Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.
Les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de l'énergie donnent compétence à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour fixer la méthode d'établissement des tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel.
L'article L. 432-6 du même code prévoit la possibilité d'établir des nouvelles zones de dessertes gazières. Il précise que « Les communes ou leurs établissements publics de coopération qui ne disposent pas d'un réseau public de distribution de gaz naturel ou dont les travaux de desserte ne sont pas en cours de réalisation peuvent concéder la distribution publique de gaz à toute entreprise agréée à cet effet par l'autorité administrative ».
Le décret n° 2012-150 du 30 janvier 2012 relatif au droit d'accès des gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) aux réseaux de distribution de gaz naturel, désormais codifié aux articles D. 111-38 à D. 111-42 du code de l'énergie, encadre une partie des relations entre des GRD dont les réseaux respectifs sont raccordés entre eux. Il est rappelé que des GRD peuvent se raccorder à des réseaux de distribution existants lorsque ces entreprises ne peuvent pas, pour des raisons d'ordre technique, économique ou géographique, se raccorder directement au réseau de transport. Ces GRD sont alors dits « de rang n+1 ». Les déclinaisons opérationnelles de ce décret ont été décrites dans deux procédures du GT3 du « Groupe de travail gaz 2007 » (1) et dans les délibérations tarifaires de la CRE relatives aux tarifs péréqués d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel (2).
Le développement croissant de la production de biométhane peut, d'une part, modifier les flux entre un GRD de rang n et son GRD aval, de rang n + 1, et, d'autre part, pourrait générer la création de nouvelles zones de desserte, autour des canalisations destinées à raccorder des producteurs de biométhane situés hors zone de desserte.
Ces évolutions ont conduit la CRE à réinterroger le cadre réglementaire en vigueur pour ces réseaux de distribution dits de rang n+1, en particulier pour :
- s'assurer que les règles tarifaires précédemment définies restent adaptées, y compris dans le cas où le raccordement d'une installation de méthanisation modifie les flux entre GRD de rang n et son GRD de rang n+1 ;
- préciser les conditions d'utilisation des canalisations destinées à raccorder des producteurs de biométhane situés hors zone de desserte (canalisations dites « biométhane hors zone de desserte ») ;
- préciser le traitement tarifaire des volumes de biométhane injectés sur ces canalisations « biométhane hors zone de desserte ».
La CRE a organisé une consultation publique (3), qui s'est déroulée du 2 avril au 4 mai 2020, afin de recueillir l'avis des acteurs de marché sur les solutions envisagées pour faire évoluer le cadre réglementaire régissant la tarification entre GRD amont (de rang n) et aval (de rang n+1).
Les réponses à cette consultation publique sont publiées, le cas échéant dans leur version non confidentielle, sur le site de la CRE.
La présente délibération, en adaptant le cadre tarifaire jusqu'alors en vigueur, répond aux enjeux explicités ci-dessus.
Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision, a rendu son avis le 9 juin 2020.
SOMMAIRE
1. Contexte et compétences de la CRE
1.1. Cadre préexistant pour les grd de rang n+1
1.2. Problématiques soulevées par le développement du biométhane
1.3. Compétences de la CRE
1.4. Processus d'élaboration tarifaire
2. Evolutions du dispositif concernant les règles de tarification entre un GRD amont et un GRD aval
2.1. Raccordement d'une nouvelle zone de desserte sur une canalisation biométhane située hors zone de desserte
2.2. Assiette de la tarification annuelle de l'acheminement
2.3. Définition du rang des grd raccordés sur une canalisation de biométhane
2.4. Cas des nouvelles zones de desserte qui pourraient se développer sur des ouvrages de maillage
Décision
1. Contexte et compétences de la CRE
1.1. Cadre préexistant pour les GRD de rang n+1
Un GRD est dit « de rang n+1 » (ou GRD aval) si son réseau est alimenté, depuis le réseau de transport, par l'intermédiaire d'un autre réseau de distribution de gaz naturel en amont de sa zone de desserte. Le GRD amont est dit « de rang n ».
