Décret n° 2022-657 du 25 avril 2022 précisant les dispositions de procédure pénale résultant de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure applicables en cas de trouble mental

NOR : JUSD2211663D
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/4/25/JUSD2211663D/jo/texte
Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/4/25/2022-657/jo/texte
JORF n°0097 du 26 avril 2022
Texte n° 31

Version initiale


Publics concernés : justiciables ; magistrats exerçant des fonctions pénales.
Objet : dispositions précisant les conséquences en matière de procédure pénale de l'existence d'un trouble mental.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.
Notice : le décret précise et complète les dispositions relatives à l'irresponsabilité pénale résultant d'un trouble mental issues de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
Cette loi a en effet institué dans le code pénal de nouvelles infractions d'intoxication volontaire par une personne ayant provoqué une abolition temporaire de son discernement pendant laquelle elle a commis un homicide volontaire, un viol ou des blessures graves, infractions qui, si elles paraissent constituées à l'issue d'une information, doivent, en application du nouvel article 706-139-1 du code de procédure pénale, donner lieu au renvoi de la personne devant la juridiction de jugement, cour d'assises ou tribunal correctionnel, afin qu'elle soit jugée pour ces actes.
Cette loi a également prévu à l'article 706-120 de ce même code que s'il apparaît à l'issue d'une information que l'abolition temporaire du discernement d'une personne résulte au moins partiellement de son fait, mais qu'il existe des divergences parmi les experts, elle doit être renvoyée devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel pour qu'il soit statué à huis clos sur la seule question de son irresponsabilité pénale.
Le présent décret précise ainsi comment s'appliquent et s'articulent ces dispositions, en prévoyant notamment qu'il doit être fait application des dispositions de l'article 706-139-1 en cas de commission des nouvelles infractions d'intoxication volontaire, et que celles de l'article 706-120 s'appliquent dans les autres cas, lorsque le trouble mental ne résulte pas d'une intoxication volontaire de la personne constitutive de ces nouvelles infractions, mais qu'il résulte, par exemple, de l'arrêt par celle-ci d'un traitement médical.
Références : ces dispositions sont prises en application de l'article 706-140 du code de procédure pénale.
Les textes modifiés par le décret peuvent être consultés, dans leur rédaction issue de cette modification, sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).


Le Premier ministre,
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu le code pénal, notamment ses articles 122-1, 122-1-1, 221-5-6, 222-18-4 et 222-26-2 ;
Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 706-120, 706-139-1, 706-139-2 et 706-140,
Décrète :


  • Le code de procédure pénale (troisième partie : décret) est modifié conformément aux dispositions du présent décret.


  • Après l'article D. 47-37, il est inséré les dispositions suivantes :


    « Chapitre V
    « Dispositions applicables lorsque l'abolition temporaire du discernement de la personne résulte de son fait et notamment de la consommation volontaire de substances psychoactives


    « Section 1
    « Dispositions relatives au renvoi de la personne aux fins de jugement sur le fond ou aux fins de jugement sur l'application de l'article 122-1 du code pénal


    « Art. D. 47-37-1.-Conformément aux dispositions de l'article 706-139-1, lorsque le juge d'instruction estime qu'il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis une des infractions prévues par les articles 221-5-6,222-18-4 ou 222-26-2 du code pénal, que ces qualifications ont été visées lors de l'ouverture de l'information ou qu'elles ont été retenues en cours de procédure, il la renvoie devant la juridiction de jugement compétente selon les modalités prévues par les articles 179 ou 181 du présent code, après l'avoir préalablement déclarée pénalement irresponsable des faits commis à la suite de sa consommation volontaire de substances psychoactives.
    « Lorsque le juge d'instruction estime qu'il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les infractions qui lui sont reprochées dans les circonstances prévues par l'article 122-1-1 du code pénal, il la renvoie pour ces infractions devant la juridiction de jugement compétente selon les modalités prévues par les articles 179 ou 181 du présent code.
    « Les dispositions des deux alinéas précédents s'appliquent y compris s'il existe dans la procédure une ou plusieurs expertises concluant que le discernement de la personne était seulement altéré.


    « Art. D. 47-37-2.-Hors les hypothèses prévues par les articles 706-139-1 et D. 47-37-1, lorsque le juge d'instruction estime que l'abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte au moins partiellement de son fait et qu'il existe une ou plusieurs expertises concluant que son discernement était seulement altéré, il ordonne, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 706-120, le renvoi de la personne devant la juridiction de jugement compétente pour que celle-ci statue à huis clos sur la seule application de l'article 122-1 du code pénal, selon les modalités précisées par la section II du présent chapitre.
    « Si la personne fait l'objet d'une mesure de sûreté et que les faits reprochés constituent un délit, le juge d'instruction peut ordonner le maintien de cette mesure jusqu'à l'audience conformément aux alinéas deux à quatre de l'article 179. Si la personne fait l'objet d'une mesure de sûreté et que les faits reprochés constituent un crime, les dispositions des alinéas cinq, sept, huit et neuf de l'article 181 sont applicables.


