des autorités habilitées ou des parlementaires prennent l'initiative de saisir le Conseil, ont le caractère de lois, c'est-à-dire ceux qui, au terme de la procédure législative, ont été définitivement adoptés dans l'ensemble de leurs dispositions. En revanche, est exclue toute contestation d'une disposition qui ne figure pas dans la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel. Dès lors, les griefs dirigés contre l'article 8 bis du projet de loi, qui ne figure pas dans le texte définitivement adopté par le Parlement, sont inopérants.


    - Sur certaines dispositions de l'article 5 :


    3. L'article 5 de la loi déférée insère notamment un nouvel article L. 232-12-2 au sein du code du sport visant à permettre au laboratoire accrédité par l'Agence mondiale antidopage en France de procéder, dans certains cas, à la comparaison d'empreintes génétiques et à l'examen des caractéristiques génétiques d'un sportif.
    4. Les députés requérants reprochent à ces dispositions d'autoriser, de manière pérenne, la réalisation d'analyses génétiques sans prévoir que le consentement du sportif contrôlé doit préalablement être recueilli. Ils dénoncent également l'absence de nécessité de l'une des finalités de ces analyses, consistant à rechercher une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d'augmentation de la performance. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée, du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de la liberté individuelle.
    5. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Ce droit requiert que soit observée une particulière vigilance dans l'analyse et le traitement des données génétiques d'une personne.
    6. En application de l'article L. 232-12 du code du sport, des prélèvements biologiques destinés à mettre en évidence l'usage de procédés prohibés ou à déceler la présence dans l'organisme de substances interdites peuvent être réalisés, à l'occasion des contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage, sur tout sportif au sens de l'article L. 230-3, c'est-à-dire toute personne qui participe ou se prépare à une manifestation sportive. L'article L. 232-18 du même code prévoit que les analyses de ces prélèvements sont réalisées par tout laboratoire désigné à cette fin par l'agence et accrédité ou approuvé par l'Agence mondiale antidopage.
    7. Les dispositions contestées prévoient que, dans certains cas, un laboratoire accrédité par cette agence peut procéder, à partir des prélèvements sanguins ou urinaires qui lui sont transmis, à la comparaison d'empreintes génétiques et à l'examen de caractéristiques génétiques.
    8. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer les moyens de prévenir et de rechercher les manquements aux règles relatives à la lutte contre le dopage, qui tendent à assurer la protection de la santé des sportifs ainsi que la loyauté des compétitions. Il a ainsi poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de sauvegarde de l'ordre public.
    9. En deuxième lieu, le laboratoire accrédité ne peut procéder à la comparaison d'empreintes génétiques et à l'examen de caractéristiques génétiques qu'aux seules fins de mettre en évidence la présence dans l'échantillon prélevé sur un sportif d'une substance interdite et l'usage par ce dernier d'une substance ou d'une méthode interdites.
    10. D'une part, ces analyses génétiques ne peuvent être mises en œuvre que pour la recherche d'une administration de sang homologue, d'une substitution d'échantillons prélevés, d'une mutation génétique dans un ou plusieurs gènes impliqués dans la performance induisant une production endogène d'une substance interdite, ou d'une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d'augmentation de la performance. A cet égard, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances et des techniques scientifiques, les dispositions ainsi prises par le législateur dès lors que les choix qu'il a opérés ne sont pas manifestement inappropriés à l'objectif visé.
    11. D'autre part, il ne peut être procédé à ces analyses génétiques que dans l'hypothèse où les autres techniques disponibles ne permettent pas de détecter une substance ou une méthode interdites.
    12. En troisième lieu, d'une part, les analyses génétiques sont effectuées sur des échantillons pseudonymisés et portent sur les seules parties du génome pertinentes. Les données analysées ne peuvent conduire à révéler l'identité des sportifs ni servir à leur profilage ou à leur sélection à partir d'une caractéristique génétique donnée. Ces analyses sont réalisées à partir de segments d'acide désoxyribonucléique non codants ou, si elles nécessitent l'examen de caractéristiques génétiques, ne peuvent conduire à donner d'autres informations que celles recherchées ni permettre d'avoir une connaissance de l'ensemble des caractéristiques génétiques de la personne. D'autre part, le traitement des données issues de ces analyses est strictement limité aux données nécessaires à la recherche des cas précités. En outre, les données génétiques analysées sont détruites sans délai lorsqu'elles ne révèlent la présence d'aucune substance ou l'utilisation d'aucune méthode interdites ou, dans le cas contraire, au terme des poursuites disciplinaires ou pénales engagées.
    13. En dernier lieu, ces dispositions prévoient que ces analyses génétiques ne peuvent être mises en œuvre que si la personne contrôlée a été expressément informée, préalablement au prélèvement, et en particulier au moment de son inscription à chaque compétition sportive, de la possibilité que les échantillons prélevés fassent l'objet de telles analyses, dont la nature et les finalités lui sont alors précisées. La personne doit alors également être informée, selon les modalités fixées au chapitre 1er du titre III du livre 1er de la première partie du code de la santé publique, de l'éventualité d'une découverte incidente de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d'une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins pour elle-même ou au bénéfice de membres de sa famille potentiellement concernés et de ses conséquences, ainsi que de la possibilité de s'opposer à ce qu'une telle découverte lui soit révélée.
    14. Il appartiendra aux autorités administratives compétentes de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les conditions dans lesquelles cette information est délivrée au sportif sont de nature à garantir que, en décidant de prendre part à la compétition, il consent également à ce que les échantillons prélevés puissent faire l'objet d'analyses génétiques.
    15. Il résulte de tout ce qui précède que, en l'état des connaissances et des techniques scientifiques, les dispositions contestées ne méconnaissent pas, sous la réserve mentionnée au paragraphe précédent, le droit au respect de la vie privée.
    16. Par conséquent, l'article L. 232-12-2 du code du sport, qui ne méconnaît pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ou la liberté individuelle, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est, sous la même réserve, conforme à la Constitution.


