Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code monétaire et financier, notamment son article L. 562-2 ;
Vu le code des relations entre le public et l'administration ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment les 6° et 7° de l'article L. 212-1 ;
Vu les statuts de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction », déclarée le 29 juillet 2008 à la sous-préfecture de Pamiers sous le numéro W092000929 ;
Vu le courrier du 17 septembre 2021, notifié par voie administrative le même jour, par lequel M. A, vice-président de l'association dénommé « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de huit jours à compter de cette notification ;
Vu les observations écrites de M. A, recueillies le 17 septembre 2021, lors de la notification du courrier susvisé et le courriel en date du 23 septembre 2021, par lequel M. B, président de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » a fait valoir ses observations écrites ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 6° […] qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence […] ; 7° […] qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger » ;
Considérant que l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » est une maison d'édition associative déclarée en sous-préfecture de Pamiers (09) le 29 juillet 2008 avec pour dirigeants, M. B, alias M. C, président, et M. A, alias M. D, vice-président ; que si son objet statutaire est de réunir divers auteurs et traducteurs spécialisés dans les sciences humaines, civilisationnelles et politiques et de promouvoir ces disciplines via la publication d'ouvrages, d'articles, de conférences et de cercles de discussion, sa ligne éditoriale promeut en réalité un islam extrémiste par la diffusion d'ouvrages et l'appui d'internet ; qu'ainsi, elle a assuré l'édition et la diffusion de vingt-six livres, dont la plupart d'auteurs intégristes ou issus de la mouvance islamiste radicale, vendus sur internet ou dans des librairies islamiques, dont elle assure la promotion sur les réseaux sociaux, notamment sur la page Facebook ou sur le blog de Nawa Editions ou sur les pages personnelles de ses dirigeants ;
Considérant en premier lieu, qu'à travers les ouvrages que l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » édite et les articles qu'elle diffuse via les réseaux sociaux, cette association incite et propage des idées et théories encourageant à la haine, à la discrimination et à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance ou non à une religion déterminée ; qu'ainsi, l'association a édité en 2017 un ouvrage traduit et commenté par son président, légitimant le recours à la lapidation en cas de rapports homosexuels ; que dans un ouvrage édité par l'association en 2017, le recours à la lapidation est également légitimé à l'égard des femmes adultères ; que par ailleurs, le président de l'association, M. B, a traduit des passages d'ouvrages édités par l'association qui défendent la mise à mort ainsi que l'exercice de violences envers les personnes refusant de prier et de se repentir ; qu'enfin, le président a également traduit, commenté et écrit des ouvrages antisémites, hostiles aux personnes qui ne partagent pas la conception de l'islam promue par l'association ; que des passages de ces ouvrages édités entre 2013 et 2017 par l'association NAWA incitent à la haine des juifs, au meurtre et à leur extermination ; que dans son ouvrage Pourquoi Jésus doit-il revenir, édité en mai 2013, M. B, président de Nawa, affirme que Jésus reviendra combattre les juifs et incite à tuer les juifs, ce qu'il qualifie d'holocauste final ; que dans l'ouvrage Textes politiques, tome 2, d'Ibn Taymiyya, édité en juillet 2017, M. B a traduit : « Allah a dit à propos des juifs : {Ils sont toujours friands de mensonges, toujours avides de gains illicites} {L'ennemi c'est eux. Prends-y garde. Qu'Allah les extermine » ; qu'ainsi, de nombreux ouvrages édités par l'association ou écrits et publiés en son nom sur son blog, rendu inaccessible le 18 septembre dernier à la suite de la notification, le 17 septembre 2021 de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association, constituent par eux-mêmes une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance ou non-appartenance à une religion déterminée ;
Considérant, par suite, qu'à raison de sa ligne éditoriale illustrée par la publication d'ouvrages ou la publication d'articles sur les réseaux sociaux, tant au nom de l'association que de ses dirigeants, l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction », son président et son vice-président doivent être regardés comme provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, et propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence au sens du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Considérant, en second lieu, que l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » doit également être regardée comme se livrant, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger, au sens du 7° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ainsi qu'il résulte des faits suivants ;