    « Section 2
    « Dispositions applicables en cas de renvoi au fin de jugement sur la seule application de l'article 122-1 du code pénal


    « Art. D. 47-37-3.-Lorsque la juridiction de jugement est saisie en application du deuxième alinéa de l'article 706-120 et de l'article D. 47-37-2, son président ordonne au moins un mois avant l'audience une expertise afin de déterminer si la personne est en état de comparaître personnellement et de comprendre les débats, ainsi que pour déterminer les modalités de cette comparution, et notamment s'il peut être recouru à un moyen de télécommunication, audiovisuelle conformément aux dispositions de l'article 706-71.
    « S'il résulte de cette expertise que l'état mental de la personne rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d'exercer sa défense, le président de la juridiction de jugement constate par ordonnance que la procédure et que la prescription de l'action publique se trouvent suspendues, sans préjudice de sa possibilité de faire application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 10.


    « Paragraphe 1
    « Dispositions applicables devant la cour d'assises


    « Art. D. 47-37-4.-Lorsque la cour d'assises est saisie en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 706-120, elle ne statue, conformément aux dispositions de cet alinéa, que pour se prononcer à huis clos sur l'application de l'article 122-1 du code pénal.
    « Les experts ayant examiné la personne, et notamment ceux ayant rendu des avis divergents, doivent être entendus par la cour d'assises, le cas échéant par un moyen de télécommunication.
    « Les dispositions des alinéas cinq à dix de l'article 706-122 sont alors applicables.
    « Les jurés peuvent également poser des questions par l'intermédiaire du président.


    « Art. D. 47-37-5.-Conformément à l'article 349-1, la cour d'assises répond à une question ainsi formulée :
    « “ L'accusé bénéficie-t-il pour le fait qui lui est reproché de la cause d'irresponsabilité prévue par le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal selon lequel n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ? ”


    « Art. D. 47-37-6.-Si la cour d'assises répond positivement à la question prévue par l'article D. 47-37-5, elle doit alors statuer sur la question suivante :
    « “ L'accusé a-t-il matériellement commis le fait qui lui est reproché et pour lequel il a été considéré comme pénalement non responsable ? ”
    « Si la cour répond positivement à cette question, il est fait application des articles 706-130 et 706-131 prévoyant que la cour d'assises prononce un arrêt portant déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et que la cour statue sur les dommages et intérêts et, s'il y a lieu, les mesures de sûreté.
    « Les dispositions de l'article 706-132 prévoyant l'appel du procureur général, de l'accusé et de la partie civile sont alors applicables.


    « Art. D. 47-37-7.-Si la cour d'assises répond négativement à la question prévue par l'article D. 47-37-5, elle ordonne le renvoi de l'accusé à une audience ultérieure de la cour d'assises qui procède comme en cas de renvoi prononcé par la juridiction d'instruction. Cette décision de renvoi ne peut faire l'objet d'un appel.
    « Si l'accusé était placé sous mandat de dépôt, il demeure détenu conformément aux dispositions de l'article 181, sans préjudice de sa possibilité de demander à tout moment sa mise en liberté. Les délais prévus par les dispositions des alinéas huit et neuf de l'article 181 sont applicables.
    « La cour d'assises statuant sur renvoi n'est pas tenue par la réponse apportée par la première cour d'assises à la question prévue par l'article D. 47-37-5.


    « Paragraphe 2
    « Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel


    « Art. D. 47-37-8.-Lorsque le tribunal correctionnel est saisi en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 706-120, il ne statue, conformément aux dispositions de cet alinéa, que pour se prononcer à huis clos sur l'application de l'article 122-1 du code pénal.
    « Les experts ayant examiné la personne, et notamment ceux ayant rendu des avis divergents, doivent être entendus par le tribunal, le cas échéant par un moyen de télécommunication.
    « Si le tribunal estime que les dispositions du premier alinéa de cet article sont applicables, il rend un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental conformément aux dispositions de l'article 706-134 du présent code.
    « Si le tribunal estime que les dispositions du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal ne sont pas applicables, il ordonne le renvoi du prévenu à une audience ultérieure du tribunal correctionnel pour que celui-ci statue comme en cas de renvoi prononcé par la juridiction d'instruction. Cette décision ne peut faire l'objet d'un appel. Si le prévenu faisait l'objet d'une mesure de sûreté, le tribunal peut, par décision spécialement motivée, ordonner le maintien de cette mesure jusqu'à l'audience de renvoi ; en cas de maintien en détention, les délais prévus par les quatrième et cinquième alinéas de l'article 179 sont alors applicables.
    « Dans le cas prévu par l'alinéa précédent, le tribunal peut également, avec l'accord du prévenu donné en présence de son avocat, continuer d'examiner le dossier au fond et statuer sur l'action publique sans renvoyer le dossier à une audience ultérieure. Dans ce cas, les débats se poursuivent en audience publique, sous réserve des dispositions des alinéas deux et trois de l'article 400.
    « Les décisions prévues aux deuxième et au quatrième alinéa peuvent faire l'objet d'un appel devant la chambre des appels correctionnels. »


  • Le présent décret est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.


  • Le garde des sceaux, ministre de la justice, est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française


Fait le 25 avril 2022.


Jean Castex
Par le Premier ministre :


Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Éric Dupond-Moretti

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