    - Sur certaines dispositions de l'article 9 :


    17. L'article 9 modifie notamment plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au régime juridique des systèmes de vidéoprotection.
    18. Selon les députés requérants, ces dispositions méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée. Ils reprochent d'abord à ces dispositions d'abroger l'article L. 251-7 du code de la sécurité intérieure qui prévoyait la transmission d'un rapport à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ils dénoncent également la suppression des infractions pénales prévues à l'article L. 254-1 du même code, qui réprimaient certains manquements relatifs à l'installation et au fonctionnement des dispositifs de vidéoprotection. Ils critiquent par ailleurs le renvoi par l'article L. 255-1 à un décret de la détermination des modalités d'information et d'exercice des droits des personnes susceptibles d'être filmées par un système de vidéoprotection, et soutiennent, pour le même motif, que cet article serait entaché d'incompétence négative.
    19. Selon eux, faute de se conformer à certains projets de normes européennes en matière d'intelligence artificielle, le législateur aurait également méconnu le principe de « clarté et de prévisibilité de la loi ».
    20. En premier lieu, d'une part, en se bornant à supprimer la remise par le Gouvernement d'un rapport à la Commission nationale de l'informatique et des libertés faisant état de l'activité des commissions départementales de vidéoprotection et des conditions d'application des dispositions de ce code en la matière, les dispositions contestées du 6° du paragraphe I de l'article 9 ne privent pas de garanties légales le droit au respect de la vie privée.
    21. D'autre part, en application de l'article L. 251-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant du présent article, les systèmes de vidéoprotection mis en œuvre sur la voie publique par les autorités publiques sont soumis au régime des traitements de données à caractère personnel. Leur sont ainsi applicables les dispositions pénales prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal qui répriment les atteintes aux droits des personnes résultant des fichiers ou des traitements informatiques. Ainsi, en tout état de cause, il ne saurait être reproché aux dispositions contestées de priver de garanties légales le droit au respect de la vie privée au motif que, en réécrivant l'article L. 254-1 du code de la sécurité intérieure, elles ne permettraient plus de réprimer les manquements relatifs à l'installation et au fonctionnement des dispositifs de vidéoprotection.
    22. En outre, le législateur pouvait, sans priver de garanties légales le droit au respect de la vie privée ni méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret les modalités d'application des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à la vidéoprotection, en particulier celles relatives à l'information et à l'exercice des droits des personnes susceptibles d'être filmées par un tel système.
    23. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit être écarté.
    24. En second lieu, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international. Le grief tiré de ce que, faute de s'être conformé à certaines normes du droit de l'Union européenne, au demeurant encore en cours d'élaboration, le législateur aurait méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ne peut dès lors qu'être écarté.
    25. Il résulte de ce qui précède que la référence « L. 251-7 » figurant au 6° du paragraphe I de l'article 9 de la loi déférée ainsi que l'article L. 255-1 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.


    - Sur l'article 10 :


    26. L'article 10 de la loi déférée prévoit, à titre expérimental, que les images collectées au moyen d'un système de vidéoprotection ou de caméras installées sur des aéronefs peuvent faire l'objet de traitements algorithmiques afin de détecter et signaler certains événements.
    27. Les députés requérants font d'abord valoir que la durée de cette expérimentation serait excessive au motif qu'elle est prévue jusqu'au 31 mars 2025 alors qu'elle serait destinée à s'appliquer aux jeux Olympiques et Paralympiques qui s'achèveront en septembre 2024.
    28. Ils soutiennent ensuite que ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative faute de définir les événements que les traitements algorithmiques ont pour objet de détecter, les situations dans lesquelles ils peuvent être utilisés et les conditions d'habilitation et de formation des agents en faisant usage.
    29. Ils estiment en outre que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'aller et de venir, le droit de manifester, la liberté d'opinion ainsi que le droit au respect de la vie privée. Au soutien de ces griefs, ils reprochent à ces dispositions de ne pas entourer le recours à des traitements algorithmiques de garanties suffisantes. En particulier, ils font valoir que le champ d'application de ces dispositions, qui ne se limite pas aux manifestations liées aux jeux Olympiques et Paralympiques, serait trop large et que la détection de certains événements conduirait nécessairement au traitement de données biométriques alors même que la loi l'interdit.
    30. Enfin, ils soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi, dès lors que les critères sur lesquels seront fondés les traitements algorithmiques n'excluraient pas toute discrimination, et qu'elles porteraient atteinte à la sûreté et à la dignité de la personne humaine en permettant le traitement des images par des algorithmes sans intervention d'un être humain.
    31. Aux termes de l'article 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Si, sur le fondement de cette disposition, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle.
    32. Il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe également d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.
    33. Pour répondre à l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public, le législateur peut autoriser le traitement algorithmique des images collectées au moyen d'un système de vidéoprotection ou de caméras installées sur des aéronefs. Si un tel traitement n'a ni pour objet ni pour effet de modifier les conditions dans lesquelles ces images sont collectées, il procède toutefois à une analyse systématique et automatisée de ces images de nature à augmenter considérablement le nombre et la précision des informations qui peuvent en être extraites. Dès lors, la mise en œuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties particulières de nature à sauvegarder le droit au respect de la vie privée.
    34. Afin de prévenir certaines atteintes à l'ordre public, l'article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que le préfet peut autoriser l'installation de systèmes de vidéoprotection sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public. Le chapitre II du titre IV du livre II du même code détermine, aux mêmes fins, les conditions dans lesquelles certains services de l'Etat peuvent mettre en œuvre des traitements d'images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs.
    35. Les dispositions contestées prévoient que les images ainsi collectées dans les lieux accueillant certaines manifestations et à leurs abords ainsi que dans les véhicules et les emprises de transport public et sur les voies les desservant peuvent faire l'objet de traitements algorithmiques ayant pour objet de détecter en temps réel et signaler certains événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler des risques d'actes de terrorisme ou d'atteintes graves à la sécurité des personnes.
    36. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.
    37. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient que les traitements algorithmiques des images ainsi collectées ne peuvent être mis en œuvre qu'afin d'assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l'ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d'actes de terrorisme ou d'atteintes graves à la sécurité des personnes. Elles réservent ainsi l'usage de tels traitements à des manifestations présentant des risques particuliers d'atteintes graves à l'ordre public et en excluent la mise en œuvre en cas de seuls risques d'atteintes aux biens.
    38. En troisième lieu, d'une part, l'emploi d'un traitement algorithmique ne peut être autorisé par le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, par le préfet de police, que s'il est proportionné à la finalité poursuivie. A cet égard, la décision du préfet doit être motivée et préciser notamment le responsable du traitement, la manifestation concernée, les motifs de la mise en œuvre du traitement, le périmètre géographique concerné ainsi que la durée de l'autorisation. Elle peut faire l'objet de recours devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale.
