Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code des relations entre le public et l'administration ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 212-1 ;
Vu les statuts de l'association dénommée « Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France », déclarée le 14 janvier 2000 à la préfecture de Seine-Saint-Denis sous le numéro W952004150 ;
Vu le courrier du 19 novembre 2020, notifié par voie administrative le même jour, par lequel M. A, président de l'association dénommée « Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France » a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de huit jours à compter de cette notification ;
Vu la déclaration de dissolution de l'association dénommée « Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France », accompagnée du procès-verbal du conseil d'administration extraordinaire en date du 29 octobre 2020 et transmise à la préfecture de Seine-Saint-Denis par télé-procédure le 19 novembre 2020 ;
Vu le courriel en date du 26 novembre 2020, par lequel M. A, président de l'association dénommée « Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France », a fait valoir ses observations écrites ;
Vu le courrier du 27 novembre 2020, notifié par voie administrative le même jour, par lequel M. A a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de poursuivre la procédure de dissolution de l'« Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France », en ce qu'elle constitue désormais un groupement de fait et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de trois jours à compter de cette notification ;
Vu le courriel en date du 30 novembre 2020, par lequel M. A a présenté de nouvelles observations écrites ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : […] 6° […] qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger » ;
Considérant, en premier lieu, qu'en qualifiant d'islamophobes des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou combattre des actes punis par la loi, le « Collectif contre l'islamophobie en France » doit être regardé comme partageant, cautionnant et contribuant à propager de telles idées, au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ou de créer le terreau d'actions violentes chez certains de ses sympathisants ; que ce constat est partagé par l'Observatoire contre l'islamophobie du Conseil français du culte musulman qui considère que l'objectif de ce collectif « est de faire peur à la communauté musulmane et d'allumer le feu en permanence » ;
Considérant en deuxième lieu que, sous couvert de dénoncer des actes d'islamophobie, le « Collectif contre l'islamophobie en France » distillait, par la publication de ses propres statistiques ou ses dénonciations, un message consistant à faire passer pour islamophobe tout acte ou évènement mettant en cause des personnes de confession musulmane, n'hésitant pas, dans certains cas, à travestir la vérité pour accréditer ainsi dans l'opinion publique un soupçon permanent de persécution religieuse de nature à attiser la haine, la violence ou la discrimination ; qu'ainsi, ce collectif a notamment recensé comme « actes islamophobes » des expulsions d'imams appelant au djihad, la fermeture d'une mosquée utilisée comme centre de recrutement djihadiste ou encore une manifestation contre le déplacement, à Lyon, de M. B, connu pour avoir justifié la lapidation des femmes en expliquant qu'il s'agissait d'une forme de purification ; que, de même, le « Collectif contre l'islamophobie en France » a présenté, à plusieurs reprises et en travestissant les faits, des actes de violence entre particuliers comme des actions de représailles contre les musulmans, à la suite de l'attentat contre le journal Charlie Hebdo ;
Considérant que les publications du « Collectif contre l'islamophobie en France » ont généré, sur ses comptes ouverts sur les réseaux sociaux, des commentaires de la part des sympathisants et internautes qui constituaient par eux-mêmes une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence ; que ces commentaires diffusaient ainsi des propos antisémites ou négationnistes, hostiles aux autres formes de croyance, et notamment aux chrétiens, hostiles aux francs-maçons ou encore des propos homophobes, sans que le président du collectif ni aucun autre responsable ne procède à leur retrait ou même à une quelconque modération des propos ainsi diffusés, alors même que le collectif disposait de nombreux salariés et a toujours démontré une réelle volonté de maîtrise de son image et de sa communication ;
Considérant qu'en 2012, en réponse à la publication de caricatures par le journal satirique Charlie Hebdo, le « Collectif contre l'islamophobie en France » a publié des dessins de M. C, connu pour ses positions antisémites, mettant ainsi sur le même plan, d'une part, des caricatures antisémites ou négationnistes et, d'autre part, des caricatures satiriques publiées par ce journal ; que certains membres du collectif, dont son porte-parole, ont participé es-qualité à des rassemblements militants interdits aux blancs ou aux non-musulmans, contribuant ainsi à légitimer cette démarche ;
Considérant que par suite, le « Collectif contre l'islamophobie en France » doit être regardé comme provoquant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l'origine, de l'appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence, au sens du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Considérant que le « Collectif contre l'islamophobie en France » doit également être regardé comme se livrant, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger, au sens du 7° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ainsi qu'il résulte des faits suivants ;