Le GRD amont peut exploiter :
- un réseau de desserte historique dont le tarif d'utilisation est péréqué ;
- une nouvelle zone de desserte de distribution de gaz naturel dont le tarif n'est pas péréqué, en application des dispositions combinées des articles L. 452-1-1 et L. 432-6 du code de l'énergie (4).
La méthode utilisée pour fixer le tarif des GRD de rang n+1 a été initialement définie dans la proposition tarifaire de la CRE du 2 avril 2009 relative à l'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel (dite « ATRD3 des entreprises locales de distribution (ELD) ») et reconduite sans changements de principe jusqu'à la délibération tarifaire du 10 mars 2016 (dite « ATRD5 ») portant sur le tarif péréqué de GRDF (5) . Le tarif appliqué aux GRD de rang n+1 repose sur les principes suivants :
- la totalité des coûts de raccordement au réseau du GRD de rang n est facturée, au moment du raccordement, par le GRD de rang n au GRD de rang n+1, soit :
- la totalité des coûts du branchement ;
- le cas échéant, la totalité des coûts du réseau d'amenée (également appelé « extension ») ;
- et, lorsqu'ils sont directement et immédiatement imputables au GRD de rang n+1, la totalité des coûts de renforcement du réseau du GRD de rang n (ou à défaut, la quote-part des travaux imputable au GRD de rang n+1 déterminée au prorata des débits de pointe) ;
- 50 % des coûts d'acheminement, liés à l'application du tarif ATRD du GRD de rang n, sont facturés annuellement par le GRD de rang n au GRD de rang n+1. Cette valeur de 50 %, applicable quel que soit le GRD amont, correspond à la couverture :
- des charges d'exploitation normatives, qui représentent en moyenne 47 % du tarif ATRD (charges d'exploitation/total des charges) ;
- et d'une quote-part des charges de capital normatives au titre des renforcements futurs, représentant en moyenne 3 % du tarif ATRD ;
- les prestations annexes sont facturées en sus par le GRD de rang n au GRD de rang n+1, en application du catalogue des prestations du GRD de rang n.
Ces règles s'appliquent quelle que soit la situation du GRD aval, notamment que l'opérateur du réseau de distribution aval fasse partie ou non de la même entité que celle du gestionnaire du réseau de distribution amont. Lorsque l'opérateur du réseau de distribution aval et celui du réseau de distribution amont ne font pas partie de la même entité, les procédures du GT3 précisent qu'un poste de comptage est installé à l'interface entre les deux réseaux.
Enfin, lorsqu'un poste de comptage est mis en place, le GRD amont prend à sa charge :
- l'intégralité des investissements afférents au poste de comptage à l'interface entre les deux réseaux. Ces investissements comprennent notamment la télérelève, le génie civil, la fourniture et l'aménagement du poste de comptage ;
- l'ensemble des coûts d'exploitation, de maintenance et de renouvellement, afférents à l'utilisation du poste de comptage.
Enfin, la garantie de la fourniture d'une pression standard minimale en entrée du réseau d'un GRD aval est couverte par le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution du réseau amont et ne peut donner lieu à aucune facturation.
1.2. Problématiques soulevées par le développement du biométhane
Avec le développement du biométhane, au moins deux configurations ont conduit la CRE à réinterroger la tarification entre les GRD amont et aval :
- le raccordement de sites de production de biométhane sur une zone de desserte d'un GRD de rang n+1 déjà existant, qui soulève notamment la question de l'assiette de consommation utilisée pour facturer le tarif d'acheminement au GRD de rang n+1, ainsi que celle de la tarification de l'injection, à la suite de l'introduction dans les tarifs ATRT7 et ATRD6 d'un terme tarifaire d'injection pour les producteurs de biométhane ;
Schéma n° 1 : exemple d'un producteur de biométhane raccordé à un GRD de rang 2.
- le raccordement d'une ou plusieurs nouvelles zones de desserte sur une canalisation biométhane établie hors zone de desserte en vertu du droit à l'injection (6), alors que jusqu'à présent, les nouvelles zones de desserte qui se créaient se trouvaient à proximité du territoire de desserte d'un GRD amont auquel elles se raccordaient directement. Cette canalisation figurera dans la base d'actifs régulée (BAR) du GRD amont, ce qui soulève, outre les questions précédentes, trois autres questions :
- celle d'un transfert de tout ou partie de l'actif au(x) GRD aval(s) ;
- le cas échéant, dans le cas où une partie de l'actif resterait dans la BAR du GRD amont, celle d'une éventuelle participation au financement de cette canalisation ;
- celle de la détermination du rang de la ou des nouvelles zones de desserte raccordées.
Schéma n° 2 : exemple d'un producteur de biométhane raccordé à un GRD de rang 1 et de deux nouvelles zones de desserte (« DSP ») se raccordant sur la canalisation de biométhane.
1.3. Compétences de la CRE
Les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de l'énergie donnent compétence à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour fixer la méthode d'établissement des tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel.
L'article L. 134-2, 4° du code de l'énergie donne compétence à la CRE pour fixer les règles concernant les « conditions d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel […], y compris la méthodologie d'établissement des tarifs d'utilisation de ces réseaux […] et les évolutions tarifaires […] ».
Par ailleurs, le décret n° 2012-150 du 30 janvier 2012, relatif au droit d'accès des gestionnaires de réseaux de distribution aux réseaux de distribution de gaz naturel, décrit les conditions dans lesquelles les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel peuvent se raccorder aux réseaux de distribution existants « lorsque ces entreprises ne peuvent pas, pour des raisons d'ordre technique, économique ou géographique, se raccorder directement au réseau de transport ». Ces GRD sont alors dits de rang n+1. Les déclinaisons opérationnelles de ce décret ont été décrites dans deux procédures du GT3 du « Groupe de travail gaz 2007 » (7), et dans les délibérations tarifaires de la CRE relatives aux tarifs péréqués d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel. Le décret susmentionné énonce par ailleurs que la CRE « précise, en tant que de besoin, les règles encadrant les conditions d'accès aux réseaux de distribution concernées ».
1.4. Processus d'élaboration tarifaire
La présente délibération de la CRE reconduit le cadre existant tel que défini dans la délibération tarifaire ATRD5 de GRDF et le fait évoluer pour tenir compte des nouvelles dessertes qui se créeront autour des canalisations de raccordement d'installations de biométhane. Pour définir ce cadre tarifaire, la CRE s'est appuyée, en plus de ses analyses propres, sur les résultats de sa consultation publique n° 2020-008 qui s'est tenue du 2 avril au 4 mai 2020. 22 réponses ont été reçues. Les réponses à cette consultation publique sont publiées, le cas échéant dans leur version non confidentielle, sur le site de la CRE.
La majorité des acteurs qui se sont exprimés sont globalement favorables aux adaptations proposées par la CRE et ont salué la volonté de la CRE de proposer un dispositif simple et lisible, propre à permettre l'installation de nouvelles zones de dessertes de gaz naturel dans la mesure où elles sont pertinentes économiquement. Les éléments de réponses spécifiques sont détaillés ci-après.
2. Evolutions du dispositif concernant les règles de tarification entre un GRD amont et un GRD aval
Le cadre de tarification entre un GRD amont et un GRD aval (cf. paragraphe 1.1) a bien fonctionné jusqu'à aujourd'hui. La présente délibération reconduit ces dispositions dans leur ensemble, aussi bien en ce qui concerne les coûts à supporter par le GRD aval au moment du raccordement que les coûts annuels en exploitation, et ce quel que soit le devenir de la canalisation de biométhane dans le cadre de la création de nouvelles zones de desserte autour de ces canalisations situées hors zone de desserte (cf. paragraphe 2.1), tout en précisant l'assiette de consommation considérée (cf. paragraphe 2.2).
2.1. Raccordement d'une nouvelle zone de desserte sur une canalisation biométhane située hors zone de desserte
Transfert de propriété
Jusqu'à présent, les nouvelles zones de desserte qui se créaient se trouvaient à proximité du territoire de desserte d'un GRD amont auquel elles se raccordaient directement. Dans ce cas, le GRD amont lui facturait la totalité des coûts de branchement et, le cas échéant, la totalité des coûts d'extension et de renforcement qui lui sont imputables (cf. paragraphe 1.1).
