Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance a pour objectif d'achever la transposition de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE.
Cette directive comporte des dispositions visant, d'une part, à renforcer la protection des titulaires de droits et, d'autre part, à faciliter certaines exploitations des œuvres. L'échéance de transposition est fixée au 7 juin 2021.
L'article 15 de cette directive a d'ores et déjà été transposé dans le cadre de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.
Les articles 2-6 et 17 à 23 de la directive ont été transposés dans le cadre de l'ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021.
L'article 34 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière prévoit une habilitation à procéder à la transposition des autres dispositions de la directive par voie d'ordonnance, dans un délai de douze mois suivant la promulgation de cette loi.
L'article 28 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur prévoit en outre une habilitation spécifique aux fins de permettre l'octroi de licences collectives ayant un effet étendu, au sens de l'article 12 de la directive (UE) 2019/790, en vue d'autoriser l'utilisation d'œuvres relevant des arts visuels, à des fins exclusives d'illustration de publications, ou de travaux, diffusés en ligne sans restriction d'accès, dans le cadre d'une activité de recherche et d'enseignement supérieur publics, à l'exclusion de toute activité à but lucratif.
La présente ordonnance est prise en application de ces articles et introduit de nouvelles dispositions dans le code de la propriété intellectuelle (CPI).
La directive (UE) 2019/790 ouvre de nouvelles possibilités pour accéder en ligne à des contenus protégés par le droit d'auteur et les partager dans l'ensemble de l'Union européenne.
A ce titre, la directive (articles 3 à 6) vise à faciliter l'utilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur à des fins diverses, notamment liées à l'accès au savoir, en introduisant des exceptions obligatoires au droit d'auteur afin de favoriser la fouille de textes et de données, les utilisations numériques d'œuvres à des fins d'illustration dans le cadre de l'enseignement et la conservation du patrimoine culturel.
L'article 1er de l'ordonnance modifie les termes de l'exception jusque-là prévue au e de l'article L. 122-5 du CPI. Cette exception, désormais définie au 12° du même article et à l'article L. 122-5-4 concerne l'usage d'extraits d'œuvres à des fins d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la formation professionnelle. Conformément aux dispositions de l'article 5 de la directive, il est prévu que cette exception couvre les activités numériques, au moyen d'un environnement sécurisé accessibles uniquement aux élèves et aux enseignants, et transfrontières.
L'article 1er de l'ordonnance précise toutefois que la mise en œuvre de cette exception peut être écartée, en totalité ou pour certaines catégories d'œuvres seulement, dès lors qu'existent des licences autorisant les actes visés par l'exception. Ces licences doivent répondre aux besoins et spécificités des établissements d'enseignement et être d'accès aisé pour ces derniers.
Les articles 2 (VII de l'article L. 122-6-1 du CPI), 7 (e) du 3° de l'article 211-3 du CPI) et 11 (4° bis de l'article 342-3 du CPI) de l'ordonnance étendent cette exception respectivement aux auteurs de logiciels, aux titulaires de droits voisins et aux producteurs de bases de données.
L'article 1er de l'ordonnance transpose ensuite les exceptions consacrées aux articles 3 et 4 de la directive (UE) 2019/790 relatives aux activités de fouille de textes et de données.
L'ordonnance consacre une première exception au bénéfice des organismes de recherche et des institutions du patrimoine culturel qui diligentent des fouilles à des fins de recherche scientifique, à laquelle les titulaires de droits ne peuvent s'opposer (II de l'article L. 122-5-3 du CPI). L'élaboration d'une charte des bonnes pratiques est prévue afin de faciliter la mise en œuvre de cette exception.
L'ordonnance consacre une seconde exception au bénéfice de toute fouille, quelle que soit sa finalité, sous réserve toutefois que le titulaire n'ait pas exprimé son opposition (III de l'article L. 122-5-3 du CPI).
Les articles 2 (VI de l'article L. 122-6-1 du CPI), 7 (8° de l'article 211-3 du CPI) et 11 (6° de l'article L. 342-3 du CPI) de l'ordonnance étendent ces exceptions respectivement aux auteurs de logiciels, aux titulaires de droits voisins et aux producteurs de bases de données.
L'ordonnance transpose, enfin, l'exception instaurée par l'article 6 de la directive (UE) 2019/790 à des fins de conservation du patrimoine culturel pour les logiciels et bases de données. A ce titre, les exceptions prévues au 8° de l'article L. 122-5 et au 7° de l'article 211-3 du CPI permettent d'ores et déjà aux institutions du patrimoine culturel de reproduire des œuvres et des objets protégés par le droit voisin à des fins de conservation et dans la mesure nécessaire à cette conservation. Les articles 2 (V de l'article L. 122-6-1 du CPI) et 11 (5° de l'article L. 342-3 du CPI) de l'ordonnance étendent le champ de cette exception, conformément à la directive, aux auteurs de logiciels et aux producteurs de bases de données.