    39. D'autre part, la durée de l'autorisation, qui doit en tout état de cause être proportionnée à celle de la manifestation dont il s'agit d'assurer la sécurité, ne peut excéder un mois et ne peut être renouvelée que si les conditions de sa délivrance continuent d'être réunies. A ce titre, si les dispositions contestées prévoient que le préfet ayant autorisé la mesure « peut suspendre l'autorisation ou y mettre fin à tout moment s'il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies », elles ne sauraient, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être interprétées autrement que comme obligeant le préfet à mettre fin immédiatement à une autorisation dont les conditions ayant justifié la délivrance ne sont plus réunies.
    40. En outre, sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis, le public est préalablement informé, par tout moyen approprié, de l'emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées. Par ailleurs, une information générale du public sur l'emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs est organisée par le ministre de l'intérieur.
    41. En quatrième lieu, d'une part, le législateur a prévu que les traitements algorithmiques mis en œuvre ne peuvent avoir pour objet que de détecter des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler des risques d'actes de terrorisme ou d'atteintes graves à la sécurité des personnes. Le législateur a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés le soin d'indiquer les événements prédéterminés qui sont susceptibles de présenter ou de révéler de tels risques et les spécificités des situations justifiant l'emploi des traitements. Il appartient à cet égard au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge, de s'assurer que ces événements sont de nature, au sein des manifestations dans lesquelles ils se produisent, à présenter ou à révéler de tels risques.
    42. D'autre part, les dispositions contestées prévoient que les traitements algorithmiques ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale, n'utilisent aucun système d'identification biométrique et ne recourent pas à des données biométriques, c'est-à-dire relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d'une personne physique qui permettent ou confirment son identification unique. Il appartient ainsi au pouvoir réglementaire de s'assurer que les événements prédéterminés qu'il fixe peuvent être détectés sans recourir à de telles techniques ou données. Par ailleurs, les traitements ne peuvent procéder à aucun rapprochement, à aucune interconnexion ni à aucune mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données à caractère personnel.
    43. En dernier lieu, d'une part, les traitements algorithmiques procèdent exclusivement à un signalement d'attention, strictement limité à l'indication du ou des événements prédéterminés qu'ils ont été programmés à détecter en vue de la mise en œuvre des mesures nécessaires par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les services d'incendie et de secours, les services de police municipale et les services internes de sécurité de la société nationale SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens dans le cadre de leurs missions respectives. Les dispositions contestées prévoient que les traitements ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ni aucun acte de poursuite et demeurent en permanence sous le contrôle des personnes chargées de leur mise en œuvre.
    44. D'autre part, il ressort des dispositions contestées que, pendant toute la durée de leur fonctionnement et en particulier dans le cas où ils reposent sur un apprentissage, les traitements algorithmiques employés doivent permettre de vérifier l'objectivité des critères retenus et la nature des données traitées ainsi que comporter des mesures de contrôle humain et un système de gestion des risques de nature à prévenir et à corriger la survenue de biais éventuels ou de mauvaises utilisations.
    45. Ainsi, le législateur a veillé à ce que le développement, la mise en œuvre et les éventuelles évolutions des traitements algorithmiques demeurent en permanence sous le contrôle et la maîtrise de personnes humaines.
    46. Il résulte de ce qui précède, compte tenu des garanties mentionnées ci-dessus et sous la réserve énoncée au paragraphe 39, que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée.
    47. Par ailleurs, en prévoyant que l'expérimentation autorisée par ces dispositions, qui n'a pas au demeurant pour objet de s'appliquer uniquement aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, s'achèvera le 31 mars 2025, le législateur a précisément fixé la durée maximale de l'expérimentation qu'il a autorisée.
    48. Pour apprécier s'il convient de pérenniser ce dispositif expérimental à l'issue de ce délai, il lui appartiendra de tirer les conséquences de l'évaluation de ce dispositif et, en particulier, au regard des atteintes portées au droit au respect de la vie privée, de tenir compte de son efficacité dans la prévention des atteintes à l'ordre public. A la lumière de cette évaluation, la conformité à la Constitution de ce dispositif pourra alors de nouveau être examinée.
    49. Par conséquent, l'article 10, qui n'est pas entaché d'incompétence négative et ne méconnaît ni la liberté d'aller et de venir, ni le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni la liberté d'expression collective des idées et des opinions, ni le droit à la sûreté, ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est, sous la réserve mentionnée au paragraphe 39, conforme à la Constitution.


