Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public

NOR : TFPF2105077P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2021/3/4/TFPF2105077P/jo/texte
JORF n°0054 du 4 mars 2021
Texte n° 28

Version initiale


  • Monsieur le Président de la République,
    Alors que la lutte contre l'assignation à résidence sociale et territoriale forme un pilier de l'action du Gouvernement dans l'ensemble des politiques publiques, force est aujourd'hui de constater que la fonction publique ne remplit plus tout son rôle en la matière. Notre fonction publique se doit pourtant d'être exemplaire. Elle se doit d'être en phase avec la société dans laquelle nous vivons et, surtout, redevenir l'ascenseur social qu'elle a été, afin que soit tenue la promesse républicaine qui fonde notre pacte social.
    Nous devons redonner de l'espoir à la jeunesse de France désireuse de s'engager au service de l'intérêt général et renforcer la capacité de l'administration à accueillir en son sein des profils plus divers.
    Aujourd'hui, la proportion d'élèves issus des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées est trop faible dans les écoles de service public, plus particulièrement celles ouvrant aux carrières de la haute fonction publique. A titre d'exemple, les enfants d'ouvriers - qui représentent, selon l'INSEE, 19,6 % de la population active française en 2019 - ne représentent que 5 % des effectifs dans les écoles de la haute fonction publique des promotions 2020-2021. Pour l'année 2020-2021, on ne compte pour l'Ecole nationale d'administration et l'Ecole nationale supérieure de la police que 3 % d'élèves ayant au moins un parent ouvrier. Cette proportion est de 4 % pour l'Institut national des études territoriales et l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire et 7 % pour l'Ecole des hautes études en santé publique.
    Dans le respect du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il convient donc, pour l'accès à ces écoles, de prendre en considération non plus seulement la stricte égalité formelle entre les candidats, mais d'observer leurs chances de réussite au vu de leur situation sociale et du parcours de formation qu'ils ont suivi.
    Cette approche ne saurait en aucun cas conduire à revoir à la baisse le niveau d'exigences pour le recrutement dans ces écoles qui, par la suite, offrent à leurs élèves des perspectives professionnelles auxquelles s'attache l'exercice de hautes responsabilités dans le service public. Elle vise au contraire à garantir que de nouveaux talents issus de l'ensemble du territoire, recrutés via une procédure sélective, mettront leurs capacités et leur potentiel au service de l'intérêt général.
    Parce qu'une telle politique doit nécessairement s'inscrire dans le temps, favoriser l'égalité des chances ne saurait se résumer à la seule mise en place d'un accès spécifique aux candidats les moins favorisés. Une telle politique doit au contraire, dans la perspective d'une évolution durable des facteurs de réussite aux concours, être adossée au renforcement, en amont, de parcours de formation, répartis sur l'ensemble du territoire national, offrant un accompagnement renforcé destiné à tous les talents à la préparation aux concours d'accès aux écoles de la haute fonction publique. Le passage par ces nouveaux cycles de formation, dont l'accès sera lui-même sélectif, constituera un sas obligatoire pour les candidats désireux de se présenter à cette nouvelle voie d'accès aux écoles de service public.
    Par son caractère novateur, les effets de cette dynamique nouvelle en faveur de l'égalité des chances doivent également être évalués, afin de pouvoir juger, à l'issue de quelques années, si elle doit être ajustée pour répondre aux objectifs poursuivis, voire si elle reste nécessaire, alors qu'en parallèle sera engagé un vaste chantier de refonte des épreuves des concours d'accès aux écoles de service public, afin de garantir leur caractère non discriminatoire et leur adéquation aux compétences recherchées par les administrations.
    Dans cette perspective, la présente ordonnance autorise l'organisation, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2024, d'un concours externe spécial pour l'accès à certaines écoles de service public.
    Peuvent s'y présenter les personnes suivant un cycle de formation préparant à l'un ou plusieurs des concours externes d'accès à ces écoles, accessible au regard de critères sociaux, et à l'issue d'une procédure de sélection. Peuvent également s'y présenter les personnes ayant suivi un tel cycle dans les quatre années civiles précédant l'ouverture de ce concours (article 1er).
    L'admission au sein de ces cycles de formation fera l'objet d'une procédure de sélection tenant compte des parcours de formation, des aptitudes et de la motivation des candidats. Les candidats à ces cycles de formation devront remplir les mêmes conditions que celles requises s'agissant des candidats aux concours externes d'accès aux écoles concernées, notamment détenir le même niveau de diplôme (article 2).
    Les candidats feront l'objet d'une sélection par le même jury que celui du concours externe, pour un nombre de places correspondant à 15 % au plus du nombre total de places offertes au concours externe. Les lauréats de cette nouvelle voie de recrutement suivront leur scolarité dans les mêmes conditions que les élèves issus du concours externe.
    Le niveau d'exigence demeurera donc le même que celui attendu de la part des candidats aux concours externes, et ce d'autant plus que les épreuves seront identiques. S'agissant d'une voie de recrutement spécifique, le jury aura la possibilité, s'il le juge nécessaire, de prévoir des critères d'évaluation adaptés aux candidats ayant bénéficié des cycles de formation (article 3).
    Le décret en Conseil d'Etat pris en application de la présente ordonnance fixe notamment la liste des concours et des écoles de service public concernées par la création de cette nouvelle voie d'accès : Ecole nationale d'administration, Institut national d'études territoriales, Ecole des hautes études en santé publique, Ecole nationale supérieure de la police, Ecole nationale d'administration pénitentiaire.
    Il fixe également l'objet, la nature et les conditions d'accès aux cycles de formation préparant à ces concours externes spéciaux, qui pourront être adossées aux écoles de service public précitées, mais également s'appuyer sur les formations offertes au sein d'établissements publics d'enseignement supérieur, en particulier les universités.
    Afin de permettre l'organisation de tels concours dès 2021, dès avant la mise en place des futurs cycles de formation, ce décret fixe également l'objet et la nature des cycles de formation déjà en place qui offriront à ceux de leurs élèves remplissant certaines conditions de ressources la possibilité de s'y présenter (article 4).
    Une évaluation de la mise en œuvre des concours externes spéciaux et des cycles de formation sera présentée au Parlement avant le 30 juin 2024 (article 5).
    Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 209,2 Ko
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