En application du dispositif réglementaire relatif au droit à l'injection de biométhane, des canalisations pour raccorder des installations de biométhane vont se développer et pourront, le cas échéant, traverser des zones non desservies en gaz naturel (ci-après dénommées « canalisations biométhane hors zone de desserte »). Dès lors, la canalisation permettant le raccordement d'une installation de biométhane hors zone de desserte constituera, dans un premier temps, un actif exploité par le GRD concessionnaire de la zone de desserte à laquelle cette canalisation est rattachée. Selon les cas (8), la construction de cette canalisation a été financée à 100 % par le ou les producteurs de biométhane ou a bénéficié d'une réfaction à hauteur de 40 % si elle est raccordée à un GRD desservant plus de 100 000 clients.
La question du transfert de propriété de cette canalisation, en particulier pour la partie traversant le territoire de la nouvelle zone de desserte du GRD de rang n+1, ne relève pas des compétences de la CRE. Une clarification législative pourrait être apportée pour préciser la conduite à tenir, s'agissant du transfert de propriété, dans ce type de situation. Dans l'attente d'une telle clarification, la CRE a veillé à retenir un cadre de tarification entre un GRD amont et un GRD aval, applicable qu'il y ait transfert ou non de la propriété de la canalisation au GRD aval.
Traitement tarifaire
Dans la situation où la canalisation ne serait pas transférée à la nouvelle zone de desserte, la question s'est posée d'ajouter un terme tarifaire à la tarification actuelle pour que le GRD de rang n exploitant la canalisation puisse facturer l'utilisation de la canalisation par le nouveau GRD de rang n+1. La CRE a cependant proposé, dans sa consultation publique, de ne pas retenir de tarification additionnelle, mettant notamment en avant les difficultés de mise en œuvre d'une telle tarification. En effet, la canalisation ne servant pas uniquement à alimenter la nouvelle zone de desserte, mais aussi à acheminer le biométhane, il aurait été complexe de déterminer la part de cette canalisation à facturer à la nouvelle zone de desserte. De plus, si une deuxième zone de desserte avait été amenée à se créer sur la même canalisation, il aurait alors fallu prévoir des règles tarifaires spécifiques afin que cette zone participe également au financement de la canalisation. Il en aurait résulté une complexité et des difficultés d'application qui auraient excédé le bénéfice de la tarification mise en œuvre.
Dès lors, et étant donné que la loi Egalim permet au GRD de rang n d'exploiter, au même titre que les autres actifs qui lui sont concédés, la canalisation de biométhane hors de sa zone de desserte, la CRE a indiqué, dans sa consultation publique, considérer pertinent que la partie de cette canalisation qui resterait dans les actifs du réseau amont, après la création d'une nouvelle zone de desserte, soit traitée de la même manière que l'ensemble des autres actifs exploités par ce GRD de rang n. La majorité des répondants à la consultation publique sont favorables à cette proposition.
La CRE retient le principe d'une tarification unique quelle que soit la configuration (i.e. avec ou sans transfert de la canalisation à la nouvelle zone de desserte), consistant pour la nouvelle zone de desserte à s'acquitter annuellement de 50 % du tarif du GRD amont, sur la base de l'option tarifaire souscrite par le GRD aval.
2.2. Assiette de la tarification annuelle de l'acheminement
Les règles de tarification entre un GRD amont et un GRD aval définies au 1.1 et reconduites par la présente délibération ont été établies en cohérence avec le sens de circulation historique du gaz dans les réseaux, c'est-à-dire depuis le réseau de transport vers le réseau de distribution amont, puis vers le réseau de distribution aval. Ainsi, le GRD amont facture annuellement au GRD aval 50 % de son tarif d'acheminement sur la base de l'option tarifaire souscrite par le GRD aval. Le développement de l'injection de biométhane sur les réseaux de distribution modifie le sens des flux de circulation du gaz, et pose en conséquence la question de l'assiette de consommation du GRD aval sur laquelle est fondée la facturation du GRD amont.
En particulier, dans le cas d'un raccordement d'un producteur de biométhane à une zone de desserte en cours d'exploitation (schéma 1) ou d'une nouvelle zone de desserte se raccordant sur une canalisation de biométhane (schéma 2), il est nécessaire de préciser si la consommation à considérer est celle effectivement acheminée par le GRD amont (consommation de la nouvelle zone de desserte retranchée de la production de biométhane) ou la consommation totale de la zone sans déduction de la production de biométhane.