Considérant d'une part, que le président de l'association et son vice-président évoluent dans un environnement pro-djihadiste dont ils partagent les valeurs, notamment des associations - ou leurs anciens membres - appartenant à la mouvance islamiste radicale et ayant fait l'objet d'une mesure de dissolution ou de gel des avoirs ; que l'association entretient également des liens avec des individus ayant été condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme, dont l'ex- président de l'association Anâ-Muslim, qui la finance ;
Considérant que de deuxième part, M. B a traduit, commenté, écrit ou publié des ouvrages ou articles soutenant le djihad armé, affirmant espérer le retour d'un Messie, chef de guerre et dirigeant pour les musulmans, dont certains ont généré des commentaires pro-djihadistes, nullement modérés ; qu'il a également affiché publiquement son soutien et son admiration pour les organisations terroristes dont il a minimisé les actes dans ses écrits ; que M. A, ex-trésorier et référent intellectuel au sein de l'association djihadiste Anâ-Muslim, qualifié de « philosophe djihadiste » dans le numéro 8 de Dar-Al-Islam, magazine de l'Etat islamique, consacré aux attentats de 2015, a également légitimé le djihad armé lors d'un entretien avec les services de police en octobre 2019 et incité indirectement au djihad armé en publiant et assurant la promotion sur le site du de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction », encore récemment le 12 juillet 2021, d'ouvrages légitimant de tels agissements ;
Considérant de troisième part que, dès 2014, l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » a régulièrement fait référence au drapeau utilisé par l'organisation terroriste Al Qaïda en reproduisant tout ou partie de ce symbole sur le dos des ouvrages qu'elle a édités ; que de même, ce symbole figure en page de présentation d'un exposé vidéo effectué et mis en ligne par M. A, vice-président de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction », cette référence visant clairement à inscrire l'association dans la mouvance de cette organisation ;
Considérant de quatrième part, qu'entre 2016 et 2018, à travers plusieurs articles publiés sur le blog tenu au nom de l'association et ouvrages édités par l'association, le président et vice-président de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » exaltent le djihad armé, présenté comme un devoir pour les musulmans, en louant la valeur supérieure des combattants musulmans, en légitimant la mort en martyr et la création d'un Etat islamique ; que l'association édite également de nombreux ouvrages et publie des écrits sur son blog dont les auteurs légitiment ou relaient des justifications du recours au djihad ; qu'en 2019, le président de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » a interviewé Abu Hafs Al Mouritani, ancien lieutenant d'Oussama Ben Laden concernant l'Etat islamique, interview dont la teneur a généré le commentaire non-modéré suivant « le djihad est et ne cessera d'exister jusqu'au jour du Jugement. (…) Il faut non seulement que la Oumma revienne au djihad et l'humiliation qu'elle subit disparaîtra » ; qu'en mars 2019, M. B a également affiché publiquement son soutien aux organisations terroristes en affirmant qu'« on peut reconnaître aux organisations djihadistes actuelles un talent certain pour épuiser la machine de guerre occidentale » ; que ces publications sont demeurées accessibles jusqu'au 18 septembre dernier, date à laquelle le blog a été désactivé à la suite de la notification, le 17 septembre 2021 de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association ; que cette suppression, de pure circonstance, ne saurait toutefois tromper sur les réelles intention de l'association ;
Considérant que par son activité de traduction, de diffusion et de promotion d'ouvrages légitimant et incitant au djihad armé, l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction », ainsi que par les prises de position de son président, directeur de publication et de son vice-président, visant à la légitimation des organisations terroristes et à la valorisation de la mort en martyr, l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » doit être regardée comme se livrant à des agissements en vue de provoquer à des actes de terrorisme ;
Considérant qu'au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de prononcer la dissolution de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction » sur les fondements des 6° et 7° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :
Fait à Paris, le 29 septembre 2021.
Emmanuel Macron
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Jean Castex
Le ministre de l'intérieur,
Gérald Darmanin