Décision n° 02-38-21 du 16 février 2021 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie sur le différend qui oppose Mme B. à la société ENEDIS

Version initiale


  • Le comité de règlement des différends et des sanctions statuant en matière de mesures conservatoires,
    Vu la procédure suivante :
    Par une saisine enregistrée le 26 janvier 2021 sous le numéro 02-38-21, Mme Anne B., demeurant […], demande au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, statuant sur le fondement de l'article L. 134-22 du code de l'énergie, d'enjoindre à la société ENEDIS d'exécuter les travaux de raccordement d'un terrain ayant fait l'objet d'une division parcellaire en mettant en place un raccordement de type 2 avec la pose d'un coffret de branchement en limite du domaine public, au bout du chemin privatif desservant la parcelle en cause et d'installer ensuite un « compteur chantier » au bénéfice des acquéreurs de cette parcelle.
    Mme B. fait valoir :


    - qu'elle a sollicité auprès de la société ENEDIS le raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un terrain destiné à la vente et ayant fait l'objet d'une division parcellaire ; qu'une convention de servitude a été conclue avec les acquéreurs de la parcelle en cause afin de permettre notamment le passage d'une dérivation individuelle qui leur permettrait d'alimenter cette parcelle ;
    - que la proposition de raccordement émise par la société ENEDIS le 20 juillet 2020 prévoit notamment la réalisation de travaux d'extension du réseau public de distribution d'électricité dans le chemin privé desservant la parcelle à alimenter ; que l'acompte demandé par la société ENEDIS a été réglé le 17 octobre 2020 afin de permettre l'avancement des travaux qui devaient être démarrés le 23 février 2021 mais qu'elle conteste néanmoins la solution technique proposée par la société ENEDIS pour procéder au raccordement ; qu'à la place de l'extension de réseau proposée par la société ENEDIS, elle sollicite un raccordement de type 2 avec la pose d'un coffret de branchement en limite de domaine public, au bout du chemin privatif desservant la parcelle concernée ;
    - que par une recommandation du 18 décembre 2020, le Médiateur national de l'énergie a recommandé à la société ENEDIS de lui adresser un second devis, prévoyant la création d'un raccordement de type 2, conformément à sa demande ;
    - que la vente de la parcelle concernée a eu lieu le 23 novembre 2020 et que les acquéreurs de cette parcelle ont obtenu un permis de construire le 10 novembre 2020 ; que cependant les travaux de construction ne peuvent pas débuter dès lors que la société ENEDIS refuse d'installer un « compteur chantier » dans la mesure où la parcelle n'est pas raccordée ; que la réalisation du branchement demandé revêt par conséquent un caractère urgent ;


    Une mesure d'instruction a été diligentée le 3 février 2021 afin que Mme B. communique le compromis de vente et l'acte de vente conclus s'agissant du terrain en cause. Mme B. a répondu à cette mesure d'instruction le 3 février 2021.
    Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2021, la société ENEDIS, représentée par Me DES YLOUSES, conclut au rejet de la demande de mesures conservatoires.
    Elle fait valoir :


    - à titre principal, que la demande est irrecevable dès lors, d'une part, que Mme B. ne dispose pas d'un intérêt pour agir puisqu'à la date de sa saisine elle n'est plus propriétaire du terrain en cause et, d'autre part, qu'elle ne dispose d'aucun mandat de représentation des tiers ayant acquis ledit terrain, de sorte qu'elle se trouve dépourvue de toute qualité pour agir en leur nom ;
    - à titre subsidiaire, que la demande est dépourvue d'objet dès lors que les tiers ayant acquis le terrain en cause, qui avaient formulé une demande de branchement provisoire et de pose d'un compteur chantier auprès de la société ENEDIS le 13 janvier 2021, ont ensuite expressément renoncé à ces demandes le 5 février 2021 ;
    - à titre subsidiaire, que la demande est infondée, Mme B. ne justifiant pas avoir formulé une demande de branchement provisoire et de pose d'un compteur chantier auprès de la société ENEDIS ; que sa demande ne concerne dès lors que sa demande de raccordement définitif ; que cette situation ne caractérise aucune atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès et l'utilisation du réseau public de distribution d'électricité ;


    Par un mémoire en réplique enregistré le 10 février 2021, Mme B. conclut aux mêmes fins que sa saisine.
    Elle fait en outre valoir :


    - qu'au moment du dépôt de sa demande de raccordement le 6 mars 2020, elle n'envisageait pas encore de vendre le terrain en cause ; que contrairement à ce que soutient la société ENEDIS, ce raccordement n'a donc pas été sollicité dans la perspective de la cession de ce terrain ;
    - que le devis proposé par la société ENEDIS a été signé et l'acompte versé afin de ne pas retarder les travaux de raccordement ; que la société ENEDIS était informée de la vente du terrain depuis le 9 octobre 2020 et avait connaissance de sa saisine du Médiateur national de l'énergie depuis le 14 septembre 2020 ;
    - qu'elle a proposé aux acquéreurs du terrain de se brancher sur son installation électrique et que c'est pour cette raison que ces acquéreurs ont finalement annulé leur demande de pose d'un compteur chantier, la société ENEDIS leur ayant initialement indiqué que cette demande ne pouvait pas être satisfaite ; qu'un agent de la société ENEDIS aurait depuis lors demandé à ces acquéreurs d'attester qu'ils préféreraient installer le branchement en bordure de leur parcelle, ce qu'ils ont refusé ;


    Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 12 février 2021, la société ENEDIS conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.
    Elle soutient en outre que la demande de raccordement provisoire et d'installation d'un compteur chantier formulée par les acquéreurs de la parcelle en cause a été traitée avec diligence ; qu'elle a ainsi créé un point de livraison et mandaté une entreprise prestataire le 4 février 2021 afin de traiter cette demande.
    Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 26 janvier 2021 sous le numéro 03-38-21, présentée par Mme B. ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu :


    - le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
    - la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
    - la décision du 3 février 2021 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 02-38-21 ;


    Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Mme Henriette CHAUBON, M. Nicolas MAZIAU, Mme Hélène VESTUR, membres, qui s'est tenue par visio-conférence le 15 février 2021, après vérification de l'identité des parties et de leurs représentants, en présence de :
    M. Emmanuel RODRIGUEZ, directeur juridique adjoint et représentant le directeur général empêché ;
    M. David MASLARSKI, rapporteur ;
    Mme Anne B. ;
    Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Me DES YLOUSES ;
    Les parties ayant été informées qu'à tout moment, le président du comité peut décider de lever la séance pour qu'elle soit prorogée à une date ultérieure en cas de difficulté matérielle, notamment liée à la capacité de connexion de l'un des participants, ne permettant pas le déroulement normal de la séance ;
    L'ensemble des parties ayant confirmé la bonne qualité de la liaison électronique et avoir été informé des modalités de convocation à la séance publique.
    Après avoir entendu :


    - le rapport de M. David MASLARSKI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
    - les observations de Mme B., qui persiste dans ses moyens et conclusions ; Mme B. a adressé deux courriels au greffe du comité au cours de la séance. Ces courriels ont été transmis à Me DES YLOUSES ainsi qu'aux membres du comité ;
    - les observations de Me DES YLOUSES pour la société ENEDIS, qui persiste dans ses moyens et conclusions ;


    Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés ;


    1. Aux termes de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : / 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics (…) de distribution d'électricité (…). / Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux (…) ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94 (…). » Aux termes de l'article L. 134-20 du même code : « Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, le comité se prononce dans un délai de deux mois, après avoir diligenté, si nécessaire, une enquête dans les conditions fixées aux articles L. 135-3 et L. 135-4 et mis les parties à même de présenter leurs observations. Le délai peut être porté à quatre mois si la production de documents est demandée à l'une ou l'autre des parties. Ce délai de quatre mois peut être prorogé sous réserve de l'accord de la partie plaignante. (…). » L'article L. 134-22 du même code prévoit : « En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou à leur utilisation, le comité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires nécessaires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux. Ces mesures peuvent comporter la suspension des pratiques portant atteinte aux règles régissant l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation. » L'article R. 134-18 de ce même code dispose notamment : « Une demande de mesures conservatoires ne peut être présentée qu'accessoirement à une saisine du comité de règlement des différends et des sanctions au fond en matière de règlement de différends, dans les mêmes formes que celles prévues aux articles R. 134-8 et R. 134-9. / Elle peut être présentée à tout moment de la procédure. / La demande expose la nature ou l'objet des mesures demandées et les raisons de fait ou de droit fondant la demande. Elle est communiquée aux parties et est instruite dans des délais compatibles avec l'urgence des mesures demandées. » Enfin, aux termes de l'article R. 134-20 du même code : « Sauf annulation ou réformation prononcée par la cour d'appel de Paris en application de l'article L. 134-24, la mesure conservatoire cesse de produire ses effets lorsque la décision du comité est rendue sur le fond. »
    2. Il résulte des dispositions citées ci-dessus qu'une demande de mesures conservatoires présentée devant le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie est subordonnée à une appréciation de l'immédiateté et de la gravité de l'atteinte aux règles qui régissent l'accès ou l'utilisation des réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 du code de l'énergie, caractérisant une situation d'urgence qui justifie, sans attendre l'examen au fond de la demande de règlement de différend qui intervient en principe dans un délai de deux mois, que des mesures conservatoires soient prises afin de remédier à cette atteinte. Tel est en particulier le cas lorsque l'atteinte à ces règles affecte de manière grave et immédiate l'intégrité du réseau ou le droit d'accès des utilisateurs de ce réseau.
    3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la parcelle de terrain pour laquelle Mme B. a formulé une demande de raccordement auprès de la société ENEDIS le 6 mars 2020 a été cédée à des tiers, M. et Mme F., le 23 novembre 2020. M. et Mme B. n'étaient donc plus propriétaires du terrain en cause au 26 janvier 2021, date d'enregistrement de la demande de mesures conservatoires de Mme B. Par ailleurs, s'il ressort du compromis de vente conclu le 29 avril 2020 entre M. et Mme F. et M. et Mme B. que ces derniers s'étaient engagés à viabiliser le terrain en bordure, cet engagement n'a pas été réitéré dans l'acte de vente signé le 23 novembre 2020, lequel se borne à stipuler la vente du terrain tel qu'il existe, sans aucune exception ni réserve. Il n'apparaît donc pas, en l'état de l'instruction, que M. et Mme B. soient susceptibles de se voir opposer un engagement juridique qui les obligerait à procéder au raccordement du terrain en cause au réseau public de distribution d'électricité. A cet égard, Mme B. ne fait valoir aucun litige qui l'opposerait aux acquéreurs du terrain sur ce point. Mme B. ne se prévaut pas non plus d'un mandat de la part de M. et Mme F., actuels propriétaires de cette parcelle de terrain, pour les représenter. Enfin, en ce qui concerne la demande initiale de Mme B. relative à l'installation d'un compteur chantier, les parties ont confirmé à l'audience que si M. et Mme F. ont demandé le 13 janvier 2021 à la société ENEDIS de procéder à la réalisation d'un raccordement provisoire et à l'installation d'un compteur chantier, ils se sont ensuite désistés de cette demande le 5 février suivant.
    4. Dans ces conditions, Mme B. n'est pas fondée à soutenir que l'absence, à la date de la présente décision, de raccordement du terrain en cause au réseau public de distribution d'électricité révélerait une atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès ou l'utilisation du réseau public de distribution d'électricité de nature à justifier le prononcé en urgence de mesures conservatoires, quelle qu'en soit la nature, d'autant moins que le comité devrait se prononcer sur le fond du présent différend dont il a été saisi dans le délai prévu par les dispositions de l'article L. 134-20 du code de l'énergie citées au point 1 de la présente décision et qui est en principe de deux mois à compter de la saisine.
    5. Il résulte de ce qui précède que la demande de mesures conservatoires présentée par Mme B. doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par la société ENEDIS et tirée du défaut d'intérêt et de qualité pour agir de la demanderesse.
    Décide :


  • La demande de mesures conservatoires de Mme B. est rejetée.


  • La présente décision sera notifiée à Mme B. et à la société ENEDIS. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 16 février 2021.


Pour le comité de règlement des différends et des sanctions :
Le président,
T. Tuot

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