    - Sur l'article 11 et certaines dispositions de l'article 15 :


    50. L'article 11 et l'article 15, qui modifie l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, sont relatifs aux enquêtes administratives visant respectivement les personnels intérimaires de certaines entreprises et les personnes souhaitant accéder à certains grands événements et rassemblements de personnes.
    51. Selon les députés requérants, en soumettant l'accès à certains emplois et à certains lieux à l'avis d'une autorité administrative pris sur le fondement d'une enquête administrative nécessitant la consultation de données personnelles, les dispositions de ces articles méconnaîtraient la liberté de conscience et le droit au respect de la vie privée. Elles exposeraient également les personnes visées par ces enquêtes à un risque d'arbitraire et méconnaîtraient la liberté d'aller et venir, la liberté individuelle et la liberté d'informer.
    52. En outre, ils font valoir que les dispositions de l'article 15 seraient entachées d'incompétence négative au motif qu'elles renvoient à un décret la désignation des lieux dont l'accès sera soumis à une enquête administrative et méconnaîtraient, du fait de leur imprécision, le principe de clarté et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
    53. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.
    54. En application de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, les décisions de recrutement et d'affectation à des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein de certaines entreprises peuvent être précédées d'une enquête administrative destinée à déterminer si le comportement des personnes intéressées donne des raisons sérieuses de penser qu'elles sont susceptibles, à l'occasion de leurs fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l'ordre publics. L'article 11 étend, pour une période temporaire, cette possibilité aux décisions d'affectation à ces emplois de personnels intérimaires.
    55. L'article L. 211-11-1 du même code prévoit que l'accès de certaines personnes à des grands événements exposés à un risque exceptionnel de menace terroriste est soumis, pendant la préparation et le déroulement de ces événements, à une autorisation de l'organisateur, délivrée sur avis de l'autorité administrative après une enquête administrative ayant pour objet de déterminer si le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat. Les dispositions contestées de l'article 15 étendent à d'autres personnes et à d'autres événements cette procédure d'autorisation et soumettent la délivrance de cette autorisation à un avis conforme de l'autorité administrative.
    56. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.
    57. En deuxième lieu, l'enquête administrative prévue par ces dispositions ne permet à l'administration que de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes visées et les traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 mentionnée ci-dessus, à l'exception des fichiers d'identification. L'administration ne peut communiquer à l'employeur ou à l'organisateur de l'événement d'autres informations que le sens de son avis. Par ailleurs, le sens de l'avis ou le refus d'autorisation en résultant peut être contesté devant le juge.
    58. En dernier lieu, d'une part, l'article 11 ne vise que les personnels intérimaires affectés à une mission de sécurité au sein d'une entreprise de transport public de personnes, d'une entreprise de transport de marchandises dangereuses ou au sein d'un gestionnaire d'infrastructure, et seulement du 1er mai 2024 au 15 septembre 2024, afin de garantir la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques.
    59. D'autre part, les dispositions contestées de l'article 15 ne portent que sur l'accès des personnes, autres que les spectateurs, à tout ou partie des établissements et installations accueillant des grands événements et grands rassemblements de personnes ayant pour objet d'assister à la retransmission d'événements, qui sont exposés à un risque d'actes de terrorisme en raison de leur nature et de l'ampleur de leur fréquentation. A cet égard, en renvoyant à un décret la désignation de ces grands événements et rassemblements, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.
    60. Dès lors, les dispositions contestées ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée.
    61. Par conséquent, l'article 11 de la loi déférée ainsi que le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté de conscience, la liberté d'aller et venir, la liberté individuelle, la liberté d'expression et de communication, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.