Dans sa consultation publique, la CRE a indiqué privilégier une solution unique, pour l'ensemble des situations, consistant à facturer au GRD aval, 50 % du tarif d'acheminement du GRD amont sur la base de la somme des consommations de son territoire, sans déduire les volumes produits et consommés localement, considérant notamment que cette assiette de facturation était la plus pertinente sur le plan économique. En effet, le dimensionnement du réseau du GRD amont est essentiel à la faisabilité du projet de biométhane, d'une part car les investissements effectués par le GRD amont (renforcements notamment) pour permettre au projet de biométhane d'injecter sa production sur le réseau sont largement supérieurs aux investissements effectués par le GRD aval, et, d'autre part, car le réseau amont assure un rôle de sécurité d'approvisionnement en cas de défaillance du producteur. En outre, pour les zones de desserte existantes, une facturation tenant compte de la production de biométhane aurait pu constituer un effet d'aubaine important pour le GRD aval dont le tarif a été défini sur la base d'un volume de charges d'exploitation comprenant la tarification par le GRD amont des volumes consommés sur la zone. En effet, le GRD aval verrait le montant de sa tarification diminuer sans que cela ne soit nécessairement répercuté dans le tarif payé par ses consommateurs. La majorité des répondants à la consultation publique est favorable à cette proposition.
Certains contributeurs estiment cependant que la facturation devrait être fondée sur les flux nets, en particulier en cas de transfert de la portion de canalisation, justifiant leur position par le fait que les investissements pour assurer la consommation de l'ensemble des consommateurs du GRD de rang n+1, sont payés par ce GRD, et que le tarif payé par le GRD de rang n+1 au GRD de rang n a vocation à couvrir la part de charges d'exploitation liée à l'acheminement de gaz réalisé pour son compte par le GRD de rang n. Dans le cas d'une nouvelle zone de desserte qui s'installerait sur une canalisation de raccordement de sites de production de biométhane, la CRE rappelle que les investissements de renforcement sur le réseau amont, s'ils doivent être réalisés, n'auront été financés ni à l'occasion de la création de cette zone de desserte, ni même par le producteur de biométhane dans les cas où le ratio I/V serait respecté, et que ces investissements de renforcements effectués par le GRD de rang n pour permettre au projet de biométhane d'injecter sur le réseau sa production sont largement supérieurs aux investissements effectués par le GRD de rang n+1. Dès lors, la faculté pour les consommateurs raccordés au réseau de rang n+1 de consommer la production locale de biométhane reste principalement permise par l'existence et le bon dimensionnement du réseau du GRD de rang n.
Par ailleurs, plusieurs contributeurs ont souligné la nécessité de favoriser, par une diminution du tarif à payer, via une baisse du taux de 50 % ou via une facturation sur les consommations nettes de la production locale, le développement de nouvelles zones de desserte afin de permettre un usage local du gaz produit et une meilleure acceptabilité du développement du biométhane dans les territoires d'implantation. La CRE rappelle que la tarification des réseaux doit s'appuyer sur le principe de reflet des coûts. Elle considère que, dans son ensemble, le dispositif présenté propose un équilibre raisonnable et permet l'émergence de nouvelles zones de desserte lorsqu'elles sont économiquement pertinentes.
Enfin, plusieurs contributeurs ont souligné la nécessité de disposer de systèmes de comptages fiables.
Compte tenu de ces éléments, la CRE retient la solution proposée dans sa consultation publique, consistant à facturer au GRD aval, 50 % du tarif d'acheminement du GRD amont sur la base de la somme des consommations de son territoire, sans déduire les volumes produits et consommés localement. Il revient au « groupe de travail gaz » (GTG) d'adapter les procédures précitées au point 1.1, afin de les mettre en conformité avec les nouvelles règles tarifaires définies par la présente délibération, ainsi que d'en préciser, le cas échéant, les modalités opérationnelles de mise en œuvre.
2.3. Définition du rang des GRD raccordés sur une canalisation de biométhane
Le décret n° 2012-150 du 30 janvier 2012 susmentionné, désormais codifié aux articles D. 111-38 à D. 111-42 du code de l'énergie, précise qu'« un gestionnaire de réseau de distribution raccordé à un réseau de distribution qui n'est pas lui-même directement raccordé au réseau de transport est dénommé « gestionnaire du réseau de distribution de rang N+1 », N étant le rang du réseau de distribution auquel il est raccordé ».
Une ou plusieurs nouvelles zones de desserte pourront se créer sur une même canalisation « biométhane hors zone de desserte », dans des calendriers divers. Par exemple, une nouvelle desserte pourrait souhaiter s'installer sur une canalisation « biométhane » entre un GRD de rang n, auquel a été initialement raccordé le site de production de biométhane, et une zone de desserte de rang n+1 établie sur cette même canalisation postérieurement au site d‘injection de biométhane mais antérieurement à la nouvelle zone de desserte considérée.
Afin d'établir un cadre stable, et de ne pas modifier a posteriori le rang d'une zone de desserte (et donc ses relations contractuelles et ses modalités de facturation), la CRE a proposé dans sa consultation publique de définir le rang d'un GRD en fonction du rang du GRD auquel la canalisation « biométhane hors zone de desserte » est raccordée.
Cette proposition a été unanimement approuvée par les contributeurs ayant exprimé un avis sur cette question dans le cadre de la consultation publique, qui ont mis en avant la stabilité qu'elle permet et sa simplicité de mise en œuvre. La CRE retient donc cette solution.
Ainsi, toutes les nouvelles zones de desserte se raccordant sur une même canalisation de biométhane hors zone de desserte seront considérées comme étant du même rang n+1 par rapport au GRD de rang n ayant construit initialement la canalisation de biométhane. Le rang d'une nouvelle zone de desserte, ainsi que le réseau auquel elle paye son tarif, sera donc figé au moment du raccordement, et aucun raccordement supplémentaire d'une nouvelle zone de desserte ne pourra avoir pour conséquence de modifier le rang d'une zone de desserte préexistante à l'aval.
2.4. Cas des nouvelles zones de desserte qui pourraient se développer sur des ouvrages de maillage
Plusieurs contributeurs à la consultation publique de la CRE ont demandé dans leur réponse à ce que soit précisé le traitement de nouvelles zones de desserte qui pourraient se développer sur des ouvrages ayant vocation à mailler des poches de réseaux. En effet, des ouvrages de maillages devraient se multiplier dans les années à venir afin d'optimiser la capacité des réseaux à accueillir des projets de biométhane.
La CRE précise que les règles de tarification retenues pour les GRD de rang n+1 sont également applicables aux nouvelles zones de dessertes qui pourraient se développer sur des canalisations de maillage.
La multiplicité des configurations de réseaux pourrait faire apparaître des cas particuliers, pour lesquels certaines précisions pourraient être rendues nécessaires. Ces cas pourront le cas échéant être discutés au sein d'un groupe de travail du GTG.
Décision
La CRE considère que les nouvelles configurations de réseau induites par le développement du biométhane, ne nécessitent pas de modifier les règles de tarification existantes entre un gestionnaire de réseau de distribution (GRD) amont et un GRD aval. Elles rendent cependant nécessaires l'ajout de certaines précisions, en particulier sur l'assiette de tarification, pour tenir compte du raccordement de producteurs de biométhane sur des zones de desserte existantes, ainsi que des nouvelles zones de desserte qui se créeront autour des canalisations de raccordement d'installations de biométhane situées hors zone de desserte ou autour de canalisations de maillage.