Considérant, en premier lieu, que de nombreux dirigeants du « Collectif contre l'islamophobie en France », anciens comme actuels, sont les tenants d'une approche radicale de la religion musulmane pouvant être qualifiée d'islamiste ; que le collectif entretient de nombreuses relations avec des penseurs ou prédicateurs affiliés à l'islam radical, dont l'un justifie la lapidation, le sida en tant que punition divine pour les comportements déviants et diffuse des théories complotistes dans le but d'attiser la haine et la violence à l'égard des non-musulmans, en particulier des juifs ; que de même, entre 2012 et 2015, le collectif a organisé des galas destinés à trouver des financements pour l'association, auxquels ont participé des individus connus pour leur appartenance à la mouvance radicale ;
Considérant, en deuxième lieu, que plusieurs responsables ou membres du « Collectif contre l'islamophobie en France » entretiennent des relations avec des figures de l'islam radical, dont certains membres de la mouvance djihadiste ou ayant combattu en Syrie dans les rangs d'Al-Qaeda ; que le collectif a fait la promotion publique des interventions de M. B, connu pour ses propos antisémites et homophobes et interdit de séjour en France ; qu'en 2020, le collectif a fait à plusieurs reprises la promotion de M. D, auteur salafiste, prônant un islam révolutionnaire en rupture avec la démocratie élective, membre fondateur de l'association « Anâ Muslim », connu pour ses liens avec de nombreuses personnes et organisations prônant le djihad armé ; que le collectif a également apporté son soutien à l'association dénommée « Barakacity » et à son président, alors même que ce dernier a soutenu le terrorisme, la mort en martyr et les attentats contre Charlie Hebdo, faits qui, parmi d'autres, ont conduit à la dissolution de l'association qu'il présidait ;
Considérant en troisième lieu que, sous couvert de dénoncer les actes de discriminations commis contre les musulmans, le « Collectif contre l'islamophobie en France » défend et promeut une notion d'« islamophobie » particulièrement large, n'hésitant pas à comptabiliser au titre des « actes islamophobes » des mesures de police administrative, voire des décisions judiciaires, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; que ce faisant, le « Collectif contre l'islamophobie en France » doit être considéré comme participant à la légitimation de tels actes ;
Considérant, en quatrième lieu, que les publications du « Collectif contre l'islamophobie en France » et les interventions de ses responsables ont systématiquement conduit à relativiser ou refuser de condamner des actes de terrorisme ou l'appel à la violence armée, participant également à leur légitimation ; qu'il en a été notamment ainsi des attentats perpétrés par Mohammed MERAH à Toulouse, par Mehdi NEMMOUCHE au musée juif de Bruxelles, de l'attentat perpétré à Saint-Quentin Fallavier ou encore de celui de Conflans-Sainte-Honorine ;
Considérant enfin que les publications du « Collectif contre l'islamophobie en France » ont généré, sur le compte de l'association sur les réseaux sociaux, des commentaires de la part des sympathisants et internautes constituant une provocation à des actes de terrorisme ou une légitimation de tels actes, sans que le président de l'association ni aucun autre responsable ne procède à leur retrait ou même à une quelconque modération des propos ainsi diffusés ; que ces commentaires diffusaient des propos laissant entendre que l'Etat français est à l'initiative de l'attentat commis contre Samuel PATY, des propos légitimant les actes de terrorisme commis à l'encontre de la rédaction de Charlie Hebdo, des propos légitimant l'action d'une association dissoute en raison de ses agissements en lien avec la commission d'actes de terrorisme ainsi que des appels à commettre des meurtres et des actes de violence en France, notamment à l'égard d'autorités publiques ;
Considérant qu'au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de prononcer la dissolution du « Collectif contre l'islamophobie en France » sur les fondements des 6° et 7° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Considérant qu'une procédure contradictoire de dissolution a été engagée à l'encontre de l'association dénommée « Association de défense des droits de l'homme - Collectif contre l'islamophobie en France » par courrier du 19 novembre 2020, notifié le même jour à son président M. A ; que si, par un courrier transmis par messagerie électronique le 26 novembre 2020, l'association a indiqué que cette procédure serait désormais sans objet, dès lors que l'association avait elle-même procédé à sa dissolution avec effet au 17 novembre 2020 par décision du conseil d'administration extraordinaire en date du 29 octobre 2020, il apparaît toutefois que le « Collectif contre l'islamophobie en France » a continué, de fait, à exercer une activité postérieurement au 17 novembre 2020 ; qu'ainsi, de nombreuses publications sont intervenues sur les comptes du collectif sur les réseaux sociaux, démontrant la volonté poursuivre ses agissements au-delà de sa dissolution volontaire, en France comme à l'étranger, en conservant son objet, son identité et ses modes d'actions actuels ; que si les comptes du collectif sur les réseaux sociaux ont été désactivés le 28 novembre 2020, ce n'est que tardivement et au cours de la procédure de dissolution engagée à son encontre ; que d'ailleurs, la déclaration de dissolution volontaire, pourtant décidée dès le 29 octobre 2020, n'a été adressée par télé-procédure que le 19 novembre 2020, soit le même jour que la notification du courrier informant l'association de l'engagement d'une procédure de dissolution à son encontre ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la dissolution volontaire, intervenue pour faire échec au projet de dissolution envisagé par le Gouvernement, n'est que de pure façade, l'association continuant désormais ses agissements sous la forme d'un groupement de fait qu'il y a lieu de dissoudre pour les mêmes motifs ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :
Fait le 2 décembre 2020.
Emmanuel Macron
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Jean Castex
Le ministre de l'intérieur,
Gérald Darmanin