    - Sur certaines dispositions de l'article 13 :


    62. L'article 13 modifie l'article L. 2251-4-2 du code des transports qui prévoit les conditions dans lesquelles les agents des services internes de sécurité de la société nationale SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent visionner certaines images issues de systèmes de vidéoprotection lorsqu'ils sont affectés au sein de salles d'information et de commandement relevant de l'Etat.
    63. Les députés requérants font valoir que, en élargissant le champ des images consultables par ces agents, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. Ils considèrent également que, en déléguant à des salariés de droit privé des missions de surveillance de la voie publique, ces dispositions méconnaîtraient les exigences qui découlent de l'article 12 de la Déclaration de 1789.
    64. Les dispositions contestées étendent le champ des images consultables par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens à celui des « abords immédiats » des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs. Elles suppriment également la condition tenant à ce que ces agents ne puissent consulter que des images des systèmes de vidéoprotection transmises depuis des véhicules ou emprises « relevant respectivement de leur compétence ».
    65. En premier lieu, il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.
    66. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.
    67. D'autre part, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 mai 2021 mentionnée ci-dessus, l'accès à ces images de vidéoprotection est limité aux agents individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l'Etat dans le département, lorsqu'ils sont affectés au sein des salles d'information et de commandement relevant de l'Etat, et aux seules fins de faciliter la coordination avec les forces de l'ordre lors des interventions de leurs services au sein des véhicules et emprises depuis lesquels ces images sont prises. Un décret en Conseil d'Etat fixe par ailleurs les conditions d'exercice des agents affectés dans ces salles, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel auxquelles ces agents doivent satisfaire pour être habilités. Ce décret doit également préciser les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès.
    68. Dès lors, le législateur a procédé à une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée.
    69. En second lieu, selon l'article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits.
    70. Les agents de ces services internes de sécurité n'étant autorisés à visionner les images de vidéoprotection que sous l'autorité et en présence des agents de la police ou de la gendarmerie nationales, et dans les conditions énoncées précédemment, le législateur n'a pas méconnu l'article 12 de la Déclaration de 1789.
    71. Dès lors, les mots « ou leurs abords immédiats » figurant au paragraphe I de l'article L. 2251-4-2 du code des transports, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.


    - Sur l'article 16 :


    72. L'article 16 modifie l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure afin de permettre le recours à des dispositifs d'imagerie utilisant des ondes millimétriques pour contrôler l'accès à certaines manifestations sportives, récréatives ou culturelles.
    73. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de permettre à des agents privés de sécurité de procéder à de tels contrôles sans exiger qu'ils soient agréés par le préfet et le procureur de la République ni qu'ils soient placés sous le contrôle d'un officier de police judiciaire. Ils font également valoir qu'elles autoriseraient le recours aux scanners corporels dans de très nombreux lieux, sans qu'un risque exceptionnel d'acte de terrorisme ne soit avéré, alors que des mesures de palpation de sécurité peuvent déjà être employées. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit au respect de la vie privée.
    74. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.
    75. L'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure prévoit les conditions dans lesquelles, pour l'accès à certaines manifestations, des agents privés de sécurité peuvent procéder à des palpations de sécurité. Les dispositions contestées prévoient que l'inspection des personnes par ces agents peut également être réalisée au moyen d'un dispositif d'imagerie utilisant des ondes millimétriques.
    76. En premier lieu, en permettant le recours à ce dispositif d'imagerie pour faciliter et sécuriser l'accès aux enceintes dans lesquelles sont organisées certaines manifestations, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.
    77. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient qu'un tel dispositif ne peut être mis en œuvre que dans les enceintes dans lesquelles sont organisées des manifestations sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de trois cents spectateurs.
    78. En troisième lieu, l'inspection au moyen d'un dispositif d'imagerie ne peut être réalisée qu'avec le consentement exprès de la personne. En cas de refus, celle-ci doit se voir proposer un autre dispositif de contrôle dont elle a été préalablement informée par un moyen de publicité mis à disposition à l'entrée de la manifestation.
    79. En dernier lieu, l'analyse des images est effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l'identité de la personne et ne pouvant visualiser simultanément celle-ci et son image produite par le dispositif d'imagerie. Ce dernier doit également comporter un système brouillant la visualisation du visage et ne peut permettre de visualiser qu'une forme générique du corps humain. Par ailleurs, aucun stockage ou enregistrement des images n'est autorisé.
    80. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée.
    81. Par conséquent, le paragraphe II de l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, qui n'a au demeurant ni pour objet ni pour effet de confier une mission de surveillance générale de la voie publique à des personnes privées et qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.