Conformément à l'article 7 de la directive, l'article 10 de l'ordonnance vise à garantir que la mise en œuvre de mesures techniques de protection ne saurait avoir pour effet d'empêcher le bénéfice des exceptions précitées. Il appartiendra à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et, à compter du 1er janvier 2022, à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) de garantir le bénéfice effectif de ces exceptions.
La directive 2019 vise par ailleurs (articles 8 à 13) à faciliter l'octroi de licences pour permettre un accès plus large aux contenus, en particulier en prévoyant, notamment, un nouveau système visant à aider les institutions du patrimoine culturel à numériser et à diffuser des œuvres indisponibles dans le commerce dont elles disposent et une règle spécifique relative à l'octroi de licences collectives étendues.
L'article 7 de la directive prévoit que les institutions du patrimoine culturel doivent bénéficier d'un cadre clair pour la numérisation et la diffusion, y compris par-delà les frontières, d'œuvres considérées comme indisponibles dans le commerce.
L'article 5 de l'ordonnance définit la notion d'œuvre indisponible (article L. 138-1 du CPI). S'agissant des œuvres indisponibles qui se trouvent à titre permanent dans les collections des institutions du patrimoine culturel, l'ordonnance précise qu'elles peuvent être exploitées sur la base de licences délivrées par des organismes de gestion collective suffisamment représentatifs et étendues aux titulaires de droits qui ne sont pas membres de ces organismes (article L. 138-2 du CPI).
Les articles 8 (article L. 211-8 du CPI) et 12 (article L. 342-6 du CPI) de l'ordonnance étendent ce mécanisme de licence aux titulaires de droits voisins et aux producteurs de bases de données.
En l'absence d'organisme de gestion collective représentatif, l'article 1er du projet d'ordonnance instaure une nouvelle exception au droit d'auteur autorisant la mise en ligne de ces œuvres sur un site internet non commercial (13° de l'article L. 122-5 et article L. 122-5-5 du CPI). L'auteur d'une œuvre indisponible peut néanmoins s'opposer à ce que son œuvre ou tout ou partie de ses œuvres soit exploitée dans ces conditions.
Les articles 2 (VII de l'article L. 122-6-1 du CPI), 7 (9° de l'article 211-3 du CPI) et 11 (7° de l'article L. 342-3 du CPI) de l'ordonnance rendent cette exception également opposable aux auteurs de logiciels, aux titulaires de droits voisins et aux producteurs de bases de données.
Enfin, l'article 12 de la directive (UE) 2019/790 consacre une règle spécifique relative à l'octroi de licences collectives étendues et aux mécanismes similaires. Par ces mécanismes, il s'agit de permettre à un organisme de gestion collective de représenter non seulement les membres mais aussi des titulaires de droits non adhérents dès lors que l'organisme de gestion collective est représentatif des œuvres et objets concernés (les non adhérents ayant par ailleurs la faculté de se retirer du dispositif).
L'article 9 de l'ordonnance consacre en droit français ce dispositif des licences collectives étendues et l'entoure de l'ensemble des garanties prévues par la directive et tenant, notamment, au caractère représentatif de l'organisme de gestion collective concerné, à l'égalité de traitement de tous les titulaires de droit, à la mise en place de mesures de publicité pour informer les ayants droit de l'existence du système de licence étendue ainsi que de la possibilité d'en sortir.
Le recours aux licences collectives étendues n'est possible que dans les cas où l'exercice individuel et la gestion collective classique ne permettent pas d'apporter des réponses satisfaisantes au regard de l'ampleur de l'utilisation des œuvres. C'est, entre autres, pour cette raison que l'ordonnance définit strictement les domaines pour lesquels le mécanisme de licence étendue est retenu.
L'article 1er de l'ordonnance prévoit ainsi la possibilité de recourir à de telles licences afin d'autoriser les établissements d'enseignement à exploiter des œuvres sous une forme numérique à des fins d'illustration, dans le cadre de l'enseignement.
La conclusion de licences collectives étendues est également prévue aux articles 4 et 6 en ce qui concerne l'exploitation des œuvres des arts visuels par les plateformes de partage de contenus, d'une part, et dans le cadre des travaux scientifiques publiés de manière ouverte sur internet, d'autre part.
Enfin, l'article 3 de l'ordonnance tire parti de la possibilité offerte par la directive de mettre en œuvre des mécanismes d'octroi de licences collectives ayant un effet étendu pour modifier les dispositions issues de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle afin d'assurer sa conformité avec les exigences tirées du droit de l'Union. Ce dispositif législatif s'est en effet trouvé conforté par la directive qui précise, dans son considérant 43, que les dispositions de son article 8 relatives aux œuvres indisponibles doivent s'entendre sans préjudice des mécanismes nationaux relatifs à l'utilisation d'œuvres indisponibles dans le commerce sur la base de licences conclues entre des organismes de gestion collective et des utilisateurs autres que des institutions du patrimoine culturel.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021 complétant la transposition de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE