(ASSOCIATION POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ACCÈS AUX SOINS DENTAIRES)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 avril 2022 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 431 du 13 avril 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association pour le développement de l'accès aux soins dentaires par la SCP Alain Bénabent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-998 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de la santé publique ;
- l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, ratifiée par l'article 77 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 avril 2022 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
- les secondes observations présentées pour l'association requérante par Me Daphné Bès de Berc, avocate au barreau de Paris, enregistrées le 12 mai 2022 ;
- les secondes observations présentées pour le syndicat des chirurgiens-dentistes de France et le syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis, parties au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Bès de Berc, pour l'association requérante, Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le syndicat des chirurgiens-dentistes de France et le syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis, Me Frédéric Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 24 mai 2022 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :
1. Le second alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 janvier 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite ».
2. L'association requérante soutient que ces dispositions, en interdisant toute forme de publicité en faveur des seuls centres de santé, institueraient une différence de traitement injustifiée entre ceux-ci et les professionnels de santé. Elle fait valoir, en outre, que le caractère général et absolu de cette interdiction porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.
3. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
4. Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, qui ont pour mission de dispenser des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquent à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins. Selon le premier alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, les centres de santé informent le public sur leur localisation, sur les activités et actions de santé publique ou sociales qu'ils mettent en œuvre, sur les modalités et les conditions d'accès aux soins, ainsi que sur le statut de leur gestionnaire.
5. Les dispositions contestées interdisent, en revanche, toute forme de publicité en faveur de ces centres. Il en résulte une différence de traitement avec les professionnels de santé qui ne sont pas soumis à une telle interdiction.
6. Les centres de santé sont ouverts à toutes les personnes sollicitant une prise en charge médicale relevant de la compétence des professionnels qui y exercent. Ils pratiquent le mécanisme du tiers payant et ne facturent pas de dépassements d'honoraires.
7. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que ces centres, qui peuvent être créés et gérés notamment par des organismes à but lucratif, ne mettent en avant ces conditions de prise en charge pour développer une pratique intensive de soins contraire à leur mission et de nature à porter atteinte à la qualité des soins dispensés. Il a ainsi poursuivi un motif d'intérêt général.
8. Dans la mesure où l'interdiction de la publicité en faveur des centres de santé contribue à prévenir une telle pratique, la différence de traitement critiquée par l'association requérante est en rapport avec l'objet de la loi.
9. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté.
10. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté d'entreprendre, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel décide :Liens relatifs
Le second alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, est conforme à la Constitution.Liens relatifs
Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 juin 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 3 juin 2022.
Décision n° 2022-998 QPC du 3 juin 2022