Dès lors, la présente délibération tarifaire reconduit pour l'ensemble des réseaux de rang n+1, le traitement tarifaire des GRD de rang n+1 défini dans la délibération de la CRE du 10 mars 2016 portant décision sur le tarif péréqué d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF :
- la totalité des coûts de raccordement au réseau du GRD de rang n est facturée par le GRD de rang n au GRD de rang n+1, soit :
- la totalité des coûts du branchement ;
- le cas échéant, la totalité des coûts du réseau d'amenée (également appelé « extension ») ;
- et, lorsqu'ils sont directement et immédiatement imputables au GRD de rang n+1, la totalité des coûts de renforcement du réseau du GRD de rang n (ou à défaut, la quote-part des travaux imputable au GRD de rang n+1 déterminée au prorata des débits de pointe) ;
- 50 % des coûts d'acheminement, liés à l'application du tarif ATRD du GRD de rang n, sont facturés par le GRD de rang n au GRD de rang n+1. L'assiette tarifaire correspond à la somme des consommations du territoire exploité par le GRD de rang n+1, sans déduction d'éventuels volumes produits et consommés localement ;
- les services annexes sont facturés en sus par le GRD de rang n au GRD de rang n+1, en application du catalogue des prestations du GRD de rang n.
Par ailleurs, toutes les nouvelles zones de desserte se raccordant sur une même canalisation destinée à raccorder des producteurs de biométhane situés hors zone de desserte sont considérées comme étant du même rang n+1 par rapport au GRD de rang n exploitant initialement la canalisation de biométhane. Le rang d'une nouvelle zone de desserte, ainsi que le GRD auquel elle paye son tarif, demeurent inchangés à compter de leur raccordement et pendant toute leur durée d'exploitation. Aucun raccordement ultérieur d'une nouvelle zone de desserte ne peut avoir pour conséquence de modifier le rang d'une zone de desserte préexistante.
Enfin, la CRE reconduit le principe selon lequel la garantie de la fourniture d'une pression standard minimale en entrée du réseau d'un GRD aval est couverte par le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution du GRD amont et ne peut donner lieu à aucune facturation.
Ces règles s'appliquent nonobstant toute stipulation contractuelle contraire.
La présente délibération entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2020.
La présente délibération a été transmise au Conseil supérieur de l'énergie. Celui-ci a rendu son avis lors de la séance du 9 juin 2020.
La présente délibération sera publiée sur le site de la CRE, transmise à la ministre de la transition écologique et solidaire, ainsi qu'au ministre de l'économie et des finances, et publiée au Journal officiel de la République française.Liens relatifs
Délibéré à Paris, le 18 juin 2020.
Pour la Commission de régulation de l'énergie :
Le président,
J.-F. Carenco
(1) Déclinaisons opérationnelles des règles applicables aux relations entre un GRD de rang 1 et un GRD de rang 2 et entre un GRD de rang n et un GRD de rang n+1.
(2) La délibération en vigueur sur ce point étant la délibération de la CRE du 10 mars 2016 portant décision sur le tarif péréqué d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF, dite délibération ATRD5.
(3) Consultation publique n° 2020-008 du 2 avril 2020 relative aux conditions d'accès au réseau pour les nouvelles dessertes autour des canalisations de raccordement d'installations de biométhane.
(4) Dans la majorité des cas, le tarif est issu d'une procédure de mise en concurrence.
(5) Délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 10 mars 2016 portant décision sur le tarif péréqué d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF.
(6) l'article L. 453-10 du code de l'énergie, introduit par la loi Egalim, dispose qu'« [u]n réseau public de distribution de gaz naturel peut comprendre une canalisation de distribution de gaz située hors de la zone de desserte du gestionnaire de ce réseau public sous réserve de l'accord entre l'autorité organisatrice de ce réseau et les communes sur le territoire desquelles la canalisation est implantée ou, le cas échéant, leurs établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes lorsque la compétence afférente à la distribution publique de gaz leur a été transférée ». Il est précisé que « [c]es dispositions sont applicables à une canalisation nécessaire pour permettre le raccordement à un réseau public de distribution de gaz naturel d'une installation de production de biogaz implantée en dehors de la zone de desserte du gestionnaire de ce réseau ».
(7) Déclinaisons opérationnelles des règles applicables aux relations entre un GRD de rang 1 et un GRD de rang 2 et entre un GRD de rang n et un GRD de rang n+1.
(8) Article L. 452-1 du code de l'énergie et arrêté du 30 novembre 2017 relatif au niveau de prise en charge des coûts de raccordement à certains réseaux publics de distribution de gaz naturel des installations de production de biogaz, en application de l'article L. 452-1 du code de l'énergie.