Décision du 3 avril 2021 consécutive au débat public sur le plan stratégique national de la politique agricole commune

NOR : AGRT2110873S
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2021/4/3/AGRT2110873S/jo/texte
JORF n°0081 du 4 avril 2021
Texte n° 30

Version initiale


Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les Etats membres dans le cadre de la politique agricole commune COM (2018) 392, notamment ses articles 95 et 125 ;
Vu la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, notamment ses articles 3, 4 et 9 ;
Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 121-1 à L. 121-15, L. 122-4, et R. 121-1 à R. 121-16 ;
Vu la décision n° 2019/147 du 6 octobre 2019 de la Commission nationale du débat public d'organiser un débat public sur le plan stratégique national de la France dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune ;
Vu le bilan dressé par la présidente de la Commission nationale du débat public ainsi que le compte rendu établi par la présidente et les membres de la commission particulière du débat public ;
Considérant que le débat a fait ressortir notamment :
- la nécessité de poursuivre l'objectif de souveraineté alimentaire, en défense d'une agriculture de qualité, proche des consommateurs, et en capacité de répondre aux besoins et aspirations de la société ;
- un consensus sur le besoin de préserver le modèle de production français et d'éviter les distorsions de concurrence, en harmonisant au maximum les exigences sanitaires, environnementales, et sociales au niveau européen et en exerçant une vigilance sur le respect des exigences européennes par les produits importés, et une large adhésion au maintien des outils de régulation des marchés agricoles, efficaces et réactifs, notamment en cas de crise ;
- un besoin de reconnaissance accrue du rôle des agriculteurs dans la société et dans les territoires ruraux, notamment celle de leur fonction nourricière et de l'acte productif au cœur de leur métier ;
- une demande de protection renforcée de l'environnement, en particulier concernant la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, comme l'eau et les sols, la lutte contre les dérèglements climatiques, la sobriété en intrants comme les pesticides, l'eau et les engrais d'origine non renouvelable ;
- un consensus partagé autour de l'enjeu de la transition, accompagné de visions différentes sur le rythme et les moyens de cette transition ;
- une demande des citoyens de prendre davantage en compte le bien-être des animaux ;
- une demande de territorialisation des filières alimentaires, et de rapprochement organisé entre l'offre et la demande locales, permettant un approvisionnement alimentaire équilibré des territoires et garantissant le maintien de la production agricole et de ses débouchés partout sur le territoire national, y compris dans les territoires les plus éloignés ou les plus défavorisés ;
- un intérêt public marqué pour les questions agricoles et alimentaires, et une volonté de transparence des décisions et des informations mises à disposition des consommateurs en la matière, en lien avec des préoccupations de qualité gustative, de provenance, de qualité nutritionnelle ou de conditions de production (sociales, de santé publique, environnementales…) des produits alimentaires ;
- l'intérêt de la formation initiale et continue des agriculteurs, ainsi que de l'accompagnement de ces derniers dans la réalisation de leur transition et la conduite de leurs exploitations ;
- l'importance de l'enjeu du renouvellement des générations en agriculture, et la nécessité d'accompagner l'installation des jeunes agriculteurs et d'améliorer les moyens facilitant la transmission entre les agriculteurs sortants et les nouveaux entrants, notamment dans la gestion du foncier agricole ;
- des visions différentes sur le degré souhaitable de ciblage des aides de la politique agricole commune sur les actifs agricoles, sur certaines filières, ou certains territoires, en particulier s'agissant des outils à mobiliser ou de l'ampleur de leur utilisation dans la future politique agricole commune ;
- la nécessité d'une gestion multifonctionnelle et durable des forêts françaises, notamment face au défi du changement climatique, qu'il s'agisse des forêts publiques ou privées ;
- le besoin de tenir compte des spécificités de l'agriculture ultramarine et de la diversifier, dans un objectif de renforcement de la souveraineté et de diminution de la dépendance aux marchés extérieurs de ces territoires ;
- une demande de concertation renforcée tout au long du processus de réforme de la politique agricole commune et d'élaboration du plan stratégique national, sur l'ensemble des sujets qu'il doit aborder, et en particulier sur le contenu futur de certains dispositifs nouveaux comme l'écorégime du premier pilier, amené à reconnaître les services rendus par les pratiques et systèmes agricoles favorables à l'environnement ;
- l'importance de développer de nouveaux espaces de concertation et d'ouverture aux citoyens pour définir des objectifs et des solutions partagées ;
Considérant les conclusions générales et les recommandations du compte rendu du débat public et les 1083 propositions formulées par les participants,
Décide :