    - Sur certaines dispositions de l'article 17 :


    82. L'article 17 insère notamment au sein du code du sport deux nouveaux articles L. 332-5-1 et L. 332-10-1 afin de réprimer, lorsqu'ils sont commis en récidive ou en réunion, le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude dans une enceinte sportive et le fait de pénétrer ou de se maintenir sans motif légitime sur l'aire de compétition d'une telle enceinte.
    83. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions ne seraient pas rédigées en des termes suffisamment clairs et précis et dénoncent, en particulier, l'imprécision des notions de « fraude » et de « retransmission au public » figurant à l'article L. 332-5-1 du code du sport. Ces dispositions méconnaîtraient ainsi le principe de légalité des délits et des peines. Selon eux, elles méconnaîtraient en outre le principe de nécessité des délits et des peines, dès lors que les comportements qu'elles visent seraient déjà réprimés par d'autres infractions. Enfin, ils font valoir que, en réprimant ces comportements, elles porteraient atteinte à la liberté d'expression et de communication ainsi qu'au droit d'expression collective des idées et des opinions.
    84. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.
    85. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant … la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire.
    86. En premier lieu, d'une part, l'article L. 332-5-1 du code du sport punit de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait, lorsqu'il est commis en récidive ou en réunion, de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude, sans être muni d'un titre d'accès, dans une enceinte lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestation sportive. La notion de fraude est suffisamment claire et précise pour garantir contre le risque d'arbitraire. Il en va de même de la notion de « retransmission en public » qui, selon les termes mêmes de ces dispositions, s'entend de la retransmission d'une manifestation sportive dans une enceinte ouverte au public.
    87. D'autre part, l'article L. 332-10-1 du code du sport punit de 7 500 euros d'amende le fait, lorsqu'il est commis en récidive ou en réunion, de pénétrer ou de se maintenir, sans motif légitime, sur l'aire de compétition d'une enceinte sportive. En écartant du champ de la répression l'entrée ou le maintien sur une aire de compétition qui obéit à un motif légitime, le législateur a retenu une notion qui ne présente pas de caractère équivoque.
    88. En second lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu réprimer des comportements de nature à porter atteinte à l'ordre public au sein de certaines enceintes, lorsqu'ils sont commis en récidive ou en réunion.
    89. Il résulte de ce qui précède que les délits prévus par les dispositions contestées ne méconnaissent ni le principe de légalité des délits et des peines ni celui de nécessité des délits et des peines.
    90. Par conséquent, les articles L. 332-5-1 et L. 332-10-1 du code du sport, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté d'expression et de communication ou le droit d'expression collective des idées et des opinions, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.


    - Sur certaines dispositions de l'article 18 :


    91. L'article 18 modifie notamment l'article L. 332-11 du code du sport afin de prévoir que, dans certains cas, la peine complémentaire d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive est obligatoirement prononcée.
    92. Les députés requérants soutiennent qu'en conférant un caractère obligatoire à la peine complémentaire d'interdiction de stade, ces dispositions méconnaîtraient les principes de nécessité et d'individualisation des peines ainsi que les exigences de l'article 66 de la Constitution.
    93. Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions.
    94. Les dispositions contestées prévoient que la peine complémentaire d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive est obligatoirement prononcée à l'encontre des personnes coupables de l'une des infractions prévues à la seconde phrase de l'article L. 332-4 et aux articles L. 332-5 à L. 332-7, L. 332-8-1, L. 332-9 et L. 332-10 du code du sport.
    95. En premier lieu, en instituant une peine complémentaire obligatoire directement liée à des comportements délictuels commis dans une enceinte où se déroule une manifestation sportive, le législateur a entendu renforcer la répression des atteintes à la sécurité des biens et des personnes commises à l'occasion d'une telle manifestation.
    96. En second lieu, la juridiction compétente peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Dans ces conditions, le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine.
    97. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et d'individualisation des peines doivent donc être écartés.
    98. Par conséquent, le dernier alinéa de l'article L. 332-11 du code du sport, qui ne méconnaît pas non plus la liberté individuelle, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.


    - Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :


    99. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
    100. La loi déférée a pour origine le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé le 22 décembre 2022 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Ce texte comportait 19 articles, répartis en cinq chapitres.
    101. Le chapitre Ier comportait des mesures apportant certaines adaptations en matière d'offre de soins et de formation aux premiers secours. Le chapitre II visait à renforcer la lutte contre le dopage en autorisant la réalisation d'analyses génétiques et en procédant à l'homologation des peines d'emprisonnement prévues en Polynésie française pour réprimer certaines infractions en matière de lutte contre le dopage. Le chapitre III, relatif à la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques et des grands événements, comprenait des dispositions qui modifiaient le cadre juridique de la vidéoprotection, qui autorisaient l'utilisation de traitements algorithmiques des images captées par des dispositifs de vidéoprotection, et qui élargissaient les possibilités de visionnage de certaines images par les agents des services de sécurité de la Régie autonome des transports parisiens et de la société nationale SNCF. Il comportait également des dispositions ayant pour objet d'étendre les compétences du préfet de police, de modifier les règles d'accès aux grands événements exposés à un risque exceptionnel de menace terroriste, d'autoriser l'utilisation de dispositifs d'imagerie à ondes millimétriques à l'entrée de certaines enceintes, d'ériger en délits certains comportements commis dans une enceinte sportive, et de prévoir que l'interdiction judiciaire de stade constitue une peine complémentaire obligatoire pour certaines infractions. Le chapitre IV comportait des mesures diverses nécessaires pour la bonne organisation des jeux Olympiques et Paralympiques qui étendaient certaines dérogations aux règles de publicité, facilitaient le maintien après l'âge de départ à la retraite de droit commun pour certains fonctionnaires occupant des emplois supérieurs participant directement à l'organisation des jeux, facilitaient la mutualisation de certains moyens en faveur de l'établissement public « Société de livraison des ouvrages olympiques », et permettaient au préfet d'autoriser l'ouverture de certains commerces le dimanche et de délivrer des autorisations dérogatoires de stationnement sur la voie publique. Le chapitre V comprenait une habilitation du Gouvernement à étendre et adapter par ordonnance les dispositions de la présente loi dans les outre-mer.
    102. L'article 7 est relatif au droit de communication entre l'Agence française de lutte contre le dopage et les agents de la cellule de renseignement financier nationale mentionnée à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles des articles du chapitre II du projet de loi initial, et en particulier avec celles de son article 4 permettant, à titre temporaire, au laboratoire antidopage français de procéder à des analyses génétiques sur les échantillons prélevés sur les sportifs au cours des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
    103. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.


    - Sur les autres dispositions :


    104. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.


    Le Conseil constitutionnel décide :


  • L'article 7 de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions est contraire à la Constitution.


  • Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :


    - sous la réserve énoncée au paragraphe 14, l'article L. 232-12-2 du code du sport, dans sa rédaction issue de l'article 5 de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ;
    - sous la réserve énoncée au paragraphe 39, l'article 10 de la même loi.


  • Sont conformes à la Constitution :


    - la référence « L. 251-7 » figurant au 6° du paragraphe I de l'article 9 de la loi déférée, ainsi que l'article L. 255-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant du même article 9 ;
    - l'article 11 de la loi déférée ;
    - les mots « ou leurs abords immédiats » figurant au paragraphe I de l'article L. 2251-4-2 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l'article 13 de la loi déférée ;
    - le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de l'article 15 de la loi déférée ;
    - le paragraphe II de l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de l'article 16 de la loi déférée ;
    - les articles L. 332-5-1 et L. 332-10-1 du code du sport, dans leur rédaction issue de l'article 17 de la loi déférée ;
    - le dernier alinéa de l'article L. 332-11 du code du sport, dans sa rédaction résultant de l'article 18 de la loi déférée.


  • Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


  • Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
    Rendu public le 17 mai 2023.

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