  • La préparation du plan stratégique national relatif à la mise en œuvre en France de la politique agricole commune de l'Union européenne pour la période de programmation 2023-2027 est poursuivie, conformément aux obligations résultant du droit de l'Union européenne relatives à la politique agricole commune.
    L'Etat tiendra compte des enseignements du débat public sur les objectifs du plan stratégique national conduit par la Commission nationale du débat public.
    Le public sera invité à réagir sur le projet dès que l'autorité environnementale aura rendu un avis sur l'évaluation environnementale stratégique du plan stratégique national, en application des articles L. 122-4 et suivants du code de l'environnement.


  • Le plan stratégique national intégrera, dans une approche globale couvrant les dispositifs du premier et du second pilier de cette politique, les enjeux économiques, environnementaux, sociaux et territoriaux mis en lumière par le débat public mentionné à l'article 1er, et il tiendra compte de ces enjeux dans la définition des modalités des interventions, dès lors qu'elles sont compatibles avec la subsidiarité laissée aux Etats membres dans la règlementation européenne.


  • Le plan stratégique national retiendra notamment les axes prioritaires suivants :


    - un objectif renforcé de souveraineté alimentaire, notamment en matière d'autonomie protéique en cohérence avec la stratégie nationale en faveur des protéines végétales, en consolidant l'action menée en faveur du renouvellement des générations et du soutien aux jeunes agriculteurs et en veillant à conforter le revenu des agriculteurs, garant du maintien du modèle agricole français ;
    - un objectif d'accompagnement de la transition agro-écologique des exploitations, au travers d'une ambition environnementale renforcée en mobilisant, en cohérence, les différents leviers de l'architecture environnementale de la politique agricole commune, notamment la conditionnalité des aides, l'écorégime, les mesures agro-environnementales et climatiques ainsi que le soutien à l'agriculture biologique ;
    - un objectif de compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires, en activant les leviers permettant le renforcement de la création de valeur, la réponse aux attentes de la société, en accompagnant les filières en difficulté ou marquées par une forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur, et en mobilisant les aides à l'investissement au service de la transition dans la ligne du volet agricole de France relance sur la période 2021-2022 ;
    - un objectif d'équilibre territorial et de confortement du revenu agricole dans l'activation des différents outils de ciblage des aides, en lien avec la poursuite de la convergence encadrée par la réglementation européenne et en utilisant les dispositifs prévus dans le règlement européen, avec une attention particulière portée aux zones intermédiaires ;
    - un objectif de gestion multifonctionnelle durable de la forêt française.


    En ce qui concerne la hiérarchisation des objectifs, et notamment la répartition des budgets affectés aux objectifs, le plan stratégique national tiendra compte des enjeux identifiés par le débat public, dans le respect des dispositions définitives qui figureront dans le règlement européen, qui est encore en cours de discussion entre le Parlement européen et le Conseil.


  • Par ailleurs, le Gouvernement continuera à porter dans les négociations européennes une attention toute particulière sur la nécessité de conserver des instruments de régulation des marchés, d'éviter les distorsions de concurrence et de promouvoir les moyens d'information du consommateur, notamment au travers de l'étiquetage.
    De même, il veillera à apporter des réponses aux propositions formulées en ce qui concerne la formation initiale, le conseil et le développement agricole, en lien avec les résultats de la recherche.
    Le Gouvernement fait de la territorialisation des filières, de la mise en relation entre offre et demande locale, une priorité de sa politique.
    Enfin, la France est par ailleurs fortement mobilisée au niveau européen pour promouvoir les démarches de nature à accroître la transparence et l'information donnée au consommateur, notamment au travers d'un renforcement des règles d'étiquetage, tels que celui sur l'origine et l'étiquetage nutritionnel.


  • Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation transmet à la Commission nationale du débat public une analyse détaillée du rapport qui lui a été adressé à l'issue du débat public précité, accompagnée des réponses à chacune des 1 083 propositions reportées dans le compte-rendu de la commission particulière du débat public.
    Une synthèse facilitant la lecture par le public des grandes orientations du plan stratégique national sera également produite à l'issue de la négociation du règlement européen.


  • La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait le 3 avril 2021.


Julien Denormandie

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 200,5 Ko
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